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RÉTRO CLINT EASTWOOD – Filmographie commentée, les années 2000

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Le 21ème siècle commence et Clint Eastwood continue de tourner. Ses meilleures années sont-elles derrière lui ?

Nouvelle étape dans la carrière de Clint Eastwood, l’entrée dans le nouveau millénaire va le pousser à s’éloigner de plus en plus de son pédigrée d’acteur au profit de sa casquette de réalisateur. S’il apparaît devant la caméra, à plus de soixante dix ans, c’est avant tout pour montrer les dégâts du temps qui passe et la décrépitude physique qui en résulte. Seul Space Cowboys, pochade sympathique, reste dans les clous. Les autres films montrent un Clint Eastwood victime d’une crise cardiaque (Créance de Sang), perdu dans le néant de ses illusions (Million Dollar Baby) ou condamné par la maladie (Gran Torino). Mais au-delà de son statut d’inoxydable, de nombreux critiques pensent que ses meilleures années sont désormais derrière lui. En enchaînant Les Pleins Pouvoirs, Minuit dans le Jardin du Bien et du Mal, Jugé Coupable, Space Cowboys et Créance de Sang, il conserve sa réputation mais il n’a plus (pour certains) le momentum de sa période faste du mitan des années 90 (Impitoyable, Un Monde Parfait, Sur la Route de Madison).

Comme un pied de nez à la vieillesse, le cinéaste allait pourtant relancer la machine et donner à voir sa période la plus productive (10 films en 10 ans) à un âge où décline la plupart de ses confrères. S’ensuit une pluie de nominations et de récompenses (deux césars, deux oscars, une palme d’honneur à Cannes, cinq nominations pour la meilleures musique ou la meilleure chanson aux Golden Globes) et quelques classiques instantanés (Mystic River, Million Dollar Baby, Lettres d’Iwo Jima, Gran Torino). Il en profite pour signer un premier documentaire (Piano Blues), enchaîner les blockbusters (Mystic River, Million Dollar Baby, Gran Torino), réaliser sa première (très) grosse production (Mémoires de Nos Pères) et commencer à délaisser les fictions pures au profit de biopics plus aptes, selon lui, à raconter les choses. Dès lors, les années 2000 allaient sacraliser le mythe.

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2000 – SPACE COWBOYS

Titre original : Space Cowboys
Avec : Clint Eastwood, Tommy Lee Jones, Donald Sutherland, James Garner
Genre : Aventure
Durée : 2h10

 

 

Élaboré avec l’aide de la NASA, voici un film goguenard, sorte d’Étoffe des Héros du troisième âge, qui semblait utopique à l’époque mais rejoint par la réalité quelques années plus tard lorsque John Glenn retournera dans l’espace à plus de soixante dix ans. Habitué aux tournages rapides, SPACE COWBOYS prendra exceptionnellement plus de trois mois pour être mis en boîte. À cette occasion, Clint Eastwood s’est entouré d’un casting au cordeau (James Garner, Donald Sutherland, Tommy Lee Jones) pour interpréter ces papys qui n’ont plus rien de pilotes d’essai, encore moins de spationautes aguerris. Le ton, tour à tour badin et grave, permet au réalisateur de parler de la vieillesse avec un regard cru et tendre à la fois. L’exaltation des personnages, leurs doutes, leur sacrifice aussi en dit beaucoup sur Clint Eastwood lui-même. Sous couvert d’une intrigue qui permet à quatre grincheux de renouer avec leur rêve, SPACE COWBOYS donne dans le spleen léger, dans cette nostalgie ni réactionnaire, ni passéiste pour autant. Un petit moment d’allégresse. En apesanteur.

