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Remakes live de Disney : un réel renouveau du catalogue ?

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Disney a annoncé 11 remakes pour ces prochaines années. Le studio serait-il en manque d’inspiration ou aborde-t-il une révolution dans son line-up ?

DISNEY - Remakes live action
Sean Bailey présente les derniers remakes live action du studio

La répétition constitue l’ADN du studio DISNEY, expliquant – en partie – sa longévité.

Sa branche Grands Classiques subit aujourd’hui une campagne de ressorties autour de remakes en prises de vue réelles, des dessins animés emblématiques. Une politique de développement où DISNEY industrialise la fabrication de ces remakes à travers un planning de sorties rodés.

"Alice au Pays des Merveilles" réalisé par Tim Burton
« Alice au Pays des Merveilles » réalisé par Tim Burton

Si on met de côté un premier Livre de la Jungle (1994) – avec le fils de Bruce Lee – et Les 101 Dalmatiens (1996), les deux premières vraies adaptation live de DISNEY, cette nouvelle ligne éditoriale prend ses racines dans les années 2010, avec Alice au Pays des Merveilles de Tim Burton (2010) et Maléfique avec Angelina Jolie (2014).

Aujourd’hui, pas moins de 11 live action remake sont annoncés, dont le prochain, Jean-Christophe et Winnie sortira le 24 octobre sur nos écrans.

Cette politique d’adaptation trahit-elle un manque d’inspiration ou une véritable révolution dans les futurs développement de la firme ?

La réponse ne peut être qu’ambiguë car cette politique ne fait que perpétuer la tradition DISNEY.

Ressortie des VHS des Grands Classiques Disney
Ressortie des VHS des Grands Classiques Disney

Disney : moratoire et ressorties 

Comment s’assurer qu’un film ressortant en salles fasse des entrées tout en ayant, en parallèle, un catalogue à proposer en vidéo ? 

L’industrialisation du recyclage de son catalogue, DISNEY l’a mis en place dans les années 80-90 avec un moratoire sur ses films. L’idée ? Créer un cycle de vie naturel pour le film, lui permettant de s’inscrire dans la durée.

Ce moratoire répondait à la problématique suivante : comment s’assurer qu’un film ressortant en salles fasse des entrées tout en ayant, en parallèle, un catalogue à proposer en vidéo ? Le moratoire ressemblait à un coffre-fort « virtuel » dans lequel DISNEY enfermait ses chefs d’œuvres pour X années, après une courte exploitation salle et/ou vidéo. Le temps du moratoire passé, le film retrouvait le circuit d’exploitation, créant une nouvelle envie de le voir, avant de repartir dans le coffre-fort.

Ce moratoire s’est appliqué à la salle, tout d’abord, puis, dans les années 90, il ne prit plus que la forme de ressortie vidéo. Le marché avait changé, la VHS entrait dans tous les foyers et bousculait les habitudes de consommation. Nous assistions à une mécanique huilée où un grand film sortait au cinéma, pendant que celui de l’année précédente sortait en vidéo. Dans l’autre moitié de l’année, DISNEY « évènementialisait » la ressortie d’un vieux Grand Classique en vidéo, pour un temps et un nombre d’exemplaires limités. Politique à double tranchant mais efficace pour deux raisons :

D’abord, l’urgence crée l’envie – si vous ne l’achetiez pas maintenant, vous ne l’auriez jamais.

Ensuite, ce moratoire répondait à une logique physique. La VHS, support fragile, souffrait des multiples visionnages des enfants, « obligeant » les parents à racheter ces films au moment de leur ressortie.

Les chiffres de vente de cette période montrent que l’engouement du public était là. Peu importe si les gens connaissaient l’histoire par cœur, que les enfants l’aient déjà vu des dizaines de fois… Si vous n’aviez pas eu l’occasion d’avoir Bambi, Dumbo ou Blanche-Neige en vidéo, c’était le moment.

