DÉTOUR

[CRITIQUE] DÉTOUR

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Après Triangle et sa boucle temporelle, Christopher Smith s’amuse à nouveau des possibilités spatio-temporelles d’un récit, en choisissant cette fois, le principe du Détour, comme le titre de son nouveau film l’indique.

En l’espace de dix ans, le cinéaste britannique Christopher Smith s’est imposé comme l’une des valeurs sûres du cinéma de genre. Associant chacun de ses projets, à de nouvelles propositions en matière d’horreur, de tension et de gestion de la temporalité, Smith se distingue du tout-venant du circuit direct-to-video, en considérant la curiosité et l’intelligence d’un public, auquel il évite dès lors de fournir de simples recettes éculées et des schémas narratifs copiés-collés. Celui qu’on aurait eu trop vite fait d’associer à la vague du Splat Pack, au milieu des années 2000, compte tenu de l’horreur graphique et du ton acerbe de Creep et de Severance, a depuis prouvé qu’il savait également manier le fantastique « Twilight Zone » avec Triangle, autant que la fantasy mystique avec Black Death.

Dès lors, avec une carrière aussi éclectique et pourtant rattachée depuis toujours à l’exploration des genres cinématographiques, Smith réussit, malgré l’absence d’exploitation de ses films en salles, à attirer l’attention des spectateurs de mon engeance, même lorsqu’il s’aventure en dehors de l’horreur et du fantastique. Avec DÉTOUR, il est cette fois question d’un récit criminel ancré dans un décor américain, propice à la fois à la cinégénie et à l’accablement des conscients, tel qu’en implique ce type de récit. D’une villa Californienne à un casino de Las Vegas, la route est déjà tracée pour permettre à Smith d’enfoncer ses personnages vers un drame inextricable, à la manière des films et des romans noirs qui ont fait les grandes heures de Hollywood, entre les années 1930 et les années 1950. Le réalisateur assume cette ascendance, et ne manque pas de placer quelques citations visuelles dans son road-movie vengeur.

Détour

C’est d’ailleurs par cette position adoptée par Smith que Détour présente un intérêt dans cette grande histoire du film noir, puisqu’elle permet de tracer un trait-d’union entre la Grande-Bretagne et les États-Unis. Ainsi s’entremêlent les effets de style narratifs d’une comédie noire anglaise, et la ligne directrice d’un meurtre programmé sous le soleil du Nevada. On retrouve dans les premières minutes, un dialogue tendu dans un bar, qui fait immédiatement penser aux règlements de comptes entre petites frappes de pub, telles que Guy Ritchie ou Edgar Wright aiment à les croquer. Puis progressivement le trio de voyageurs-criminels endosse le costume tragique que le récit est en train de leur confectionner, et se dirige presque volontairement – avec un certain panache pour certains -, vers la vérité d’une condition humaine, d’une impasse existentielle. Harper, le protagoniste de l’histoire, est présenté dans le premier quart-d’heure, comme un jeune homme venu d’un milieu aisé, propre sur lui, étudiant en droit consciencieux. Et pourtant la mort est déjà là et irradie au-dessus de sa tête, avec autant d’assurance que le soleil californien.

[bctt tweet= »« La mise en scène de Détour joue habillement sur les possibilités d’alternatives du récit » » username= »LeBlogDuCinema »]

L’aspect tragique du film apparaît justement dans cette évidence, dans son caractère rétroactif, qui vous accable à la fin, et vous fait remonter le fil du récit en vous disant que les trajectoires étaient vouées de toute façon, à ce dénouement fatal. La mise en scène nous laisse un temps, espérer une alternative en jouant sur des tangentes représentées par des écrans splittés, mais assez vite, cette ramification du récit provoque un sentiment inverse. En fin de compte, le procédé se révèle n’être qu’un gigantesque tour de passe-passe scénaristique, dont nous ne vous livrerons pas les manipulations secrètes, afin de ne pas gâcher le plaisir à ceux qui aiment être baladés, dupés puis stupéfiés par ce genre de prouesse d’écriture. Nous dirons simplement que, là où l’on pouvait s’attendre à ce que la multiplication des causes et des conséquences entraîne le film sur d’autres pistes, d’autres genres de récits (un huis clos et un road-movie par exemple), voire d’autres registres (un drame et une comédie) ; survit dans tous les cas, l’implacable tension menant jusqu’à la culpabilité, jusqu’au sang indélébile sur les mains.

Il en sera de même pour le timing, le destin de Harper ne se joue pas sur une question de créneau, sur la roue de la chance, fluctuant d’une minute et d’un effet papillon à l’autre. Non, que le jeune homme mûrisse sa décision et son modus operandi, une heure ou une journée, il possède déjà dans son regard lors de la scène d’ouverture, où il écoute son professeur de droit lui parler de meurtre, la résignation à avancer vers un rôle d’anti-héros de film noir. Il a beau regarder Cherry, la strip-teaseuse qui l’accompagne dans son voyage, se prendre d’affection pour elle, il semble déjà savoir que la romance est impossible, qu’ils se séparent ou qu’ils restent ensemble. Peu importe les ambiguïtés disséminées au fil de l’histoire, peu importe le degré d’innocence de la jeune femme, peu importe qu’elle ait été danseuse, prostituée, qu’elle ait déjà tué ou non un homme. Peu importe les détours et leurs longueurs ; pour ces deux personnages, la route est déjà tracée.

Arkham

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Titre original : Detour
Réalisation : Christopher Smith
Scénario : Christopher Smith
Acteurs principaux :Tye Sheridan, Emory Cohen et Bel Powley
Date de sortie : 17 février 2017 en DVD, Blu-ray et VOD
Durée : 1h36min
3
malin

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