Critique du film Passion réalisé par Brian De Palma avec Rachel McAdams, Noomi Rapace, Dirk Anderson, Karoline Herfurth

[critique] Passion

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Affiche PASSION

Deux femmes se livrent à un jeu de manipulation pervers au sein d’une multinationale. Isabelle est fascinée par sa supérieure, Christine. Cette dernière profite de son ascendant sur Isabelle pour l’entraîner dans un jeu de séduction et de manipulation, de domination et de servitude.

Note de l’Auteur

[rating:10/10]

Date de sortie : 13 Février 2013
Réalisé par Brian De Palma
Film Franco-allemand
Avec Rachel McAdams, Noomi Rapace, Paul Anderson, Karoline Herfurth
Durée : 1h41min
Titre original : Passion
Bande-Annonce :

Dire que le cinéma d’Alfred Hitchcock a influencé un grand nombre de cinéastes contemporains est un euphémisme. Hitchcock a laissé derrière lui une dynastie de réalisateurs qui reprennent des thèmes, façons, esthétiques de son cinéma, il a marqué de son empreinte et changé le cinéma à tout jamais. Brian De Palma est plus qu’un cinéaste influencé par l’esthétique et le suspens hitchcockien, il se revendique lui-même fils spirituel du « maitre du suspens ». C’est pourtant dans la comédie qu’il débute sa carrière (même si son premier long métrage est un thriller : Murder à la mod, sans doute pas un hasard) ; on pense notamment à Greetings en 1968 avec Robert De Niro. C’est après cela qu’il s’essaiera au thriller dramatique dans les années 1970, le genre qui lui va sans doute le mieux en commençant par Sœurs de sang (1973). Bien sûr, il y a le film noir, un genre qui lui a également bien réussi, mais plus tard : Scarface en 1982 ou Les Incorruptibles en 1987. En réalisant Passion, remake de Crime d’amour d’Alain Corneau, il revient incontestablement sur sa filmographie des années 70, filmographie plus qu’influencé par Alfred Hitchcock.

A la fois cinéma hommage et remake totalement revisité, avec la touche de Palma : la violence, la sexualité et le double. Le double, qui nous rappelle bien entendu Sœurs de sang un autre film de De Palma (où le meurtrier n’est pas au courant que sa victime a une sœur jumelle), qui ressemble également au Vertigo d’Hitchcock dans l’utilisation de cette figure narrative. De façon moins explicite, cela peut également évoquer L’Aurore de Friedrich W. Murnau où la confusion par le montage et la mise en scène permet d’installer cette hypothèse. Obsession, autre thriller de De Palma, est sans doute l’exemple le plus adéquate : extrêmement inspiré du Vertigo d’Alfred Hitchcock, d’où la figure narrative du double à nouveau présente après Sœurs de sang, tout comme Passion qui nous permet à la fois de lié ce nouveau chef d‘œuvre à cette période de la carrière de son réalisateur et d’invoquer le film hommage, criblé de référence à son « père spirituel ».

Des références il y en a d’autres ; parmi les plus explicites il y a d’abord celle de Psychose, en deux points : d’abord cette caméra subjective qui apparaît au moment du meurtre (au milieu du film). De plus un meurtre au couteau, l’addition ne peut qu’évoquer la célèbre séquence de la douche du film d’Alfred Hitchcock. Le deuxième point de ressemblance est sa place dans la structure du récit, au milieu du film divisant celui-ci en deux parties : pour Passion l’histoire d’Isabelle (Noomi Rapace) et Christine (Rachel McAdams) avant le meurtre de cette dernière et dans un second temps, l’histoire d’Isabelle après la mort de Christine. La référence Hitchcockienne, on dira même d’une façon plus général hollywoodienne, se fait quasiment en tout point ; la lumière semble empreinter l’esthétique classique américaine, jusqu’à la deuxième partie du film celle après le meurtre qui prend un style expressionniste très contrasté, avec l’utilisation optimale du clair-obscur. Mais l’esthétique hollywoodienne ne s’arrête pas là, elle va jusqu’au montage : les transitions en volets lors de la séquence de « la pub » rappelle Rear window (Fenêtre sur cour) autre thriller d’Alfred Hitchcock tout comme le scindage de l’écran lors de la séquence du « meurtre », montrant à la fois le ballet auquel est censée être Isabelle et la réception organisé par Christine, ceci laissant intact l’énigme de « Qui se cache derrière le masque ? ».