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2002 – CRÉANCE DE SANG

Titre original : Blood Work
Avec : Clint Eastwood, Jeff Daniels, Wanda De Jesus
Genre : Policier
Durée : 1h49

 

 

Poursuivant sa longue descente dans la déglingue physique, CRÉANCE DE SANG sera l’antépénultième apparition de Clint Eastwood dans ses films avec ce personnage de profiler qui survit à une crise cardiaque grâce à une greffe du cœur de la dernière chance. Remis sur pied, il se met en tête de retrouver l’assassin de son donneur. L’histoire est improbable, téléphonée, mais Clint acteur trouve ici de nouveaux défis déguisés, comme lorsque son cœur lâche au détour d’une course poursuite trop haletante ou dans la relation entretenue avec une doctoresse interprétée par Angelica Huston (la fille de John)… Adapté d’un roman à succès de Michael Connely, le film sera tourné en 38 jours seulement. S’il s’inscrit dans la veine des “films de la main gauche”, c’est à dire mineurs, c’est avec celui-ci qu’il rencontrera Brian Helgeland (L.A. Confidential, Chevalier), futur scénariste de Mystic River. Le cabotinage de Clint, à grand renfort de voix caverneuse et de clins d’œil au passé, se pose naturellement sur le fond sépulcral de l’histoire. S’il se désintéresse d’une enquête bancale et pour tout dire peu crédible, le réalisateur semble trouver dans le parcours du héros principal quelque chose de fascinant, un regard sur la mort qui ne parvient pas à transcender CRÉANCE DE SANG mais qui lui donne ce petit quelque chose, ce petit plaisir gourmand pourvu que l’on apprécie le bonhomme et sa filmographie.

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2003 – PIANO BLUES

Titre original : Piano Blues
Avec : Ray Charles, Pinetop Perkins, Dr. John
Genre : Documentaire
Durée : 1h25

 

 

PIANO BLUES est l’un des sept films de la série “Le Blues” initiée par Martin Scorsese à l’occasion de l’année du blues. Les sept cinéastes (Mike Figgis, Wim Wenders, Martin Scorsese, Richard Pearce, Charles Burnett, Marc Levin et Clint Eastwood) se réunirent autour d’une passion commune : le Blues. Quoi de plus logique comme choix ? Au fil de sa filmographie, Clint Eastwood a toujours fait preuve de son amour de la musique, avec des collaborations fructueuses (John Williams, Michel Legrand, Lalo Shiffrin, Lennie Niehaus), des thématiques centrées (Honkytonk Man, Bird), des références appuyées (John Mercer) et une implication de plus en plus affirmée au fil des années puisqu’il écrira quelques thèmes (Impitoyable, Sur la Route de Madison) avant de sauter le pas et de composer les B.O. de Mémoires de nos Pères, Grace is Gone (réalisé par James C. Strouse), L’Échange, Au-Delà et J.Edgar. Alors qu’il a longtemps pratiqué le piano et que son affection pour le jazz ne s’est jamais démenti, c’est donc en vrai connaisseur qu’il aborde pour la première fois l’exercice du documentaire. En ressort beaucoup d’émotion, notamment un moment de complicité exceptionnelle avec Ray Charles. L’objectif du film de transmettre (une fois encore) l’amour du blues est en tout cas atteint, par ses images d’archives, rares et ce bonheur à la fois sincère et naturel de titiller la muse.

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2003 – MYSTIC RIVER

Titre original : Mystic River
Avec : Sean Penn, Tim Robbins, Kevin Bacon, Laurence Fishburne
Genre : Drame
Durée : 2h17

 

 

