Une femme dangereuse

[CRITIQUE] UNE FEMME DANGEREUSE (1947)

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Mise-en-scène
7
Scénario
9.5
Casting
9
Photographie
7
Musique
6
Note des lecteurs0 Note
0
8.5
Note du rédacteur

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remière chose : le titre français – Une Femme Dangereuse – donne trop d’informations par rapport au titre original – They Drive by Night – beaucoup plus approprié. Ce titre à le mérite de préserver le mystère quant à la vrai teneur du film. Tentez de vous préserver un maximum de surprise quant à ce film. Cette critique évite d’ailleurs soigneusement tout spoil.

Le film de Raoul Walsh est donc très surprenant.

D’abord, les présentations. Celle de Paul Fabrini et de son frère Joe.
Ces deux-là sont routiers : un boulot foireux, source d’emmerdes et de misère… Pourtant Paul et Joe sont toujours sur la route. Le récit se déroule donc sur ces fameuses routes californiennes, passe par San Francisco ou Los Angeles. Chaque ville, chaque route, chaque arrêt, est le théâtre de nouvelles rencontres, de personnages passionnants. Plutôt caractérisés (le routier jovial, le routier bourru, la serveuse qui ne se laisse pas faire dans un monde d’hommes…) Ils sont néanmoins servis par des dialogues de haute volée qui rendent chacun important sans qu’on puisse discerner à quel niveau.
On pense d’ailleurs beaucoup à Almodóvar , et à son Femmes au bord de la crise de Nerfs, qui adoptait le même type de schéma : apporter un maximum de détails pour étayer une histoire avant de faire converger ces éléments en une conclusion imprévisible.
Le film porte la marque des films de studio typique des années 40, par les choix sobres d’angle de caméra ou encore l’interprétation. Celle-ci est encore un peu théâtrale, quoique sans faille, précise et juste.

Annex - Raft, George (They Drive by Night)_01

Le film profite de ces présentations pour brosser un portrait du quotidien de l’Amérique populaire, via cette galerie de personnages tous différents, comme un organigramme social. Une Amérique pas vraiment reluisante, dans laquelle on repère deux catégories de gens : les profiteurs et les exploités. La critique politique est à ce niveau très réussie. Elle sait se faire subtile, sous couvert de comédie populaire.

Sans jamais donner dans le spectaculaire outré, Raoul Walsh rythme son film comme il rythme ses dialogues – avec un dynamisme fulgurant. Les situations sont ainsi parfois drôles, parfois plus dramatiques, même angoissantes, ou romantiques. …Un véritable film muti-genre s’installe progressivement, sans que l’on s’en rende compte.La légereté fait place à la gravité, à la réflexion puis vice-versa. Puis la romance s’entremêle avec la chronique sociale. Le feel-good-movie se transforme en… Et bien, cela reste la surprise la plus forte du film : un climax inattendu change complètement le ton du film, et l’emmène vers un extrême cinématographique impressionnant.

Tout cela serait impossible sans un casting impeccable, capable de déclamer chaque ligne de dialogue avec une intensité et une précision sans pareille.
Humphrey Bogart, classe évidemment, mais également Ann Sheridan, rousse au tempérament volcanique, et surtout Ida Lupino. L’actrice à qui est dédié cette « histoire permanente des femmes cinéastes »  s’impose progressivement par son jeu sobre au sein d’un casting qui nous bluffait déjà… Elle finit par remporter la mise, dans une composition extraordinaire, mais remarquablement introduite – aidée, il est vrai, par l’écriture au cordeau de son personnage. Ce qu’elle a en plus, c’est cette faculté, comme tous les grands interprètes, à comprendre parfaitement son personnage, et à l’incarne jusque dans le détail. Lana Carlsen, une femme inoubliable.

”un film multi-genre, chef d’oeuvre d’écriture, de rythme et d’émotions porté, par son casting 4 étoiles dont Ida Lupino est la Vénus« .”

Pour aller plus loin question inoubliable, Raoul Walsh s’illustre et rejoint Almodóvar dans sa capacité à concevoir les personnages féminins dignes de ce nom. Dans They Drive by Night, Il ne faut pas se fier aux apparences… Si les hommes ont une ligne de conduite plutôt claire dont ils ne dévieront presque jamais, les femmes sont animées par des émotions bien plus nombreuses. Sans jamais faire de raccourcis, ni de caractérisation elles sont animées par une logique et une précision sans faille. Plus que de contradictions, il s’agit de complexité. De celles qui stimulent l’intelligence et incitent le spectateur à observer les détails, à gratter le vernis, à décoder les expressions, à découvrir ce qui motive vraiment ces femmes magnifiques. Du génie.

Une femme dangereuse prend une forme, puis une autre, et ne révèle que vers la fin sa vraie nature : un film multi-genre, chef d’oeuvre d’écriture, de rythme et d’émotions, porté par son casting 4 étoiles dans lequel les femmes sont des constellations et dont Ida Lupino est LA Vénus.

Pedro Almodóvar, Prix Lumière 2014 !
Pour connaître la programmation du Festival Lumière 2014 : rendez-vous ICI

Projections de UNE FEMME DANGEREUSE :

Comœdia : lundi 13 octobre à 14h30
Villa Lumière : dimanche 19 octobre à 17h15

 

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Titre original : They Drive by Night
Réalisation : Raoul Walsh
Scénario : Jerry Wald, Richard Macaulay, D’après l’oeuvre de,A.I. Bezzerides
Acteurs principaux : Humphrey Bogart, George Raft, Ida Lupino
Pays d’origine :U.S.A.
Sortie : 2 juillet 1947
Durée : 1h33minthey-drive-2

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