la porte de l'enfer
© Films sans Frontières

[CRITIQUE] LA PORTE DE L’ENFER (1954)

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REALISATION
6.5
SCENARIO
6
CASTING
7
ESTHETIQUE
3.5
EMOTION/ACTION
5
Note des lecteurs0 Note
0
5.6

[dropcap size=small]P[/dropcap]alme d’Or à Cannes en 1954 (une distinction alors nommée ‘Grand Prix’), LA PORTE DE L’ENFER contribua grandement à la découverte et à l’appréciation du cinéma nippon en Europe. Akira Kurosawa et Kenji Mizogushi avaient d’ores et déjà ouvert la voie au cinéma asiatique dans les festivals et les salles occidentales lorsque Teinosuke Kinugasa, un vétéran du 7e Art avec une trentaine de films derrière lui, imposa enfin son nom au panthéon des réalisateurs reconnus par ses pairs. Quelques mois plus tard, son film enchanta l’Amérique à son tour, et reçu l’Oscar du meilleur film étranger en 1955. Son chef d’œuvre, en quelque sorte.

Dans le Japon du haut Moyen-Age, la guerre fait rage entre factions rivales, sur fond d’honneur et de traditions fortes. Le combattant Morito (Kazuo Hasegawa) est chargé de conduire ailleurs l’une des servantes de la princesse au pouvoir, afin de créer une diversion pour l’ennemi. Le stratagème est un succès, mais la belle Kesa (Machiko Kyo) n’a pas laissé le samouraï indifférent. Peu à peu, son obsession pour la jeune femme devient dévorante et le pousse à demander sa main à son maître. Jusqu’à ne plus réfréner sa violence en apprenant que la demoiselle est déjà mariée à Wataru (Isao Yamagata), un homme sage et au moins aussi valeureux que lui. Désormais, Morito n’aura de cesse de pourchasser la dame de ses pensées, frénétiquement, aveuglément. Face à une société hautement codifié, il n’hésite pas à proférer des menaces en public ou à attirer Kesa dans un piège avec pour seul but de la revoir, de la convaincre de quitter son fidèle époux.

© Films sans Frontières
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L’amour à mort, qui mène à l’enfer. La lubie délirante de Morito lui fera tout perdre. Machiko Kyo, le visage de Rashomon (Akira Kurosawa, 1950) , celui des Contes de la lune vague après la pluie (Kenji Mizoguchi, 1953), prête à Kesa son immense talent, celui qui fit d’elle l’une des grandes actrices du cinéma japonais de son temps. Elle bouillonne à l’intérieur à défaut de pouvoir hurler sa honte. La dame de compagnie est une fleur impossible à cueillir, un charme impossible à conquérir. Parmi les scènes de massacres et les surenchères de virilité, elle est l’unique personnage au cœur vraiment pur, à l’âme vraiment bonne, dont les sacrifices sauvent les siens non pas une, mais bien deux fois. Le regard de Kinugasa est celui d’un réalisateur confirmé, qui multiplie les mouvements graciles de caméra pour suivre l’épouse en sa demeure, l’éclairer ou l’assombrir. Le cinéaste et sa comédienne contrôlent leur art de bout en bout.

« Un classique au caractère suranné, qui cherche son propre genre. »

Le film est aussi une fresque aux apparences grandioses, aux senteurs d’un Japon fané. Mais l’esthétique du tout est certainement le point faible de l’œuvre, six décennies après sa conception. Le déballage de Technicolor (ou d’Eastmancolor) donne à voir des armures bleu azur, des kimonos or vif, des drapeaux rouge sang, de l’herbe verte fluo… Des prouesses techniques impressionnantes pour leurs contemporains, un aspect artificiel et, n’ayons pas peur, nauséeux pour nous. Les images donnent le tournis, la saturation des couleurs donne mal au yeux. Comme dans Péché mortel (John M. Stahl, 1945) ou Mogambo (John Ford, 1953), et tant d’autres films de cette époque, des personnages aux vêtements bariolés évoluent dans un monde digne du pays d’Oz, aux ciels trop profonds et aux soleils trop jaunes.

Le déroulé du scénario ajoute encore au caractère suranné de ce classique, avec ses plans longs et ses silences, ses retournements de situation un peu impromptus et la difficulté de faire pénétrer le spectateur dans cet univers éloigné du sien. Kinugasa perd la poésie de Mizogushi, ne produit ni totalement un drame ni parfaitement un film d’action. Il cherche son propre genre, qui a du mal à émerger et donne à LA PORTE DE L’ENFER une forme d’hésitation magistrale. A se dire que l’on ne sait pas où l’on va, mais que l’on s’y rend avec tant de panache que l’on serait bien bête de ne pas y aller. Le jury cannois et les votants de l’académie états-unienne ne furent probablement pas sourds à ce mystère, non le mystère de l’intrigue, mais le mystère de la production même de ce film. Une fantaisie qui ne semble avoir aucune direction ou justification que l’évocation gratuite d’un temps passé et des affres terriblement théâtraux de la passion. Un goût d’inachevé.

LA PORTE DE L’ENFER, au cinéma en version restaurée le 2 septembre 2015, distribué par Films sans frontières.

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086450

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Titre original : 地獄門, Jigokumon
Réalisation : Teinosuke Kinugasa
Scénario : Teinosuke Kinugasa, d’après la pièce Kesa’s Husband, de Kan Kikuchi
Acteurs principaux : Machiko Kyo, Kazuo Hasegawa, Isao Yamagata
Pays d’origine : Japon
Sortie : 1954 – ressortie 2 septembre 2015
Durée : 1h26
Distributeur : Films sans frontières
Synopsis : Dans le Japon du XIIe siècle, un samouraï tombe amoureux de la femme qu’il était censé protéger, une passion muée en violence lorsqu’il apprend que celle-ci est déjà mariée.

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Rédacteur depuis le 09.03.2015

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REALISATION
SCENARIO
CASTING
ESTHETIQUE
EMOTION/ACTION
Note finale

  1. Absolument pas d’accord avec cette critique, film avec une esthétique et une musique cohérentes, à resituer dans le contexte de l’époque et à ne pas regarder avec des a priori culturels comtemporains forcément anachroniques.
    certaines scènes sont de véritables estampes. L’histoire est certes conventionnelle, ou en tout cas proche du conte, mais l’essentiel n’est pas là, à voir, vaut bien des films actuels encensés à tort !