Si Brian Helgeland avait fait le minimum syndical sur Créance de Sang, l’adaptation du (formidable) roman MYSTIC RIVER signé Dennis Lehane relève par contre du travail d’orfèvre. Avec un matériel aussi impeccable, Clint Eastwood se lançait dans son vingt-quatrième long métrage avec l’idée d’un casting masculin faramineux : Sean Penn, Tim Robbins (tous deux oscarisés pour le coup) et Kevin Bacon en haut de l’affiche. Si l’on ajoute Lawrence Fishburne, Marcia Gay Harden, Laura Linney et l’apparition non créditée mais sympathique de son ancien acolyte Eli Wallach (Le Bon, la Brute et le Truand), cette tragédie située au cœur de Boston nous prend illico à la gorge. Elle ne nous lâchera plus. À travers l’itinéraire de trois amis d’enfance, dont les chemins se sont séparés après que l’un d’eux, Dave, fut enlevé par de faux flics dégénérés (notons que l’un d’eux porte une bague de Cardinal), Clint Eastwood nous parle de notre part d’ombre, de cette zone contaminée, gangrenée par l’horreur du passé. Du glauque. Du poisseux. Aussi, lorsque Katie, la fille de Jimmie (Sean Penn), un ancien malfrat devenu épicier, est assassinée, c’est Sean (Kevin Bacon) qui mène l’enquête alors que les indices s’orientent sur Dave (Tim Robbins, impressionnant). Le triangle n’a plus qu’à se resserrer et laisser opérer son fatum tragique. Tourné à même les rives de la fameuse Mystic River, l’itinéraire de ces personnages s’entremêle, s’affronte, se fait, se défait, se brise sur des faux-semblants, des gestes irréversibles. Le destin prend alors un malin plaisir à court-circuiter toute possibilité de rédemption, de pardon ou d’oubli. La scène finale, viscérale dans toute son horreur, déploie ses tonalités shakespeariennes (MacBeth n’est pas loin) et ce passé qui semble annihiler toute notion d’espoir. Succès public et critique, MYSTIC RIVER reste aujourd’hui encore un diamant brut extrait du charbon le plus noir.

 » En réalité, nous sommes toujours des gamins de 11 ans enfermés dans une cave, imaginant quelles seraient nos vies si on s’était échappé. » (Mystic River)

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2004 – MILLION DOLLAR BABY

Titre original : Million Dollar Baby
Avec : Clint Eastwood, Morgan Freeman, Hilary Swank
Genre : Drame
Durée : 2h12

 

 

Inspiré de plusieurs nouvelles écrites par F.X. Toole, pseudonyme de Jerry Boyd, ancien soigneur de boxe, le script signé Paul Haggis (Collision) était resté dans les tiroirs pendant plus de quatre ans, estampillé “development hell” soit “projet sans potentiel”. Mais voilà, Clint Eastwood croit en cette histoire et s’il ne parvient pas à persuader la Warner, pourtant partenaire de ses productions depuis plus de trente ans, il boucle le budget en s’asseyant sur une bonne partie de son salaire et en trouvant la moitié du financement restant chez Lakeshore Entertainement. Clint Eastwood vend l’idée simplement : “Million Dollar Baby ne sera peut être pas un film qui fera votre fortune, mais il vous rendra fier de l’avoir produit”. Limpide. Et l’histoire ? Elle nous est racontée par Scrap (Morgan Freeman), soigneur et homme à tout faire, ancien boxeur qui a perdu un œil lors de son dernier combat car Frankie (Clint Eastwood), son entraîneur, n’avait pas osé arrêter le combat à temps. Depuis, rongé par la culpabilité, ce dernier a perdu la foi et tout contact avec sa famille et notamment sa fille. C’est un homme seul, l’ombre de lui-même et de son passé, jusqu’à sa rencontre avec Maggie (Hillary Swank, magnifique), lumineuse, qu’il décide d’entraîner pour aller décrocher le titre suprême. Film plein d’amertume dont on pourra reprocher (en chipotant) la trajectoire mélodramatique inéluctable, MILLION DOLLAR BABY avance avec un art du non dit, de l’intime et de la passion qui fend l’âme et le cœur. Jamais trop sentimental, le cinéaste tient la ligne, fragile, du bouleversant tout en conservant cette pudeur remarquable. Comme une marque de fabrique.  Le cinéaste scrute ici le grand “rêve américain” par le prisme de la broyeuse. La force du film tient dans cette simplicité qui complexifie d’autant les personnages et les enjeux. Dépouillé. Majestueux. Clint Eastwood échappe aux modes alentours par son regard hors des clichés rebattus, ses fulgurances visuelles, son humanité déchirante.