Cette politique vidéo sur laquelle DISNEY, au début méfiante, a finalement été précurseur, nous fait comprendre l’état d’esprit dans lequel la firme s’inscrit depuis des décennies, décidant des habitudes de consommation qu’elle a elle-même instaurées. Chaque génération se nourrit de la même culture, peu importe l’année de création originale.

De la ressortie salle aux premières adaptations live, en passant par le coffre fort, DISNEY a basé la valorisation de son patrimoine par un renouvellement systématique de ses œuvres, ses idées et ses projets via un système de vases communicants.

L’univers de l’autocitation de Disney

Le but de ces adaptations est moins de déconstruire un univers pour mieux le reconstruire que de fidéliser un nouveau public et une nouvelle génération.

Les adaptations live action d’aujourd’hui ont un but proche de celui du moratoire : dépoussiérer la relecture des Grands Classiques Disney tout en les remettant sur le devant de la scène pour un temps bien donné.

Emma Watson - "La Belle et la Bête" (2017)
Emma Watson – « La Belle et la Bête » (2017)

Dans les années 90, DISNEY transpose ses chefs d’œuvre du nouvel âge d’or (La Belle te la Bête, Le Roi Lion, etc.) en comédie musicale donnée à Broadway. Le studio met en place une collection de Direct To Video (des films sortant directement en vidéo sans passer par une exploitation salles) franchisant à bas coûts les nouveaux Classiques (Le Retour de Jafar pour Aladdin, etc.).

Pirates des Caraïbes : 1ère adaptation live d'une attraction.
Pirates des Caraïbes : 1ère adaptation live d’une attraction.

Début des années 2000, DISNEY passe à une étape supérieure en décidant d’adapter non pas un conte en dessin animé, ou un dessin animé en film live, mais une attraction tirée de ses parcs en film, créant Pirates Des Caraïbes, une des franchises les plus rentables de ces quinze dernières années. Succès qui a enclenché une nouvelle politique de recyclage et d’adaptations tirés d’attractions de l’Univers DISNEY : Le Manoir et ses 999 fantômes, Tomorrowland et bientôt Jungle Cruise.

Le but de ces suites, adaptations et autres réinterprétations est moins de déconstruire un univers à succès pour mieux le reconstruire que de fidéliser un nouveau public et/ou une nouvelle génération.

Pourquoi DISNEY enclenche aujourd’hui ces massives adaptations en live action de dessins animés ? Une politique de citations faisant de la place, sur le domaine de l’animation, à une nouvelle génération de Classiques : La Princesse et la Grenouille, Raiponce et La Reine des Neiges, sans compter les films Pixar. Cette nouvelle salve permet au studio de côtoyer à nouveau les sommets du box office salles.

DISNEY couple cette nouvelle montée de réussite avec une série d’achats et de fusions des plus grosses franchises du cinéma pop corn : Marvel, Lucas Films et, dernier grand coup, la Fox.

Aujourd'hui Disney compte dans son rang les plus grosses franchises du cinéma
Aujourd’hui Disney compte dans son rang les plus grosses franchises du cinéma

Ces nouveaux membres du corpus DISNEY nourrissent une légende mémorielle de plus en plus fournie et active, permettant à la firme de se bâtir un empire économique et commercial, capitalisant sur l’envie du public de revivre les émotions du passé, tout en découvrant de nouveaux mondes – qui seront eux-mêmes exploités en autocitation.

DISNEY veut s’assurer une pérennité en puisant dans leur source de matières à travailler. Une volonté de développer un univers large peut-être même inspiré justement par Marvel et Lucas Films, qui déclinent quasi à l’infini leur univers étendu. Cette méthodologie marketing est aujourd’hui appliquée sur les films live action avec une volonté d’organiser les futures sorties par phases : quand l’adaptation live d’un Grand Classique sort en salle, la précédente sort en vidéo, et ainsi de suite…. Ca ne vous rappelle rien ?

Enfin DISNEY a besoin de contenus originaux pour sa future plateforme Svod et c’est en se basant sur leur socle nourricier, solide et assurée, qu’ils prendront le moins de risque. Une version chassant l’autre, comme le faisait Georges Lucas avec sa trilogie, c’est moins la culture du remake qui est à l’épreuve aujourd’hui chez DISNEY que celle de la réactualisation et de l’innovation technologique. Moins de créations, plus d’innovations, couplé à une « évènementialisation » à outrance de n’importe quel projet. Le but étant de toucher un public de plus en plus large.

