CAROL
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CAROL – Critique

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Mise en scène
8
Scénario
9
Casting
9
Photographie
8
Musique
9
Note des lecteurs27 Notes
7.3
8.6

Le pitch : Dans le New York des années 1950, Therese,  jeune employée d’un grand magasin de Manhattan, fait la connaissance d’une cliente distinguée, Carol, femme séduisante, prisonnière d’un mariage peu heureux. À l’étincelle de la première rencontre succède rapidement un sentiment plus profond. Les deux femmes se retrouvent bientôt prises au piège entre les conventions et leur attirance mutuelle.

La magnifique scène d’introduction présente déjà les enjeux de chaque parti : ceux du spectateur, des personnages, du réalisateur.
On suit ainsi un homme dans les rues de New York, puis à l’intérieur d’un élégant bâtiment. Le score de Carter Burwell (compositeur attitré des COEN) impose dès cette première minute, un thème puissant – très mélodramatique, mais ultra-percutant. Un certain académisme se dégage de cette musique, immédiatement contre-balancé dès l’instant où l’homme s’immiscera dans une conversation entre deux femmes dans un restaurant.

Un moment décisif ou l’on prend conscience de notre irruption au sein de quelque chose d’extrêmement intime, quoique jamais exprimé autrement que par des regards pleins d’un sens indéchiffrable. On comprend alors qu’il ne s’agira pas que d’un mélodrame classique, mais bien d’un film où la suggestion et la subtilité définissent les interactions, et par extensions les personnages eux-mêmes.
Todd Haynes précise également dès cette introduction, qu’il s’agira d’un regard d’homme sur une histoire de femmes… Mais loin d’une observation voyeuriste de l’homosexualité, il s’agira de décoder ce sentiment puissant caché dans le non-dit ; de comprendre ce que sont ces deux femmes l’une pour l’autre.
C’est donc avec une logique narrative d’emblée justifiée, que l’on revient au tout début de leur histoire.

Là, le second vecteur d’empathie prend pleinement vie : l’immersion dans leur quotidien. Successivement, Todd Haynes nous les présente via une reconstitution contextuelle proprement hallucinante. Ce n’est pas qu’une question de décors ; De l’historique fouillé mais pas explicite, aux attitudes, dialogues, ambiances, costumes, maquillages… La direction artistique est ultra-précise et composée sur chaque aspect, avec un soin maniaque, fétichiste. Récemment, seuls Grand Budapest Hotel et Mad Max Fury Road sont parvenus à nous bluffer par un tel niveau de détail.

Une fois ce décor et cette ambiance placés, coule de source le contexte : une société radicalisant la relation amoureuse. Todd Haynes a clairement compris que l’environnement de ces femmes façonne autant leurs personnalités et leur relation que leurs propres sentiments ; Carol et Therese n’ont pas le droit de s’aimer. Ni légalement, ni moralement, ni d’une quelconque autre manière. Cela n’empêche évidemment pas leur amour de s’installer, à la fois en marge et à l’intérieur de ce contexte ; D’homosexualité, il s’agit… Mais en accord total avec les moeurs, conventions et tabous de l’époque, d’homosexualité il ne sera jamais ouvertement question. Un fait que Carol, Therese mais également TOUS les autres personnages ont parfaitement intégré, empêchant ou s’empêchant toute expression sentimentale contre-indiquée. D’où l’importance d’enfouir ses émotions, et de communiquer exclusivement par le non-dit #ouroboros

Une œuvre maîtrisée de bout en bout, de son sujet à sa réalisation, en passant par ses acteurs. Magnifique.

Les actrices (et accessoirement, les acteurs), dirigées avec une précision inouïe, font monter en nous l’émotion par leur jeu parfait, leurs interaction à la fois taiseuses et expressives.
Cate Blanchett compose ainsi un personnage proche, dans ses attitudes distinguées, de la Blue Jasmine de Woody Allen.
Mais point d’outrance ici, point de folie. Carol est une femme qui doit masquer ses émotions, si fortes soient-elles. Son drame est d’aimer les femmes – mais également sa famille, d’en être consciente, et surtout de savoir exactement quelles seront les conséquences de chacune de ses décisions. Face à elle, Rooney Mara est Therese, jeune, mais pas naïve ni ingénue, charismatique par ses silences, séductrice plus fine qu’elle n’en à l’air. Au début du film, elle paraît « victime »… Mais en réalité, chaque personnage est pleinement conscient de son impact sur ceux qui l’entourent. La tragédie se construit parallèlement à l’amour, dans cette volonté de contrôle que recherche l’homme sur la femme, et dans la recherche antagonique, d’une liberté impossible.
Tout cela, bien sûr, porté par un non-dit toujours aussi ravageur. On apprécie d’ailleurs, de retrouver Kyle Chandler dans un nouveau rôle d’émotion rentrée (après Bloodline)

Au final, CAROL est une oeuvre totale, où chaque aspect fait preuve d’une maîtrise exceptionnelle.
Toutefois, cette maîtrise ne serait rien sans un sujet fort. Il s’agit ici, d’une belle histoire d’amour, puis d’un discours intemporel sur la femme et ses aspirations à une libération du joug masculin.

Georgeslechameau

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