MOMIE

[CRITIQUE] Collection DVD : LA MOMIE – Universal Monsters

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À l’heure où Tom Cruise affronte Sofia Boutella sur grand écran, et tente par la même occasion de lancer le Dark Universe ; il est judicieux de replonger dans les précédentes exploitations de la figure mythique par Universal. Ça tombe bien, le studio américain et l’éditeur Elephant Films ont justement sorti une collection de cinq DVD et Blu-ray.

De la légende Universal Monsters, le public comme les historiens du cinéma ont surtout retenu le succès colossal des premiers films sortis dans les années 1930. Parmi ces classiques de l’épouvante, on trouve La Momie réalisé en 1932 par Karl Freund, dont le rôle-titre est interprété par Boris Karloff, fort du triomphe de Frankenstein, sorti un an plus tôt. Contrairement au Dark Universe mis en place récemment par la major, ces films fondateurs ne constituaient pas un univers commun, nourri par des arcs narratifs et des personnages relais. Non, la franchise Universal Monsters est avant tout une marque de fabrique, un label de qualité dicté par les ambitions du producteur Carl Laemmle Jr à exploiter le riche patrimoine de la littérature gothique, et à prolonger son empreinte dans l’imaginaire collectif, par les possibilités nouvelles qu’offrait alors le cinéma parlant.

Si le film de Karl Freund mérite clairement sa place au panthéon du cinéma d’épouvante, aux vus des cinq sequels proposées dans la collection éditée par Éléphant films, on ne peut pas vraiment dire que le label de qualité ait tenu ses promesses dans les décennies suivantes. Sur les cinq films, quatre ont été réalisés entre 1940 et 1944 : LA MAIN DE LA MOMIE, LA TOMBE DE LA MOMIE, LE FANTÔME DE LA MOMIE et LA MALÉDICTION DE LA MOMIE. DEUX NIGAUDS ET LA MOMIE ne sortira qu’en 1955. On peut considérer que le principe de donner des suites à un succès participe du charme du cinéma d’épouvante associé dès lors au terme de cinéma d’exploitation dont l’un des intérêts premiers est la réutilisation fréquente des codes établis par l’œuvre d’origine, dans le souci de satisfaire le public qui vient justement chercher ses marqueurs visuels et scénaristiques, tout en exigeant un tant soit peu de réinvention, de réécriture, donc de création dans l’exercice de style. Cependant, même en adoptant cette optique sur le cinéma d’exploitation, il est difficile de passer outre la perte progressive d’ambition de la franchise, comme sa manière parfois agaçante de réutiliser les mêmes idées sans véritable effort d’imagination.

La Main de la momie (Christy Cabanne, 1940)
La Main de la momie (Christy Cabanne, 1940)

Évoquons tout de suite la star de la franchise, celle pour qui les spectateurs payaient leur place de cinéma. Si dans le film de 1932, Boris Karloff mettait son physique longiligne et son visage anguleux au service d’une double-identité, jouant à la fois sur le magnétisme et sur l’effroi, on ne peut hélas pas en dire autant de Lon Chaney Jr, qui tente ici d’imposer une présence sous les bandelettes. Avec sa carrure de déménageur et son jeu sans subtilité, Lon Chaney Jr n’a jamais brillé par la qualité de son interprétation, mais ce choix de casting est révélateur des intentions des producteurs; pour eux l’acteur n’est qu’une silhouette, un véhicule du talent de Jack Pierce, le maquilleur attitré du studio. Un bras perclus, une jambe à la traine et une paupière constamment close, Chaney en est réduit à incarner une forme de boogeyman sans réelle personnalité tandis que d’autres comédiens comme Turhan Bey ou John Carradine auront la charge d’évoquer le mystère et le charme troublant de L’Égypte, dans leurs rôles de prêtes maléfiques.

« Difficile de passer outre la perte progressive d’ambition de la franchise Universal Monsters. »

Quand on regarde les cinq films dans l’ordre chronologique, LA MAIN DE LA MOMIE met la franchise sur de bons rails. Il y a en effet dans ce récit d’aventure implanté dans le décor d’un site archéologique égyptien, la naïveté et l’efficacité sans temps mort d’un serial, dont l’arrière-goût de bande-dessinée et de romans populaires, nous invite à retrouver notre âme d’enfant. Si on poursuit avec LA TOMBE DE LA MOMIE, là encore, on peut approcher le récit comme une bonne surprise, puisque le changement de décor à destination des États-Unis apporte une esthétique différente en décalage avec celle des temples antiques. Un décalage qui apparaît comme un coup de fraîcheur sur le mythe, certes; mais qui hélas ne perdure pas au-delà de ce deuxième opus. En effet, dès le film suivant, LE FANTÔME DE LA MOMIE, l’idée de décalage comme le récit tout entier semblent redondants, puisqu’ils découlent tous les deux du même canevas scénaristique, qui perd la sympathie du public tant il est appliqué bêtement et simplement comme une formule commerciale.

