The Duke of Burgundy
© Bac Films/ Rook Films

[critique] THE DUKE OF BURGUNDY

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Mise en scène
8
Scénario
6
Casting
8
Photographie
9
Musique
8
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7.8
Note du rédacteur

[dropcap size=small]F[/dropcap]aire l’amour avec le cinéma qu’on aime, voila un fantasme que partagent bon nombre de cinéphiles. Passer de la position parfois frustrante de spectateur et traverser l’écran pour participer au festin sensoriel. De la condition d’amoureux, passer à celle d’amant. C’est ce fantasme qui semble régir les envies de Peter Strickland au fil de sa carrière; amoureux d’un certain cinéma bis des années soixante-dix, il a choisi d’utiliser tout son talent d’esthète pour prolonger à notre époque le plaisir (souvent coupable) de ses images, entre angoisse et érotisme. A la manière d’un Tarantino égaré dans ses rêveries d’adolescents, Strickland met ses émotions de fan au service d’un pan oublié du cinéma qui jouait davantage sur nos sens que sur nos cellules grises, du giallo italien à l’épouvante british en passant par les thrillers érotiques espagnols, des influences que l’on retrouve ici sous les incarnations des deux personnages principaux, presque plus sorcières ou enchanteresses que femmes.

L’histoire tient en une ligne et s’étend pourtant de la même manière que l’image se déforme parfois, comme si la temporalité du film était aussi intangible que celle d’un rêve éveillé : Cynthia et Evelyn se retrouvent dans une grande demeure anglaise pour s’adonner à leurs jeux de domination; Cynthia la dominante, Evelyn la dominée…jusqu’à ce que la mécanique de leurs rituels déraillent et que les rôles deviennent de moins en moins clairs. Si le réalisateur britannique se revendique à la fois de la transgression d’un Paul Morrissey et de l’ambiance noble des productions Hammer, le film trahit surtout l’influence de Jess Franco qui dans les seventies transformait chacune des héroïnes de ses films d’épouvante ou de terreur psychologique en icône érotique. Les icônes de Strickland reflètent cette approche d’une esthétique de la sexualité, troublante, venimeuse, mais aussi fulgurante de luminosité, estivale même, à en croire les caresses solaires qui illuminent les ailes des papillons au-dessus des ruisseaux, ou redessinent les peaux à travers les fenêtres de la magnifique maison.

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Cette confusion permanente entre les lumières des scènes extérieures et les ombres des scènes intérieures, est parfaitement servie par une photographie sublime qui apparaît à la fois comme un tour de magie et une observation naturaliste sur les deux spécimens humains et féminins, étudiés ainsi comme le sont les milliers de papillons qui hantent le film. Une musique pop-folk naïve et rêveuse se marie d’ailleurs à ce travail visuel tout en surimpression, en ralenti et en reflets menteurs; et l’ensemble peut paraître poseur, et vite fatigant mais tous ces artifices révèlent ainsi l’apparat et le constant besoin de mise en scène dont lesquels Cynthia et Evelyn se retrouvent prisonnières, dépassées par une sexualité prenant de plus en plus de place dans leur vie, et conditionnant progressivement toutes leurs émotions et leurs sentiments. Contrairement à ce qui est écrit dans certains articles dédiés au film, il n’est pas question ici d’un sado-masochisme en vogue et de tout son décorum un rien grotesque; le couple lesbien partage des fantasmes de domination, la nuance est importante puisqu’elle justifie l’esthétique et l’état d’esprit bourgeois; les humiliations sont celles d’une maîtresse de maison envers sa domestique, et les punitions les plus trashs ont lieu hors-champs.

« Un drame intimiste sur la sexualité et l’amour, imaginé sous la forme d’un rêve étourdissant de beauté. »

Fait rare dans le cinéma, le casting est 100% féminin comme si le cinéaste avait voulu évacuer totalement la question de la domination masculine tant dans la société que dans le couple hétérosexuel. Les deux adeptes des jeux sexuels étant des femmes, elles endossent ainsi chacune tour à tour le rôle de la dominatrice et de la soumise, de la forte et de la fragile, et apparaissent ainsi toutes deux victimes consentantes d’un sortilège se manifestant grâce aux nuées de coléoptères, et à la mise en scène comparable à celle des films fantastiques chers à Strickland. Ces parti-pris permettent au spectateur de se poser les mêmes questions que les protagonistes sur ce qu’elles veulent vraiment, ce qui les définit vraiment : est-ce leurs volontés ou leurs pulsions ? Le cinéaste a réussi à saisir le paradoxe d’un couple qui se pense dans un premier temps heureux et libre grâce à une sexualité anticonformiste, mais qui comprend progressivement que les codes qu’elles ont elles-mêmes choisi les enferment dans des rapports artificiels. Ce qu’il y a de plus beau et plus fort dans la poésie de THE DUKE OF BURGUNDY, c’est que ses héroïnes ne sont pas condamnées à voir leur histoire se troubler et se changer peu à peu en cauchemar; elles ont la possibilité de trouver la sincérité, le bonheur et la liberté dans leur amour, elles sont toutes les deux souveraines du rêve qu’elles nous font partager.

Les autres sorties du 17 juin 2015
VICE-VERSA, MUSTANG,  CAVANNA, SPY, THE DUKE OF BURGUNDY, L’ÉCHAPPÉE BELLE, VALLEY OF LOVE, LA RÉSISTANCE DE L’AIR, LA BATAILLE DE LA MONTAGNE DU TIGRE, LA DAME DE SHANGHAÏ, etc.

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Réalisation : Peter Strickland
Scénario : Peter Strickland
Acteurs principaux : Sidse Babett Knudsen, Chiara D’Anna et Monica Swinn
Pays d’origine : Royaume-Uni
Sortie : 17 juin 2015
Durée : 1h44 min
Distributeur : BAC Films
Synopsis : Dans une luxueuse demeure isolée dans la campagne anglaise, un couple de femmes s’adonnent à des jeux de domination.

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