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[CRITIQUE] LES GARDIENNES

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Pour son dernier film, LES GARDIENNES, Xavier Beauvois rend un bel hommage aux femmes restées à l’arrière du front de la Grande Guerre.

La productrice Sylvie Pialat, rencontrée au Festival International du film d’Histoire de Pessac, éprouvait depuis longtemps l’envie de porter à l’écran le livre éponyme de Ernest Perochon. Il faisait partie de son « patrimoine d’enfance, offrant le point de vue intéressant de montrer les ravages à l’arrière du front de la guerre de 14-18″. La productrice a souhaité que Xavier Beauvois adapte le bouquin paru en 1924 « parce qu’il aime les petites gens du monde rural et que son cinéma cherche à rendre une vérité ». Persévérante, elle a attendu six ans pour qu’il accepte de réaliser le film. Et elle a bien fait car LES GARDIENNES rend en effet un bel hommage à ces femmes dignes et courageuses, obligées de reprendre le travail des hommes partis la fleur au fusil.

Photo du film LES GARDIENNES

Ces femmes, ce sont d’abord Hortense et Solange. La mère et la fille sont interprétées par Nathalie Baye et sa fille Laura Smet. Voir ces deux belles actrices grimées en paysannes ne manque pas de piquant et ce que leur présence familiale apporte au film est sans doute de l’ordre de l’invisible. On reste un peu plus circonspect sur la véracité du lien entre Hortense et son frère Henri, interprété de façon bluffante par un vrai paysan (Gilbert Bonneau).

La troisième femme courageuse de LES GARDIENNES, la véritable héroïne du film, c’est Francine. Quand la fille de ferme orpheline arrive à la ferme du Paridier, telle un rayon de soleil dans un ciel noir, la musique du film se veut joyeuse. Car non seulement Francine se rend vite indispensable, abattant un travail de titan, mais elle amène aussi gaieté et fraîcheur dans cette maisonnée tendue par l’attente des nouvelles du front.

« LES GARDIENNES sont des graines plantées pour toujours dans le cœur du spectateur. »

Francine est merveilleusement interprétée par la lumineuse Iris Bry, pour la première fois à l’écran. Elle a fait l’objet d’un casting sauvage et est déjà nommée aux Révélations des Césars 2018. Par sa rousseur, sa malice et son ingéniosité, elle rappelle Isabelle Huppert à ses débuts, période La Dentellière. Elle dit que « en vraie citadine, elle a dû apprendre les gestes techniques: tirer les bœufs, tenir une herse ou conduire une carriole ». A la demande du réalisateur, « qui ne voulait pas d’un processus de mentalisation ou d’intellectualisation, elle n’a pas lu le livre ni eu de discussion sur la psychologie de son personnage».

LES GARDIENNES égrène les saisons pendant les quatre années de guerre. Le temps s’écoule lentement (parfois un peu trop), rythmé par le travail dans les champs ou dans les bois. La caméra filme au plus près les corps des femmes qui coupent, tirent les bêtes, sèment, fendent des bûches. Tant et si bien que le spectateur fourbu a lui aussi l’impression d’avoir travaillé à leurs côtés. Endurantes au travail et au malheur, elles ne se plaignent pas. Elles prennent même des initiatives en modernisant les tâches avec l’achat d’un tracteur ou d’une moissonneuse.Photo du film LES GARDIENNESComme il l’avait fait pour chacun des moines de Des Hommes et des Dieux, le réalisateur Xavier Beauvois réussit la prouesse de provoquer l’empathie du spectateur envers chacun des personnages, taiseux et pudiques. Comme Hortense et Solange, on est saisi par l’absence, le manque et l’angoisse quotidienne de voir débarquer le maire du village et annoncer la mort de l’un des leurs. Comme Georges (Cyril Descours) et Constant (Nicolas Giraud), les deux fils d’Hortense et Clovis (Olivier Rabourdin), le mari de Solange, on rentre du front la tête pleine de cauchemars. Et on repart de permission le regard triste et la peur au ventre. On comprend les tourments de la chair de Solange ou les regrets de Gilbert, trop vieux pour faire la guerre. On est aussi taraudé par les problèmes de conscience de Hortense à vouloir préserver à tout prix sa famille.

Mais par dessus tout, on ressent tous les sentiments qui traversent Francine. On peut d’ailleurs voir en l’épi de blé cultivé par les fermières une métaphore de la transformation de la jeune femme. Tout comme lui, Francine se nourrit de la lumière du soleil. Tout comme lui, elle se révèle comme une nouvelle promesse d’avenir. Et tout comme les graines semées dans les champs par ces femmes dans un bain de lumière qui n’atténue pas leurs peines et chagrins, LES GARDIENNES sont des graines plantées pour toujours dans le cœur du spectateur.

Sylvie-Noëlle

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Note des lecteurs44 Notes
Titre original : Les Gardiennes
Réalisation : Xavier Beauvois
Scénario : Xavier Beauvois, Frédérique Moreau, Marie-Julie Maille, d’après le roman de Ernest Perochon
Acteurs principaux : Nathalie Baye, Laura Smet, iris Bry
Date de sortie : 6 décembre 2017
Durée : 2h14min
3.5
Lumineux

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