DESERT DANCER
© Chrysalys Films

[CRITIQUE] DESERT DANCER

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Scénario
5
Réalisation
5
Danse
7
Mise en scène
6
Note des lecteurs1 Note
3.3
5.8

Les films inspirés de faits réels sont des œuvres complexes… Promesses sur le papier d’un récit prégnant à la force emblématique, elles prennent parfois une dimension ambiguë et soulèvent un paradoxe. Alors qu’on doit juger une histoire humaine – qui en soi transcende son support et impose le respect du témoignage – elle reste néanmoins un objet cinématographique potentiellement plus ou moins réussi. Dilemme.
Dans le cas de DESERT DANCER, premier long métrage de Richard Raymond, on regrette le sentiment inconfortable d’osciller perpétuellement entre les notions d’humilité (d’être face à une histoire réelle) et de gène (dû aux impairs de la forme) qui ont malheureusement dominé le visionnage.
DESERT DANCER est un biopic ambitieux qui laisse tout de même perplexe…

Afshin est danseur, il vit en Iran. Dans son pays la danse est interdite, la police de la moralité bat, emprisonne et tue ceux qui ne respectent pas les bonnes mœurs. Transcendé par son art et sa rage de vivre libre, le danseur qui affiche sa rébellion au régime reçoit des menaces de mort et doit fuir son pays. Le film adapte la vie d’Afshin Ghaffarian, danseur iranien engagé dans la révolution verte de 2009, aujourd’hui exilé à Paris.
Le film s’ouvre sur un gros plan, celui du visage d’un jeune homme à terre dans le sable. Il reçoit des coups. Ellipse. Retour dix ans en arrière, nous retrouvons Afshin petit garçon découvrant Dirty Dancing à la discrétion d’un petit appartement. Envoyé dans une école d’Art clandestine, il rencontre Mehdi son professeur et mentor. Plus tard, à la faculté, il se lie d’amitié avec groupe d’étudiants aux mœurs libres et dissidents au régime, il découvre la fête, l’alcool, l’amour et Youtube ! Sa vie change. En autodidacte, il apprend la danse sur le web et monte sa compagnie.

« L’art est le lieu de la liberté parfaite » (André Suarés)

Le film prend donc racine dans le contexte dense de la révolution arabe qui l’engage dans une dimension politique intéressante et narrativement riche. On voit très vite se dessiner la dialectique des concepts Art/Loi religieuse et Liberté/Péché comme ligne directrice. Mais on est un peu déçu puisque ce pan du récit n’est pas véritablement exploité et a uniquement pour fonction la toile de fond lointaine de l’action. Dommage.

Dans DESERT DANCER ce qui nous est donné à voir est bel et bien (uniquement) LA DANSE ! La danse aux mille visages. La danse salvatrice, la danse libératrice, contemplative, la danse vivante, la danse universelle, etc.
C’est elle la vraie héroïne du film au point de prendre totalement le dessus sur ceux qui l’incarnent jusqu’à les effacer… Et l’histoire avec eux. La prise de risque scénaristique s’avère donc très vite minime. On assiste a des scènettes dans lesquelles les jeunes étudiants se cachent pour danser, parlent de la possibilité de danser encore, parfois manifestent mais très vite retournent danser. La discipline s’érige clairement en voix criante de la libération du corps et de l’esprit mais surtout en acte de transgression politique. Si la force symbolique de la danse est assez grossière, elle est l’unique point de vue du film alors on l’attend au tournant : tout repose sur elle !
Les séquences de chorégraphie sont donc sans surprise le point fort du film. Mais ça n’explose pas assez non plus… Les comédiens-danseurs sont agréables à regarder sans toutefois crever l’écran. On s’attendait quand même à quelque chose de plus fort, on aurait voulu être époustouflé par des scènes de ballet intenses et soyons honnête, ça reste un peu tiède. C’est joli mais on a vu des émissions télévisées avec des performances plus épidermiques.

Photo du film DESERT DANCER
© Chrysalis Films

Ces moments suspendus offrent quand même au film les instants de grâce nécessaires. Il faut bien reconnaître que si le film peine à nous happer, ces séquences ont le mérite de nous rattraper in extremis et de venir capter notre attention à l’inverse de l’action, véritablement en retrait.
Une belle scène centrale nous offre l’explication visuelle et symbolique du titre. Une représentation clandestine a lieu au cœur du désert. Le message est poétique : pour danser sans prendre le risque de mourir, seul l’étendue aride et hostile du désert peut se faire terre d’accueil, protectrice et libre. Ici le régime ne sévit pas.
Pour ces danseurs, le désert n’est nulle part mais n’est-il pas l’éternité ? Alors qu’un des étudiant est contraint de quitter la compagnie, il déclare que ce moment unique «  sera toujours ». On touche à la notion d’immortalité. La danse transcende le temps, les lieux et les lois.

