PASOLINI
© Capricci Films

[CRITIQUE] PASOLINI

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Mise en scène
5
Scénario
4
Casting
8
Photographie
9
Musique
7
Note des lecteurs0 Note
0
6.6

À LIRE ÉGALEMENT – notre deuxième critique sur Pasolini
un hommage partiel et raté au cinéaste italien

Début novembre 1975, le réalisateur, scénariste, écrivain et poète Pier Paolo Pasolini est laissé pour mort sur la plage d’Ostie, en Italie. Encore aujourd’hui des doutes demeurent sur la véracité des faits relatifs à sa mort. Il laisse derrière lui une filmographie controversée, constituée entre autre de film comme Salò ou les 120 Journées de Sodome, Théorème ou L’Évangile selon saint Matthieu.

Pasolini et Ferrara. Rien que l’expression dans une même phrase de ces deux artistes sulfureux sonne comme une évidence. Deux hommes qui dérangent, deux hommes dont les œuvres ne peuvent laisser indifférent. En connaissant un minimum le réalisateur américain, on arrive à cerner facilement ce qui a pu lui plaire dans l’idée de s’attaquer à Pier Paolo Pasolini. Au lieu d’aborder son projet comme un biopic classique, Ferrara préfère s’affranchir des contraintes du genre pour se concentrer sur la dernière journée de la vie de l’homme, entre travail et vie personnelle. Cet angle, astucieusement, rend le film accessible à tous car n’exigeant aucune connaissance du bonhomme, tout en étant profondément marqué par l’esprit pasolinien.

Il y a quelque chose de déroutant dans ce Pasolini. Ferrara fait baigner son film dans un relatif calme, le tout conduit par un non-scénario constitué de petits moments banals. Adhérer au film n’est pas simple à vrai dire. La multiplication des pistes peut dérouter. D’abord il y a le film sur Pasolini, l’homme, dont la dernière journée, banale, n’a en soi rien des plus passionnants. Dans une des premières scènes du film, il dit à un de ses amis, via une lettre, qu’il veut lui envoyer un texte pour avoir son avis. En précisant que ledit texte est à prendre comme un testament. Le mot est important, pas innocent, comme s’il sentait que la fin était proche. Quelque chose de funeste s’impose au film, dont la plus belle incarnation est la dernière partie, composée d’une ambiance nocturne somptueuse tirant vers l’onirisme. Le travail de Stefano Falivene est à saluer tout particulièrement. Plastiquement, Pasolini est somptueux. Le bas blesse dans le propos, autrement plus confus. Ferrara jongle entre la réalité et le fantasme, sans que l’on sache vers quoi il tend. Pire, il plonge tête la première dans le grotesque en choisissant de mettre en scène certaines séquences de Porno-Teo-Kolossal, film que Pasolini n’a jamais tourné. On aura de la tendresse pour cette tentative d’hommage un peu maladroite, en étant obligé de dire qu’elle sonne comme vaine et puérile lorsque Ferrara décide de s’attaquer à un moment d’orgie entre homosexuels et lesbiennes. La seule réjouissance de ces scènes réside en la lumineuse présence de Ninetto Davoli, qui fut un des proches du réalisateur italien. En le convoquant, Ferrara trouve malgré tout une légitimité pour s’autoriser, un peu égoïstement, à tourner ces scènes et, le temps d’un instant à se prendre pour Pasolini.

Pasolini (2)

Ces dernières années, Abel Ferrara semble avoir trouvé en Willem Dafoe (The Grand Budapest Hotel) son alter-égo. Quelque chose est en train de se construire entre ces deux hommes, le réalisateur américain relance totalement sa carrière depuis le début de leur collaboration. En 3 films, ils jouent la variation sur le thème de la chute. Celle d’un cabaret dans Go Go Tales en 2007 pour se poursuivre avec la fin du monde dans 4h44 Dernier jour sur terre et enfin arriver à la chute de Pasolini aujourd’hui. Willem Dafoe dessine un Pasolini calme, souvent habité par un air réflexif. Un paradoxe se forme, ce n’est pas lui, l’homme, qui fait du bruit mais plutôt ce qui gravite autour. De ses œuvres aux journalistes en passant par toutes les personnes dérangées par ses propos. Il livre même son fameux « Nous sommes tous en danger » avec un posture débarrassée de toute virulence, épris d’un fatalisme dont il attend la matérialisation. Ce qui est beau c’est de voir que la trajectoire funèbre s’évapore pour se faire totalement oublier. L’euphorie liée à la genèse de Porno-Teo-Kolossal prend le pas sur Pasolini et le film se gonfle de cette énergie moins macabre. On en oublie que la journée doit trouver son aboutissement dans la mort. Plus on approche de ce point inéluctable et plus l’obscurité s’empare de la pellicule. Les corps se dessinent dans le profondeur de la nuit, mi-éclairés mi-domptés par les ténèbres qui guettent. La fin est en marche, le destin reprend ses droits.

”Comment définir Pasolini, ce film bâtard entre réalité et fantasmes ? La réponse privilégiée se situerait du côté de l’hommage. Plus encore, ce serait une œuvre faite par Ferrara pour Ferrara.”

Comment définir Pasolini, ce film bâtard entre réalité et fantasmes ? La réponse privilégiée se situerait du côté de l’hommage. Plus encore, ce serait une œuvre faite par Ferrara pour Ferrara . L’admiration de l’auteur pour son sujet saute tellement aux yeux que ce film est logique. Il ne pouvait pas non plus être incarné par un autre acteur que Willem Dafoe. Oui, Ferrara devait le faire, il devait s’attaquer à Pasolini. Il se ressuscite, le dirige, l’imite et le fait mourir. Le choix de ne couvrir qu’un jour tombe sous le sens, la mort devait conclure ce film. Abel Ferrara le rend aux cieux, il a fait ce qu’il avait à faire. Et si le propos est confus, l’intention initiales compliquée à cerner, rassurez vous c’est normal. Parce que ce film ne nous est pas destiné, c’est un plaisir personnel. On se sent profondément exclu, en essayant tant bien que mal à se rattacher de temps en temps à des propositions formelles.

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31 décembre 2014 Pasolini

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Titre original : Pasolini
Réalisation : Abel Ferrara
Scénario :  Maurizio Braucci, Sur une idée de Abel Ferrara, Nicola Tranquillino
Acteurs principaux : Willem Dafoe, Ninetto Davoli, Riccardo Scamarcio
Pays d’origine : France, Italie, Belgique
Sortie : 31 décembre 2014
Durée : 1h24min
Distributeur : Capricci Films
Synopsis : Rome, novembre 1975. Le dernier jour de la vie de Pier Paolo Pasolini. Sur le point d’achever son chef-d’oeuvre, il poursuit sa critique impitoyable de la classe dirigeante au péril de sa vie. Ses déclarations sont scandaleuses, ses films persécutés par les censeurs. Pasolini va passer ses dernières heures avec sa mère adorée, puis avec ses amis proches avant de partir, au volant de son Alfa Romeo, à la quête d’une aventure dans la cité éternelle…

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https://www.youtube.com/watch?v=jDHGP00s-vU

 

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