Photo PASSION

A la fois cinéma hommage et remake totalement revisité, avec la touche de Palma : la violence, la sexualité et le double.

Assez parlé d’Hitchcock, intéressons-nous maintenant au film Passion lui-même. La question intéressante à ce sujet est donc : comment Brian De Palma s’est-il réapproprier le film d’Alain Corneau, dans son esthétique et ses fonctions narratives ? Point important du film, De Palma ajoute à ses thèmes favoris (sexe, violence et double), un des plus importants du film : l’homosexualité refoulée de trois femmes. Il y a d’abord Christine qui opère une sorte de jeu de manipulation séductrice sur Isabelle, faisant de cette dernière une sorte de marionnette (Isabelle) qui se révolte contre son marionnettiste (Christine). L’intrigue parle donc à un amour passionnel, lesbien, qui sera fatal à l’une d’entre elle. Passion ne pouvait pas mieux porter son nom ! Car c’est bien de Passion dont il s’agit tout au long du film. Dirk (Paul Anderson), l’amant de Christine est donc le faible dans l’histoire, le pigeon ou encore la marionnette. Et dans la séquence du rapport sexuel entre Dirk et Isabelle, on comprend qu’Isabelle a un rapport par procuration avec Christine, la passion est déjà née. L’attirance non-assumée des deux femmes renvoie ainsi à un schéma narratif dont Dirk est incontestablement le perdant.

C’est le schéma des deux duos et des deux trios, la complexité même de l’intrigue, du film. Premièrement, il y a la relation entre Christine et Isabelle, relation passionnelle de manipulation et de séduction, enjeu dramatique majeur qui se définit en une seule question : « Laquelle de ces deux femmes est la plus diabolique ? ». Il y a aussi, le duo des sœurs jumelles, la question du double faisant référence à Sœurs de sang et Obsession ; laissant en suspens l’une des clés du film : « Christine a-t-elle une sœur jumelle ? » réel rappelle de Sœurs de sang. Venons-en aux trios, celui du ménage à trois entre Dirk, Christine et Isabelle. Je dis ménage à trois parce que chacun est conscient que les autres ont des rapports entre eux et à ce jeu Dirk pense être le roi, il est le bouffon, ce qu’il apprendra plus tard à ses dépens. Le dernier trio est celui de trois femmes, Christine et Isabelle bien entendu et l’on doit ajouter Dani (Karoline Herfurth), ces trois femmes sont l’objet de leur homosexualité refoulée, quoique Dani semble être celle qui l’assume le mieux.

Dani, sûrement la plus maléfique des trois. Ce thriller dramatique est marquant par sa complexité psychologique. La manipulation hitchcockienne du spectateur qui à force d’intrigues s’emboitant les unes dans les autres, nous sème peu à peu tout en nous laissant nous accrocher à l’écran. Tous ces coups de théâtre rendent contestable la véracité de chaque action présentées dans le film, au point que l’on ne sait plus ce qui s’est réellement passé, s’il s’agit simplement d’un mauvais rêve. Passion est un film remarquable, qu’il ne faut pas manquer d’aller voir. Il fait partie de ses rares films qui passionnent à travers une esthétique et une façon de voir le monde reprise à un genre, une période ou un réalisateur et en harmonie totale avec sa démarche d’origine. La Passion d’un réalisateur incarnant son mentor avec une virtuosité déconcertante jusqu’à dans l’épiderme.

Photo PASSION

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  1. 10/10 ?! j’ai du mal lire… Franchement ça manque de sensualité vénéneuse, la photographie est superbe mais autrement tout le sel de de Palma est ici extrêmement fade… 1/4

    1. Je pense que ça aurait été une grosse erreur de pousser au maximum cette sensualité vénéneuse déjà assez présente à mon goût. De Palma a beaucoup été critiqué ces dernières années et là il fait un retour en puissance dans ce qui lui va le mieux. Ce film est pour moi le plus marquant de ce début d’année.

  2. 10/10 ?! j’ai du mal lire… Franchement ça manque de sensualité vénéneuse, la photographie est superbe mais autrement tout le sel de de Palma est ici extrêmement fade… 1/4

    1. Je pense que ça aurait été une grosse erreur de pousser au maximum cette sensualité vénéneuse déjà assez présente à mon goût. De Palma a beaucoup été critiqué ces dernières années et là il fait un retour en puissance dans ce qui lui va le mieux. Ce film est pour moi le plus marquant de ce début d’année.