Photo du film LA NUIT ET L'ENFANT
© Survivance

[CRITIQUE] LA NUIT ET L’ENFANT

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LA NUIT ET L'ENFANT
• Sortie : 7 septembre 2016
• Réalisation : David Yon
• Acteurs principaux : Lamine Bachar, Aness Baitich, Boubaker Lahrech, Ilyes Lahrech
• Durée : 1h
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3
NOTE DU RÉDACTEUR

L’auteur de ce film, et par conséquent le film lui-même, ne sortent pas de n’importe où. David Yon est passé par la fameuse formation au documentaire de création dispensée par l’université Grenoble 3 et connue pour son étape pratique à Lussas. Cofondateur du remarquable site Dérives.tv, dédié au documentaire et au cinéma expérimental, il a réalisé en 2009 le court-métrage Les oiseaux d’Arabie (visible dans son intégralité ici). 8 ans plus tard, le grand saut dans le long advient enfin avec LA NUIT ET L’ENFANT.

Derrière ce titre programmatique, qui résonne également comme une grande arche fourre-tout poétique (ce pourrait être celui des Contrebandiers de Moonfleet aussi bien que de Dog Star Man), se cache un catalogue visuel rassemblé dans le motif d’une fuite. Voici le synopsis officiel : Le soleil ne se lève plus sur l’Atlas algérien. Après les guerres, sur cette terre où résonne encore l’écho d’une menace, Lamine marche dans la steppe. Un enfant, à la présence rassurante l’accompagne.
 Que fuient-ils ensemble ? Un présent peuplé de mystérieux assaillants ? Les cauchemars du passé ? Cette traversée nocturne au cœur d’une nature majestueuse prend tour à tour les accents fantastiques d’une quête, d’un jeu ou d’un récit initiatique.

Photo du film LA NUIT ET L'ENFANT
© Survivance

Éloge nimbé d’ombres, éclos dans les murmures des hommes et dans les éclats de la nature, ce brasier figural de sons et d’images soulevé dans le désert algérien établit deux cartographies : la première esquisse une relation entre un homme en errance et un enfant apparu en silhouette au pied de la lune. Dans ce portrait, outillé des seuls moyens du cinéma, s’enclenche une mécanique de la réparation. Aux côtés de l’enfant, l’homme va cautériser les plaies sans noms qu’il charriait dans son vagabondage. La deuxième cartographie disposée par la réalisation est celle du désert dans lequel tout le film s’anime. Sous l’orage, le vent, dans les ténèbres et le sable, David Yon recompose la nature du sensible. Si bien qu’on y découvre des braises bleues turquoises, des chemins de pierres carmins et des ciels tapissés d’un violet de cobalt.

« L’interprétation du film reste ouverte. Elle jouit de cette générosité, propre à un certain cinéma expérimental, de laisser le spectateur co-auteur du film, le laissant prendre part à l’aménagement du récit. »

Sciemment, le montage se refuse à sceller un sens aux éléments plastiques. L’interprétation du film reste ouverte. Elle jouit de cette générosité, propre à un certain cinéma expérimental, de laisser le spectateur co-auteur du film, le laissant prendre part à l’aménagement du récit. Le synopsis officiel le dit très bien : s’agît-il d’un récit initiatique ? D’une création sur les guerres qui ont déchiré l’Atlas ? D’un simple prélevé esthétique de formes qui se mutualisent sous l’égide de la beauté ? Tout cela à la fois. Pas par défaitisme du sens, ce qui serait une forme de lâcheté de l’auteur. Mais par générosité de l’expression et par confiance et respect envers la sensibilité du spectateur.

David Yon réussit souvent (pas tout le temps) à atteindre cette crête de la multiplicité et de l’équivoque trouble des sens. Cas exemplaire : celui des raisons qui motivent la fuite au début. Qui sont ces ombres armés de fusils ? Qui est cet homme égorgé sous l’orbe d’une lumière dans le noir ? Mais aussi, quelle est cette fête finale dans laquelle tout se diffracte ? Au spectateur d’y trouver son chemin, à condition qu’il suive comme guide les sensations émises.

Photo du film LA NUIT ET L'ENFANT
© Survivance

Aussi court soit le film, une petite heure, il ne se trompe pas sur son rythme. Ni empressé ni empesé, il est conduit par une musique de krautrock signée Jean D.L. et Sandrine Verstraete, trouée par des tambourins et du raïta. Le corps des images baigne avec ces sons dans une sorte d’hallucinations ludiques, doublant la traversée documentaire du désert d’une fête joyeuse de la fiction, orchestrée par cette bande musicale au long cours.

Ruisseau menant à la découverte, piloté par le moins de repères possible, le film charmera les coutumiers du genre. Quant aux spectateurs plus rétifs, libres à eux de s’abandonner le temps du film. Sans l’assurance d’y trouver la grande expérience (le film n’a pas l’ampleur ferme de Mimosas de Laxe ou d’Inland de Teguia), ils auront au moins visité un territoire riche de singularités.

Flavien Poncet

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