Arras

ARRAS FILM FESTIVAL : compte rendu du jour 8

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Grand soleil ce matin sur Arras où l’on a pu entendre les cloches tinter en ce jour du 11 novembre. Les ruelles n’étaient pour autant pas désertes et les nombreux festivaliers réunis malgré le froid sur la place du Beffroi où se jouait un spectacle de rue ambiance chevaliers des temps modernes et combat à l’épée.

[divider]NIGHT’S LIFE de Damjan Kozole[/divider]

Direction le Cinemovida pour une première séance de la sélection « Visions de l’est », NIGHT’S LIFE du slovène Damjan Kozole. Basé sur un fait divers, le film retrace en quasi temps réel les minutes succédant la découverte par trois jeunes en vélo du corps gisant et nu de Milan, un avocat impliqué en politique. L’ambulance arrive, procure des premiers soins avant d’alerter la police et de l’emmener à l’hôpital bientôt rejoint par sa femme Léa avertie du drame. L’homme a été grièvement mordu par des chiens et dans les pièces à conviction se trouve un godemiché.

nightlife_01La temporalité réaliste du film nous saisit et nous embarque au cœur d’une sombre histoire jamais élucidée. Le cinéaste convoque l’imaginaire du spectateur en ne donnant jamais de réponse. Léa comme le collègue de Milan craignent que la presse ne s’empare de l’affaire. Quelles sont leurs raisons ? Léa en sait-elle plus qu’elle ne l’affirme ?

S’appuyant sur une mise en scène très maîtrisée, NIGHT’S LIFE dérange et secoue en ne s’attachant qu’à filmer ces minutes avec un souci réaliste percutant. Un film puissant qui montre que les réponses ont parfois moins d’intérêt que les questions.

Un repas sur le pouce au Village du Festival avant la prochaine séance du film de Marco Bellocchio, FAIS DE BEAUX REVES, présenté en avant-première.

[divider]FAIS DE BEAUX REVES de Marco Bellocchio[/divider]

Massimo perd subitement sa mère d’une soi-disant crise cardiaque foudroyante. L’enfant grandit et devient journaliste sportif mais reste néanmoins torturé par cette disparition jamais éclaircie.

On ne présente plus le cinéaste italien Marco Bellocchio, auteur de Les poings dans les poches, Le sourire de ma mère ou encore Vincere. FAIS DE BEAUX REVES ne tient malheureusement pas les promesses de mise en scène à laquelle le cinéaste avait pu nous habituer. Le récit traverse les différentes périodes de vie de Massimo (Valerio Mastandrea) de façon déconstruite et sans pertinence apparente. On passe de l’enfance à l’âge adulte et inversement avec davantage l’impression de tourner en rond que d’avancer, puisqu’au final ne reste qu’une seule et même question à résoudre pour Massimo : comprendre réellement comment est morte sa mère. Nous sommes du coup laissés à distance et chaque scène qui relate un événement différent de la vie de Massimo semble vain et presque inutile.

fais-de-beaux-re%cc%82vesLoin d’être une fresque, le film fait des digressions qui sonnent creuses et qui ne s’inscrivent pas réellement dans le récit comme les scènes où Massimo part en Bosnie en grand reporter ou son aventure avec Bérénice Béjo auquel on a du mal à croire. Le sommet de ces flash backs d’enfance réside dans une scène où Massimo ado se retrouve chez l’un de ses amis, accueilli par une mère envahissante (Emmanuelle Devos) dont la présence ne fait que raviver l’absence de sa mère disparue. Elle se met à entonner « Colchique dans les prés“, ce qui laisse Massimo rêveur. N’y avait-il pas de conseiller musical dans le budget du film pour éviter cette scène aussi absurde que ridicule ?

On notera malgré tout quelques beaux moments, notamment les scènes avec Massimo enfant formidablement interprété par Nicolo Cabras. Un film décevant qui ne laissera pas un souvenir impérissable dans cette édition 2016.

Petit tour sur la place du Beffroi histoire de profiter des derniers rayons de soleil hivernal avant de s’enfermer à nouveau en salles et découvrir le film israélien de Asaph Polonsky UNE SEMAINE ET UN JOUR programmé dans la section « Cinémas du monde ».

[divider]UNE SEMAINE ET UN JOUR de Asaph Polonsky[/divider]

Cette comédie douce amère aborde le sujet du deuil en relevant le pari de rester léger et grave à la fois. Le film se déroule le temps d’une journée, celle qui suit Shiv’ah (les 7 jours de deuil de la tradition juive). Alors qu’ils viennent d’enterrer leur fils unique, Elyal et Vicky (Shai Avivi et Evgenia Dodina) doivent continuer d’avancer, retourner travailler, gérer les dernières formalités liées aux obsèques. Mais plutôt que de s’atteler à ses taches, Elyal, sorte de Ben Stiller version grisonnante, s’accorde une dernière journée d’errance et se rend à l’hôpital récupérer la couverture de son fils décédé Ronnie. Pas de couverture mais à la place un sac de marijuana médicinale. Eyal essaye en vain de rouler un joint et finit par solliciter le fils de ses voisins avec lesquels il est fâché. Cette première journée s’annonce donc un peu chaotique, salvatrice et donne lieu à des scènes aussi cocasses qu’émouvantes.

une-semaine-et-un-jourEn abordant la question du deuil, UNE SEMAINE ET UN JOUR soulève d’autres questions. Comment peut-on apprendre à revivre à nouveau ? Quel temps s’accorder pour peu à peu se relever ? Comment renouer avec ceux qui restent ? Un film poétique, drôle et touchant.

 

Trente minutes de courte pause avant la deuxième séance « Visions de l’est » de la journée avec le film du tchécoslovaque Ivan Passer, ECLAIRAGE INTIME réalisé en 1965.

[divider]ECLAIRAGE INTIME d’Ivan Passer[/divider]

eclairage-intimePetr passe le week-end chez Bambas, un de ses amis musiciens comme lui, pour donner un concert dans une petite ville de Bohème. Filmé dans des décors naturels avec des acteurs non professionnels, ECLAIRAGE INTIME dresse le portrait de gens ordinaires avec un ton qui oscille entre burlesque et documentaire. Ivan Passer filme tous les petits gestes, les repas, les pleurs, les chamailleries, les retrouvailles. C’est simple et beau. Souvent drôle aussi comme la scène de fou rire de Stepa ou la répétition des quatre amis musiciens.
« C’est plus facile de pleurer que de rire » dit l’un d’eux. Les deux ne sont jamais bien loin chez Passer. Un des films référence de la Nouvelle vague tchèque.

Comme tous les soirs, un concert nous attendait au Village après les dernières projections : une fanfare qu’on avait déjà croisée itinérante dans les rues d’Arras pendant la journée et qui est apparue comme un joli clin d’œil au film d’Ivan Passer !

Au final cette 17ème édition du Arras Film Festival nous aura séduit par sa belle programmation qui traduit toute la diversité du cinéma français, européen et international. L’occasion aussi de revoir des classiques dans des copies magnifiquement restaurées et de confirmer le talent des cinéastes de l’Europe de l’est. On retiendra aussi le formidable accueil que nous ont réservé l’équipe et ses nombreux bénévoles. Vivement l’édition 2017 !

Anne Laure Farges

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