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BIG EYES, le film le plus personnel de Burton – Critique

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Depuis dix bonnes années, le nom de Tim Burton ne fait plus autant rêver. Ses films live sont tout au mieux sympathiques mais il peine à retrouver sa fougue d’antan. Il semble loin, aujourd’hui, le temps où il était capable de sortir des Edward aux mains d’argent ou des Batman capables de faire chavirer toute une horde de fans avides de plonger dans un univers bien particulier. C’est ce-même univers, baroque, gothique et loufoque, sur lequel Tim Burton s’est trop reposé ces dernières années, sans arriver à insuffler un second souffle à sa carrière. Au fil des ans, les attentes liées à la sortie d’un de ses nouveaux films se sont amoindries. Au fond de nous, secrètement, sans trop oser l’avouer, on guette quand même l’arrivée d’un nouvel essai avec l’espoir de voir surgir le film qui va amorcer la réconciliation.

La banlieue pavillonnaire qui compose le cadre de la scène post-générique laisse augurer que Burton convoque un univers très marqué déjà abordé bien avant dans sa filmographie, dans Edward aux mains d’argent notamment. Couleurs pimpantes et ambiance joliment rétro, on sait dans quel bateau on embarque. Et pourtant non ! Quelques secondes et, hop, il est déjà temps de quitter cette banlieue pour l’héroïne. Ce départ dépasse la pure fonction scénaristique et trouve un double sens délicieusement malin avec la position actuelle de Tim Burton. Il est temps pour lui aussi de quitter cette zone de confort dans laquelle il est prévisiblement attendu et de prendre un nouveau départ. La première bonne résolution réside en l’absence de Johnny Depp. En soi c’est une petite révolution de ne plus le voir au casting. Charlie et la Chocolaterie, en 2005, marquait le début d’une longue série où Depp se retrouvait systématiquement dans tous les films live (il était également une des voix dans Les Noces Funèbres). Cette collaboration excessive coïncide, hasard ou non, avec le déclin du cinéaste. Belle bouffée d’air frais offerte aux spectateurs de s’être débarrassé d’un acteur répétant jusqu’à l’usure son numéro d’excentricité. De quoi laisser la place à un duo d’acteurs rafraîchissant, composé de nouveaux venus dans le monde burtonien : Amy Adams (Fighter) et Christoph Waltz (Django Unchained). La première apporte toute sa candeur (et sa beauté, disons le !) avec ce rôle touchant et le second, dont la performance ressemble à du Depp lors de ses moments de bouffonneries, est à son aise dans l’excessivité que demande son rôle.

Pour la deuxième fois de sa carrière, Burton aborde le genre du biopic. BIG EYES raconte l’histoire de Margaret Keane, une artiste dont la spécificité est de peindre systématiquement des personnages aux gros yeux. Un univers qui a sûrement inspiré Tim Burton par le passé, on lui connaît un penchant non dissimulé pour les beautiful freaks. Ces freaks là, ne prennent pas vie cette fois, il les délaisse le temps de ce film. Walter Keane s’apparente à un monstre mais une autre sorte, que l’on a rarement vu chez Burton : le freak pitoyable. Il est sans scrupules, prêt à tout pour se faire de l’argent, même à délaisser l’humanité de sa femme. BIG EYES est un film sur l’art et sur l’artiste. Sur le rapport qu’entretiennent les gens avec les œuvres, sur la recherche d’épanouissement d’un artiste. Avec un zest de critique envers le côté commercial de l’art. Sous la forme d’un humour doucement grinçant, Burton nous dit clairement qu’il existe des gens pour qui l’art n’est pas une fin en soi mais un moyen de satisfaire son égo. Mais qu’il existe aussi d’autres personnes pour qui l’art est un moyen de s’ouvrir au monde, de dire qui ils sont, sans se soucier de l’aspect économique. Les deux personnages principaux personnifient ces deux façons de penser l’art et on a pas de mal à deviner de quel côté se place Burton. L’intrigue se situe dans les années 50 toutefois le propos s’applique sans soucis à notre époque, on dira même qu’il est intemporel. A la critique de l’art de manière général se mêle une critique de l’art de Burton. Le courage d’oser l’auto-critique est salutaire et touchant. BIG EYES s’impose comme le film le plus personnel de la filmographie de son réalisateur.

On ne peut nier à quel point ce film est vital, autant pour son concepteur que pour le public.

Ce film tombe à point nommé dans la filmographie de Tim Burton, le parallèle entre Margaret Keane et le réalisateur est difficile à éluder. Après quelques années où son cinéma commençait à tourner en rond, jusqu’à atteindre un sentiment d’auto-parodie, il décide de se remettre en question, de changer. Lorsque, lassée de reproduire les mêmes œuvres mécaniquement, Margaret décide de livrer une toile dans un nouveau style, c’est d’un coup Tim Burton que l’on voit apparaître, bien déterminé à montrer qu’il a encore des choses à dire. Le procès aussi trouve un écho avec le statut actuel du cinéaste. Margaret ose sortir de son mutisme et s’affirmer. C’est ce que fait Burton avec ce film, il sort du silence, de la monotonie d’un cinéma qui ne le faisait plus vibrer. Oui, BIG EYES ne ressemble pas à première vue à un film que l’on attend de lui, à l’exception de quelques passages glissant avec douceur vers l’onirisme. Et tant mieux. Les fans de la première heure risquent logiquement d’être déçus s’ils s’attendent à voir du pur Burton. Ils diront même, dans un élan de mauvaise foi, qu’on est dans un mélo sans saveur. Pourtant on ne peut nier à quel point ce film est vital, autant pour son concepteur que pour le public. S’il pouvait marquer le début d’une nouvelle période burtonnienne, on n’en serait que plus réjoui. Car il prouverait qu’il a assez de ressources pour se réinventer. Ce qui est la marque des grands réalisateurs.

Maxime

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