© La Petite Reine - David Koskas

« ILS SONT PARTOUT » : Idée brillante pour un résultat obscur

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ILS SONT PARTOUT
• Sortie : 1er juin 2016
• Réalisation : Yvan Attal
• Acteurs principaux : Dany Boon, Gilles Lellouche, Charlotte Gainsbourg,...
• Durée : 1h51 min
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Note du rédacteur

ILS SONT PARTOUT, de qui s’agit-il ? Des Juifs ? Non, justement, c’est ce qu’essaye de démontrer Yvan Attal dans son dernier long métrage : que ce ne sont pas les juifs mais les antisémites qui sont partout et que ce n’est pas de la paranoïa de le penser. A travers ce film très engagé, le réalisateur a décidé de traiter un sujet qui lui tient à cœur dans un format particulier et sur un ton qui ne l’est pas moins dans l’espoir de faire prendre conscience de l’absurdité de certains préjugés fréquemment véhiculés au sujet des  juifs tels que : « les juifs sont partout, les juifs ont de l’argent, les juifs complotent », etc…

De l’excellente idée de départ d’aborder ce délicat sujet sur le ton de l’humour, aussi grinçant soit-il, pour pousser à l’absurde des idées qui le sont tout autant, résulte cependant un opus très inégal et quelque peu décevant.

Photo du Film Ils sont partout
© La Petite Reine – Ran Mendelson

Pour commencer, il est nécessaire de souligner l’originalité de la mise en scène adoptée par Yvan Attal, un choix qui s’imposait selon lui pour pouvoir traiter autant d’idées différentes dans un même film en restant cohérent. C’est ainsi que le réalisateur se met lui même en scène de façon majoritairement autobiographique, expliquant à son « psy » (interprété par le psychologue et écrivain Tobie Nathan) ce que signifie pour lui être juif, en France et à notre époque. Il lui parle de son identité mais aussi de ce qui lui vaut d’être traité de paranoïaque par son entourage. Il y expose de façon simple ses idées en passant en revue bon nombre de clichés banals sur les juifs dont la croyance peut s’avérer dangereuse. Par exemple « les juifs ont de l’argent », Yvan Attal évoque à ce propos l’affaire qui aura coûté la vie à Ilan Halimi, kidnappé parce qu’il était juif et, de ce fait, supposé riche… Entre ces séances sont ensuite intercalés des sketchs démontant une à une chaque idée reçue. Le premier traite par exemple du fantasme entretenu que « les juifs sont partout ». Valérie Bonneton et Benoît Poelvoorde interprètent un couple de leader d’un l’équivalent du Front National. L’un apprend que sa grand-mère était juive, et en résulte toutes les conséquences que cela implique pour leur image politique…

ILS SONT PARTOUT est présenté comme étant une « tragi-comédie dramatique » qui traiterait, avec recul et dérision, des questions ou points clés conduisant à un antisémitisme dit, grandissant. Ou en tous cas bien présent (appuyé par certains faits d’actualité clairement cités : les affaires Merah et Halimi, la prise d’otage de l’Hyper Cacher, etc). Il existe un fil rouge que sont les séances chez le psy, par ailleurs extrêmement bien écrites et intelligentes. Le choix même de la séance de psychanalyse est très judicieux car il permet à Yvan Attal d’exposer avec sincérité tous les propos qu’il souhaite sans être interrompu et de façon posée. Les textes étant préparés, les idées sont développées de façon très accessible, simple et efficace. Il n’y a pas matière à polémique :  il énonce des données factuelles, explique quelques bases de la religion juive et retranscrit avec des mots son malaise et sa colère de ne pas se sentir un français comme les autres parce qu’il est juif, aussi. Il  exprime également le fait que sa religion interfère différemment dans la sphère privée et publique, évoquant son expérience personnelle qui n’engage que lui mais à laquelle certains pourront s’identifier. Son discours est très cohérent du début à la fin, voire même touchant et incite à la réflexion.

« En dépit d’idées originales et de dialogues pertinents, ILS SONT PARTOUT traîne en longueur et se disperse au détriment des propos qu’il défend »

Le problème est qu’en dehors de ces interventions, si efficaces soient elles,  on a parfois bien du mal à saisir les intentions du réalisateur car les sketchs, quant à eux, manquent franchement de ligne directrice. Ce qui déroute le spectateur est l’inégalité de ces courtes histoires à la fois, dans leur intérêt, leur vocation, leur style et leur durée. Globalement, on peut dire que les deux premiers sont très réussis et qu’au final, la première heure du film, dans un genre qui s’avère pourtant surprenant, est brillante et parvient largement à servir son but. Malheureusement, à partir du troisième sketch qui illustre le propos « Les juifs ont tué Jésus », dans lequel Gilles Lellouche intervient, le réalisateur nous perd définitivement (et il reste 50 minutes de film !). Bien qu’il soit le seul reflétant la légèreté de ton que souhaitait adopter Yvan Attal, ce sketch est d’une part trop long (comme le suivant sur le « ras le bol de la Shoah ») et d’autre part, son message, sa place et son intérêt dans le film laissent pour le moins dubitatif. Enfin, si les trois suivants sont plus cohérents par rapport au projet global, ils souffrent, soit de longueur, soit d’absence de clarté quand à l’idée sous-tendue. Ils comportent tous des éléments intéressants mais pas toujours évidents à percevoir pour un public non averti (on pense notamment au dernier sketch « Et Israël? » dont la métaphore avec Israël n’est pas assez claire) et parfois ensevelis dans un tel n’importe quoi qu’il n’en ressort rien d’autre qu’une opacité ennuyeuse.

C’est au final un sentiment très mitigé qui nous anime au sortir de ce long métrage. On ne peut s’empêcher de regretter son manque d’efficacité ou d’accessibilité, eu égard à l’importance des messages ou des informations, simples mais nécessaires qu’il véhicule. On se dit qu’il aurait suffit de couper un sketch et de raccourcir un peu certains pour obtenir un excellent film. En effet, le casting est prestigieux et attractif, la qualité intellectuelle ne manque pas et l’idée de base était vraiment pertinente. Et en dépit de qualités certaines, l’importance de l’enjeu social de ILS SONT PARTOUT a probablement nuit à certains choix de montage (en refusant de privilégier certains messages à d’autres par exemple) et cela se ressent au niveau du résultat, impactant l’appréciation générale du film.

Stéphanie Ayache

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Affiche du film Ils sont Partout

Titre original : Ils sont partout
Réalisation : Yvan Attal
Scénario : Yvan Attal & Emilie Frèche
Acteurs principaux : Yvan Attal, Benoît Poelvoorde, Valérie Bonneton,Charlotte Gainsbourg
Pays d’origine : France
Sortie :  1er Juin 2016
Durée : 1h51
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Synopsis : Yvan se sent persécuté par un antisémitisme grandissant et il a l’habitude de s’entendre dire qu’il exagère, qu’il est paranoïaque. Lors de séances chez son psy, Yvan parle donc de ce qui le concerne : son identité, être français et juif aujourd’hui…

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