Le Fantôme de la momie (Reginald Le Borg, 1944)
Le Fantôme de la momie (Reginald Le Borg, 1944)

On pourrait se montrer indulgent avec le procédé incluant également LA MALÉDICTION DE LA MOMIE, et remarquer des variantes dans les choix des décors américains où se déroulent ces trois variations sur le même thème. Dans LA TOMBE, il s’agit principalement d’un cimetière et d’un manoir néo-classique, soit deux lieux revêtant à merveille le traitement gothique, qui figure d’ailleurs l’âme même du cinéma d’épouvante estampillé Universal. Dans Le FANTÔME, en revanche, l’ambiance est plus propice au western avec ce coin de campagne à la végétation aride, filmé en plein jour; la dimension atmosphérique du film en prend d’ailleurs un sacré coup. Le cas de LA MALÉDICTION est des plus intéressants, car cette fois l’action se déroule dans un bayou en Louisiane, terre hantée par les légendes et les superstitions où il n’est finalement pas si incongru de voir jaillir une momie hors de la vase et de la boue.

Mais ces changements successifs de décors ne suffissent pas à enrichir la formule scénariste qui reste trop flagrante à l’écran et suscite parfois l’agacement à force de répétition dans les codes, voire dans les cadrages. On nous ressert à chaque fois, un résumé des précédents films sous forme de flashback, avant qu’un prêtre ne réveille la momie grâce à la même potion. On retrouve également une foule de villageois brandissant des torches, lancée à la poursuite de la momie, comme si soudain l’aura de Frankenstein contaminait cet autre Universal Monsters; et tout ça se termine toujours dans un temple où la momie monte d’interminables escaliers avec sa proie féminine dans les bras.

Deux Nigauds et la momie (Charles Lamont, 1955)
Deux Nigauds et la momie (Charles Lamont, 1955)

Il faut considérer DEUX NIGAUDS ET LA MOMIE comme un film à part dans cette franchise, puisqu’il ne s’inscrit pas dans la continuité scénaristique de ses quatre aînés. Il ne s’inscrit pas non plus dans une continuité stylistique, puisque le ton choisi est ici celui de l’humour, où du moins ce qui semble s’apparenter à des gags burlesques selon leur définition par les désolants Abbott et Costello. Au-delà de ce métissage cartoonesque, cette comédie pioche également dans le film noir, le film d’espionnage exotique et les numéros de music hall chantés ou dansés. Cette juxtaposition hétérogène des différents points d’intérêts du film est symptomatique d’une franchise qui s’essouffle, tant dans l’esprit des spectateurs que dans celui des producteurs. Quand les codes ont été trop usités, il ne reste plus qu’à traiter le sujet avec dérision pour définitivement condamner la franchise, sceller le sarcophage pour ainsi dire. Il faudra attendre trois ans après les forfaits des Deux Nigauds pour que les gentlemen anglais de la Hammer Films réinjectent une juste dose d’épouvante aux icônes cinématographiques telle que la momie.

Comme le dit justement Jean-Pierre Dionnet dans un bonus du coffret, entre les différents épisodes de la franchise, il est sensé s’être écoulé plusieurs années. Ainsi, en partant du fait que La Main de la Momie se passe en 1940, La Malédiction de la Momie doit donc se dérouler en 1995; pourtant à en croire les vêtements et la technologie, on a plutôt l’impression de rester dans les années 40. Comme quoi, il ne suffit d’énoncer que le temps passe pour que le public ressente une véritable évolution dans les enjeux et les perspectives. Il reste cependant un plaisir irrésistible à la vision de ces films par un spectateur des années 2010 comme moi, celui d’admirer la beauté et l’élégance des femmes dévorant l’écran tout entier. De Elyse Knox éteignant sa lampe de chevet mais dont le visage reste pourtant étrangement éclairé dans la nuit, à Ramsay Ames, somnambule, sortant de sa maison victorienne dans sa robe blanche tandis qu’un chat noir traverse l’image; chaque film possède son poème visuel dont une actrice sublime est la muse.

Arkham

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Films du coffret :
La Main de la momie (1940),
La Tombe de la momie (1942),
Le Fantôme de la momie (1944),
La Malédiction de la momie (1944),
Deux Nigauds et la momie (1955)
Réalisation :Christy Cabanne, Harold Young, Reginald Le Borg, Leslie Goodwins et Charles Lamont
Acteurs principaux :Lon Chaney Jr, Tom Tyler, Dick Foran, Virginia Christine, Marie Windsor
Date de sortie DVD/BR : 22 juin 2016
Durée moyenne de chaque film: 1h00min
2
redondant

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