Love is strange
© Pretty Pictures

[CRITIQUE] LOVE IS STRANGE

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LOVE IS STRANGE
• Sortie : 12 novembre 2014
• Réalisation : Ira Sachs
• Acteurs principaux : Alfred Molina, John Lithgow, Marisa Tomei
• Durée : 1h38min
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4
NOTE DU RÉDACTEUR

Ira Sachs est un réalisateur plutôt méconnu dans nos contrées. Dernièrement auteur du réputé Keeps the Light On (sorti il y a deux ans chez nous), il place toujours l’amour au centre de ses films. Il récidive avec ce 5ème métrage où l’amour s’installe jusque dans le titre. Comme avec son précédent métrage, il est question d’homosexualité.

On pourrait craindre le film militant à la vue du pitch : un professeur de musique dans une école catholique se fait renvoyer dès que son entourage professionnel apprend qu’il s’est marié avec son copain. Ne pouvant plus assumer leur loyer, les deux hommes demandent à leurs proches de les héberger le temps qu’ils trouvent un nouvel appartement. Pourtant, on est loin du film à charge contre le tabou de l’homosexualité ou contre le contexte immobilier new-yorkais. Tout cela est présent, impossible d’y passer à côté et de ne pas être interpellé par l’injustice qui s’abat sur le couple. Ira Sachs exploite les soucis du monde contemporain afin de trouver une intrigue qui puisse lui permettre de parler avant tout de l’amour, sous toutes ses formes. L’amour avec un grand A comme l’amour familial.

Notre petit couple dort paisiblement, l’un se réveille, va prendre une douche puis s’habille. Le tout dans le plus grand calme. A priori, voilà un autre matin banal. Mais non, c’est le fameux matin où nos tourteaux vont se marier ! Le calme qui parcourt cette scène caractérise tout le film et va se retrouver jusqu’à la fin. Que l’on soit content ou triste, que l’on se dispute ou que se l’on dise qu’on s’aime, tout est fait sans effusions. Cette retenue de la part de Sachs, comme des personnages, permet avec surprise de faire naître l’émotion. Les plus beaux moment sont ceux où les personnages se taisent. C’est leur corps qui prend le dessus et parlent pour eux. On remarquera à juste titre que tous les passages où un personnage pleure sont les plus silencieux, il n’y rien à rajouter. Le spectateur est attrapé par l’émotion de l’instant, il ne peut rien dire non plus, comme les personnages. L’une des plus belles scènes du film, si ce n’est LA plus belle, illustre parfaitement notre propos : Ben habite chez son neveu, un soir George vient sonner à l’improviste. Il entre, trempé par la pluie, un regard est échangé et George se jette dans les bras de Ben en larmes. Vient le contrechamp où le neveu et sa femme restent bouche bées devant la puissance de l’amour des deux hommes. Ce plan, c’est eux mais c’est aussi nous. Impuissants, touchés et, il faut l’avouer, admiratifs. Ira Sachs trouve dans la simplicité de sa mise en scène, ici un simple contrechamp, toute l’émotion nécessaire. Ses choix tombent juste. Sa réalisation est à l’image du film : sans esbroufe.

© Golem Distribución

A l’instar d’un Woody Allen (Blue Jasmine), il laisse en priorité la place aux personnages pour exister. Ce qu’ils font admirablement, autant grâce à l’écriture d’Ira Sachs et son compère Maurício Zacharias que grâce à l’interprétation des acteurs. Comment ne pas parler d’Alfred Molina (The Normal Heart) et John Lithgow (Interstellar) avant toute chose ? Les deux illuminent l’écran de leur talent et de leur complicité. Leurs jeux d’une belle pudeur laissent transparaître l’amour admirablement. On ne peut que croire à leur relation lorsqu’on les voit ensemble, tout est dans les gestes, les regards. Le tour de force est de nous faire croire à un passif en commun. Pour eux, ce n’est plus le temps des grandes déclarations d’amour, des longs baisers langoureux. Ils veulent juste être ensemble. Ben le dit à George au détour d’une scène cocasse où les amoureux sont confinés dans des lits superposés. Ira Sachs ne filme pas les baisers entre eux en y apportant un traitement romantique, il préfère les capter comme un des nombreux éléments du quotidien qui alimentent le scénario. Cette manière de filmer le quotidien ne nous prépare pas aux quelques surprises scénaristiques disséminées dans le métrage. Ou comment un fondu au noir et une ellipse peuvent cacher un drame.

« Ira Sachs trouve dans la simplicité de sa mise en scène, toute l’émotion nécessaire. Ses choix tombent juste. Sa réalisation est à l’image du film : sans esbroufe. »

L’amour est-il étrange ? On serait tenté de dire oui. Le film met en exergue la capacité de l’homme à aimer quelqu’un tout en arrivant à le détester le temps d’un instant. Kate, la femme du neveu de Ben, obligée de se coltiner ce dernier chez elle alors qu’elle tente d’écrire. Lors d’une scène très drôle, on sent toute sa détresse face à la présence du vieil homme qui ne cesse de parler. C’était elle, au début du film, qui clamait son amour et son admiration pour le couple de Ben. Chemin inverse pour Joey, le fils de Kate. Il ne sera pas tendre avec Ben afin de lui faire payer le manque d’intimité dont il dispose depuis l’arrivée du vieil sous son toit. Dans la dernière partie, il regrettera ses paroles lors d’une scène poignante. On se rendra compte qu’il a pris en considération le conseil promulgué par Ben, plus tôt dans le film. Ira Sachs décide de boucler son métrage sur le jeune homme pour montrer l’amour à toutes les générations. L’amour est destiné à recommencer son cycle encore et encore. Magnifique dernière scène où Joey arpente en skate les rues new-yorkaises en compagnie de sa première copine. Ils foncent vers le soleil qui inonde les plans. A l’image du couple George/Ben, le futur des deux adolescents ne sera sûrement pas toujours de tout repos (le film nous l’a prouvé) mais il s’annonce surtout radieux. Love is beautiful.

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[divider]CASTING[/divider]

Titre original : Love is Strange
Réalisation : Ira Sachs
Scénario : Ira Sachs & Maurício Zacharias
Acteurs principaux : Alfred Molina, John Lithgow, Marisa Tomei, Charlie Tahan
Pays d’origine : USA
Sortie : 12 NOVEMBRE 2014
Durée : 1h38mn
Distributeur : Pretty Pictures
Synopsis : Après 39 ans de vie commune, George et Ben décident de se marier. Mais, au retour de leur voyage de noces, George se fait subitement licencier. Du jour au lendemain, le couple n’est plus en mesure de rembourser le prêt de son appartement new yorkais. Contraints de vendre et déménager, ils vont devoir compter sur l’aide de leur famille et de leurs amis. Une nouvelle vie les éloignant l’un de l’autre, s’impose alors dans leur quotidien.

[divider]BANDE-ANNONCE[/divider]

https://www.youtube.com/watch?v=QsrlXnH6qqs

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