Le cœur fondateur de DISNEY a été de créer un univers interne, finissant par se nourrir lui-même : des visions démultipliées d’une même histoire basée sur des textes traditionnels, proposant des émotions similaires et différentes à chaque fois. Cette industrialisation s’inscrit dans la politique classique de DISNEY et, aujourd’hui, le studio joue sur le caractère assumé de cette autocitation, nous disant, en sous-texte : « Les émotions vécues avec nos dessins animés, vivez les en mieux, avec nos films. ».

Les plus grandes légendes déjà sur vos écrans ou bientôt adaptées.
Les plus grandes légendes déjà sur vos écrans ou bientôt adaptées.

 De nouveaux films pour de nouvelles histoires ?

Alice au pays des merveilles, Maléfique, Cendrillon, Peter et Elliot, La Belle et la Bête et très prochainement Jean-Christophe et Winnie DISNEY a entamé sa vraie période de réactualisation de son catalogue.

Le dernier remake en date, "Jean-Christophe et Winnie", n'a pas eu le succès escompté aux US.
Le dernier remake en date, « Jean-Christophe et Winnie », n’a pas eu le succès escompté aux US.

Dans cette mise en abîme de son propre monde, DISNEY tente une modernisation de son univers sans pour autant le trahir. Avec cette vision fondatrice de cycles régulant son Canon, cette nouvelle phase de « réédition » abordée non plus par le biais de ressortie mais par une autocitation joue sur la double lecture : la première couche destinée à l’enfant, la deuxième à l’adulte. DISNEY, loin de s’en cacher, en fait sa marque de fabrique, nourrissant fantasmes, attentes et espoirs.

Alice au Pays des Merveilles a servi de test, mené par Tim Burton. Pari gagnant confortant DISNEY dans sa politique d’adaptations : le film génère plus d’1 milliard de dollars au box-office mondial !

Johnny Depp - "Alice au pays des merveilles" (2010)
Johnny Depp – « Alice au pays des merveilles » (2010)

Quatre ans plus tard, Maléfique. Ni plus ni moins La Belle au Bois Dormant – un des plus Grands Classiques Disney – avec l’originalité de présenter le point de vue de la sorcière. Cette version apporte un élément nouveau dans la relecture du corpus DISNEY : une noirceur liée à la complexité du personnage de la Marraine. Ni bonne, ni mauvaise, c’est avant tout à son côté femme bafouée que fait référence le film, l’instinct maternelle qui sommeille en elle, et du coup une vision du personnage jamais vu jusqu’à présent.

Succès à nouveau.

A partir de 2015, avec Cendrillon, accélération et mise en place de l’habituelle cadence annuelle propre à DISNEY: un film chaque année, un événement à chaque fois, doublé d’une sortie vidéo de l’événement précédent.

Jusqu’à présent les chiffres au box-office sont au rendez-vous : La Belle et la Bête (1,26 $ milliards au box-office monde), Alice au Pays des Merveilles (1,024 $ milliards), Le Livre de la Jungle (965 millions $), Maléfique (758 millions $) et Cendrillon (543 millions $). Et à chaque fois, l’idée de dévoiler une part jusque là peu connue du récit, comme une vérité cachée. C’est surtout vrai pour Maléfique et Cendrillon, un peu moins pour Alice et , et déjà plus du tout pour La Belle et la Bête.

A travers ces adaptations, DISNEY passe d’un modèle enfant à adulte, jouant sur les codes de la nostalgie avec une thématique soit plus mature, soit plus sombre (quelques fois les deux). La plupart des films jusqu’à présent ont réussi ce passage. Le Livre de la Jungle et Maléfique en première ligne. Les films moins réussis étant ceux n’ayant pas utilisé ce code adulte ni assumé cette part d’ombres, préférant coller à l’univers du dessin animé. Dans La Belle et la Bête, l’erreur du film est de tenter la retranscription totale de la magie et l’innocence de l’animé original. Mais cette magie vient du support. Passer en live fait perdre des notions acceptées dans le dessin animé.