Une écriture et une réalisation totalement en-dessous du projet

Le gros bémol de DESERT DANCER, et ce qui lui ôte tout potentiel empathique, sensible et un minimum captivant est définitivement sa réalisation ! Elle est totalement aseptisée. Une réalisation à l’américaine, propre, nette, efficace mais d’une créativité inexistante. On regrette un classicisme si convenu pour un film qui prône tout de même l’art, la liberté et la guerre idéologique, il n’y a aucun parti pris esthétique ou formel. Les images sont belles et les lumières égales dans toutes les scènes et en toutes circonstances ! Le film perd tout son intérêt visuel alors que les paysages ensablés du désert, les chorégraphies, les scènes de manifestations exigent d’être sublimées et interprétées par l’esthétique ! On imagine une caméra épaule vive ou tremblante, des lumière tantôt envoûtantes tantôt cruelles. Cette réalisation manque d’intensité et tout bonnement de réelle direction. On filme, et c’est terrible de n’avoir à l’image qu’un (bon) téléfilm anglo-saxon.

Il n’ y a pas qu’esthétiquement que le film est moyen, la structure du scénario pèche et maintient inéluctablement son spectateur en retrait de l’histoire et donc dans l’ennui. La lourde tache de restituer dix années en 1h40min nécessite des choix tranchés d’écriture. Or on a voulu tout montrer de manière linéaire et platement chronologique. Alors les 30 premières minutes du films sont une succession, tambour battant, de très courtes séquences en ellipse tel un saute-mouton pour condenser un maximum d’informations sur les personnages sans asseoir une intrigue qui pèse. Résultat : ni les personnages, ni l’action ne sont ancrés, si ce n’est de manière très monochrome et cloisonnée. On ne s’attache à personne, pire, on est indifférent à ce qui se passe tant on est dans le domaine de l’énumération plutôt que la narration. C’est très grossier. Hormis les « pauses danse », tout va très vite, si vite qu’on ne nous donne plus beaucoup de chose à voir et à vivre. L’émotion ne peut tout simplement pas émerger d’un film se construisant sur une succession d’extraits.

Photo du film DESERT DANCER
© Chrysalis Films

Jusqu’à la dernière demi-heure on est déçu. Mais petit miracle, alors que le dénouement approche, notre perception se sépare sans qu’on s’en rende compte du parasite formel pour accueillir naturellement une émotion naissante. Le film décolle enfin, et s’envole même de quelques mètres, on tient enfin quelque chose ! Gorge serrée et bouche crispée nous assistons à une dernière partie de film réussie ! Nous oublions notre déception première et nous laissons gagner par l’émoi. La caméra a cessé sa course illustrative, elle prend le temps de faire parler l’image, nous recevons enfin du sensible. Soulagement.

Si le cinéma est un savant mélange de fond et de forme, il arrive parfois que l’un desserve l’autre. C’est le cas ici, la force du biopic est totalement inhibé par une réalisation conventionnelle et inexpressive mais la magie finit par opérer et la forme s’efface au profit de l’émotion qu’on attendait.
Que s’est-il passé ? Une écriture et une mise en scène « émotionnellement réfléchie » émergent seulement dans la dernière demi-heure. Comme si après la contrainte d’avoir « casé » tous les éléments biographiques importants, le réalisateur avait enfin pris la liberté et le temps de s’attaquer au sensible. Finalement DESERT DANCER se termine sur une note de bon compromis et ne déçoit pas totalement.

D’ACCORD ? PAS D’ACCORD ?

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Les Huit salopards, La Fille du patron, Mistress America, Arrêtez-moi là, Early Winter, Toto et ses soeurs, etc.

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Affiche du film DESERT DANCER
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• Titre original : Desert Dancer
• Réalisation : Richard Raymond
• Scénario : Jon Croker
• Acteurs principaux : Reece Ritchie, Freida Pinto, Tom Cullen
• Pays d’origine : Angleterre
• Sortie : 6 janvier 2016
• Durée : 1h38
• Distributeur : Chrysalys Films
• Synopsis : L’histoire vraie d’Afshin Ghaffarian, un jeune homme qui a tout risqué pour accomplir son rêve de danseur, dans un Iran où la danse est interdite, et où la jeunesse s’enflamme et exprime son besoin de liberté.

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