[critique] La Pianiste

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Erika Kohut, la quarantaine, est un honorable professeur de piano au Conservatoire de Vienne. Menant une vie de célibataire endurcie chez sa vieille mère possessive, cette musicienne laisse libre cours à sa sexualité débridée en épiant les autres. Fréquentant secrètement les peep-shows et les cinémas pornos, Erika Kohut plonge dans un voyeurisme morbide et s’inflige des mutilations par pur plaisir masochiste.

Jusqu’au jour où Walter, un élève d’une vingtaine d’années, tombe amoureux d’elle. De cette affection naît une relation troublante, mouvementée et perverse entre le maître et son disciple.

Note de l’Auteur

[rating:9/10]

Date de sortie : 05 septembre 2001
Réalisé par Michael Haneke
Film français, autrichien
Avec Isabelle Huppert, Benoît Magimel, Annie Girardot
Durée : 2h 10min
Bande-Annonce :
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Après Funny Games et sa trilogie sur la « glaciation émotionnelle » composée du Septième Continent, Benny’s Video et 71 Fragments D’Une Chronologie Du Hasard, Michael Haneke, virtuose des comportements humains, revient avec un nouveau film aussi malsain que révolutionnaire.

La Pianiste s’inscrit dans cette même spirale, propre au réalisateur, plaçant l’Homme au centre des attentions pour le confronter à ses propres démons.

La force dévastatrice de ce film réside principalement sur ce trio d’acteur exceptionnel alternant habilement entre drame, comédie, violence sans prétentions ni fausses notes quelconques. Annie Girardot (Les Misérables, Le Temps Des Portes-Plumes) est bouleversante d’humanité et d’honnêteté dans ce rôle de mère tyrannique, autoritaire, envahissante mais pourtant attendrissante. L’actrice nous livre ici l’une de ses plus belles prestations.

Ajoutons la très belle performance d’Isabelle Huppert (Les Valseuses, Coup De Torchon, Madame Bovary, 8 Femmes), très soigneuse et minutieuse dans des rôles qu’elle trie sur le volet, et de Benoît Magimel qui nous prouve qu’avant d’endosser le costume de jeune loup intrépide de La Haine, Nid De Guêpes et des Rivières Pourpres 2, il est brillamment capable de jouer des rôles plus ambigus, plus provocateur, plus émouvant.

Mais le film n’aurait certainement pas la même saveur sans la réalisation parfaite d’Haneke avec ses plans fixes proches du fantasme et ses plans séquences réalisés d’une main de maître et qui captent dans les moindres détails les sentiments, les états d’âmes de nos protagonistes. A noter qu’il est très rare de filmer continuellement de dos les personnages d’un film et d’arriver à faire passer autant d’émotions : Michael Haneke réussit ce pari osé et risqué de manière magistrale.

Concernant le scénario, si les vingt premières minutes servent à la mise en place du décor, le reste du film bascule irrémédiablement dans un mélange de folie, de fantasme et d’absurde.

Le personnage incarné par Isabelle Huppert (Erika Kohut), pour échapper à la monotonie et à la tristesse de sa vie quotidienne faite de jalousie, de désirs refoulés et de frustration, se plaît à pénétrer dans un monde malsain et autodestructeur : celui de la pornographie et du sadomasochisme.

Ce besoin de voyeurisme et de sensations fortes donnera lieu à de nombreuses scènes aussi saisissantes que choquantes qui n’ont cessées de chambouler le quotidien des cannois en 2001 où il a raflé les prix d’interprétation masculine et féminine et le prix du jury à l’image d’une scarification exercée au niveau du sexe d’Erika Kohut.

Nous retrouvons ici toute l’efficacité de l’entreprise d’Haneke qui tient dans l’habileté qu’il met en œuvre pour nous impliquer psychologiquement et physiquement dans ce scénario sombre et intrigant.

Ainsi, nous assistons à la lente descente aux enfers de cette bourgeoise frustrée en quête d’inédit, d’une petite étincelle qui lui manque pour s’épanouir dans ce quotidien froid, distant, sans âme ni personnalité.

Cette étincelle, elle la trouvera en la personne de Benoît Magimel : s’instaure dès lors un jeu de maître et discipline, de « je t’aime, moi non plus » entre les deux qui les conduira jusqu’au limite de l’amour et de la souffrance.

Cette relation ambigüe et dévastatrice, dans laquelle s’affronte la jeunesse innocente et naïve et la maturité à la fois dure et fragile, verra l’évolution de ces deux êtres tour à tour victime et bourreau (Magimel), marâtre et soumise (Huppert). L’un évolue tandis que l’autre régresse et casse ainsi les codes préétablit d’élève et de professeur.

Chacun se perd dans ce jeu pervers pour ne plus distinguer la réalité de la fiction et finir par perdre définitivement pied et atteindre le point de non-retour.

En témoigne la scène finale à la fois pathétique, bouleversante et alarmante dénonçant un mal incurable et ravageur d’existence.

Une nouvelle fois, à travers une histoire à première vue banale mais terriblement fracassante au final et des personnages saisissant de crédibilité, Michael Haneke met en avant l’être humain, le met à nu et le confronte à son propre reflet, ses propres démons, c’est-à-dire tout ce qu’il y a de plus malsain, de plus sadique et de plus destructeur.

La Pianiste est un petit bijou à la puissance désarmante, sincère, séduisant, inquiétant.

Un beau moment de cinéma et de vie.

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