"La Belle et la Bête" (2017)
« La Belle et la Bête » (2017)

DISNEY a beau innover dans une logique moderne, en créant des images incroyables qui avant ne pouvaient exister qu’en dessin animé, et justifiant presque à elle seule la production de ces films, il ne crée presque plus de nouveaux univers, ces autocitations prenant le pas sur les nouveautés sortant en animation (hors Pixar). Contrairement aux générations précédentes, ces nouveaux Grands Classiques sont des adaptations des propres œuvres du studio, devenant des live action remake pas si nouveau que ça.

Les quelques échecs – De l’autre côté du miroir (suite d’ Alice) et Peter et Elliot -, peuvent remettre en cause le principe de cette politique. Les chiffres de Peter et Elliot (128$ millions pour 65 millions $ de budget hors marketing), pose la question si ce recyclage des univers ne peut fonctionner qu’avec les œuvres cultes et encore ancrées dans l’esprit populaire de la firme.

"Peter et Eliott" sorti en 2016, est passé relativement inaperçu
« Peter et Elliot » sorti en 2016, est passé relativement inaperçu

Tant que le public suit, les adaptations seront. Mais aujourd’hui, la simple conceptualisation en live dans un univers existant ne suffit pas et les grands dessins animés des différents âge d’or s’épuisent. Que leurs reste-t-il ? Un reboot des 101 Dalmatiens ? La Belle et le Clochard ? Un pendant de Bernard et Bianca ? Et après ça ? Sans doute passeront-ils aux nouvelles générations en espérant que le temps aura fait son œuvre, et nous verrons La Reine des Neiges et Raiponce en live action.

L’adaptation de Peter Pan et Blanche-Neige prendront la forme d’histoires autour de personnages secondaires (la Fée clochette) voir inexistant du dessin animé (la Sœur de Blanche-Neige) mais présent dans le conte.

Le catalogue des adaptations grandit mais, étant encore jeune, ne peut donner le recul nécessaire à son analyse. Difficile pour DISNEY de prédire s’il prend le bon chemin. Un doute qui l’oblige à assurer ses arrières, en renforçant ses écuries : un des scénaristes et producteurs de la série à succès Game of Thrones s’occupe de l’adaptation de Merlin l’Enchanteur, Robert Downey Jr. sera Gepetto dans Pinocchio, Tim Burton pour Dumbo, etc.

"Dumbo", prochaine adaptation signée Tim Burton.
« Dumbo », prochaine adaptation signée Tim Burton.

Conclusion : une tradition qui risque l’épuisement

 La politique d’adaptations d’aujourd’hui se rapproche de celle de ressorties d’hier. Nous ne pouvons être surpris, DISNEY restant dans sa logique commerciale industrialisée d’autocitation.

Si le box-office semble aujourd’hui acquis – jusqu’au premier trou d’air -, notre attention sera portée par les vertus artistiques de ces prochaines adaptations. Soyons plus client d’une nouvelle vision portée par un réalisateur qu’une simple transposition de l’ordre de la ressortie. DISNEY doit sans cesse se poser la question : préférons-nous revivre les mêmes émotions qu’autrefois (et dans ce cas, pourquoi ne pas préférer revoir le dessin animé) ou voulons-nous découvrir un nouvel univers se construisant sur des bases anciennes ?

Jusqu’à présent ces adaptations à succès nous font applaudir la volonté de DISNEY de réactiver les plaisirs des précédents visionnages, créant même une demande du public.

DISNEY perpétue l’héritage de sa tradition par le biais de nouvelles technologies, pas de nouvelles histoires. Ce passage de flambeau, de générations en générations, a toujours connu un coup d’arrêt plus ou moins douloureux… Le prochain nous fera sans doute dire que DISNEY a trop étiré son filon, comme toujours… mais sans doute pour mieux rebondir !

Sébastien Lagoszniak

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