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2006 – MÉMOIRES DE NOS PÈRES

Titre original : Flag of our Fathers
Avec : Ryan Phillippe, Adam Beach, Neal McDonough
Genre : Guerre
Durée : 2h12

 

 

Raising the Flag on Iwo Jima. La photo était connue, légendaire, même, aux États-Unis. Prix Pulitzer pour son auteur, Joe Rosenthal.  Nous y voyons six marines hisser le drapeau américain sur le mont Suribachi de l’île d’Iwo Jima, durant la guerre du Pacifique. Tout un symbole. Et de quoi relancer la propagande et le recrutement auprès des jeunes, ce que le gouvernement américain n’hésitera pas à faire avec une certaine dose d’hypocrisie pour les valeurs patriotiques. Mais voilà, l’histoire était trop belle, il fallait la maquiller, la travestir pour la rendre plus noble encore. Pour la grande cause. Quand bien même les protagonistes dussent-ils vivre cette expérience comme un fardeau, parfois trop lourd à porter. Une fois encore, le film était prévu pour Steven Spielberg mais ce dernier se désistera et se contentera finalement de le coproduire. Au scénario, c’est Paul Haggis qui s’y colle (Million Dollar Baby) mais Clint Eastwood, décidément jamais là où on l’attend, décide de scinder l’expérience en deux volets distincts : l’un du point de vue américain, l’autre japonais (Lettres d’Iwo Jima). Un concept mais qui zieute vers la logique implacable de ne pas jouer du manichéisme habituel des bons contre les méchants. Des vainqueurs contre les vaincus. En revisitant l’histoire de son pays, Eastwood poursuit son chemin dans la pénombre, dans cet espace sans limite où la vérité est relative, tout comme les notions du bien et du mal. Un thème central de sa filmographie. Si l’anecdote est rocambolesque (la photo fut-elle mise en scène ?), le portrait des trois survivants permet au réalisateur de dresser une analyse en creux des dégâts causés par la guerre et une vision du héros très paradoxale. Une réflexion qui nourrira ses futurs films (American Sniper, Sully) avec une acuité plus ambigüe que sur ce film. MÉMOIRES DE NOS PÈRES, lui, s’interroge sur la véracité du héros, sa propre conséquence, sa vacuité. Guère étonnant alors qu’il s’intéresse plus au destin tragique d’Ira Hayes, l’amérindien condamné à l’oubli et à une fin misérable teintée de racisme ambiant. C’est dans ces moments précieux que le regard d’Eastwood se fait le plus sincère. En jouant des flash-back pour évoquer cette guerre d’une violence si brutale, le film s’inscrit plus du côté du Soldat Ryan que de La Ligne Rouge. Surtout, MÉMOIRES DE NOS PÈRES renvoie à quelque chose de purement physique. Un voyage au bout de l’enfer dont l’écho poursuit les survivants. À jamais.

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2007 – LETTRES D’IWO JIMA

Titre original : Letters from Iwo Jima
Avec : Ken Watanabe, Kazunari Ninomiya, Shido Nakamura
Genre : Guerre
Durée : 2h19

 

 

Si Mémoires de nos Pères était un gros budget pour Clint Eastwood (plus de 80 millions de dollars), son pendant japonais n’est qu’une petite production, quatre fois moins chère, presque intimiste. En déroulant le fil de la bataille d’Iwo Jima, le film adopte un point de vue similaire à Sur la Route de Madison, puisque nous découvrons l’histoire à travers la lecture de lettres posthumes. Un ressort classique mais toujours efficace. Si Paul Haggis est toujours aux commandes du script, il est rapidement épaulé puis remplacé par Iris Yamashita qui se charge également de la traduction. Dernier film de Clint Eastwood où la direction artistique est assurée par Harry Bumstead (il décèdera peu après à 91 ans), les fidèles collaborateurs sont toujours présents, parmi une équipe locale, et notamment le directeur photo Tom Stern qui offre ici une image désaturée, tamisée, absolument somptueuse, très éloignée du premier volet. Le travail sur les obscurs offre au film un chromos impressionnant. La mise en scène est, quant à elle, plus inspirée, comme libérée de la contrainte du budget précédent, toujours précise, attentionnée, bourrée d’adrénaline et de haute tension. Tourné en un mois à peine, LETTRES D’IWO JIMA reste constamment à hauteur d’homme. Il ne juge jamais et jette un regard à la fois droit, honnête et plein de compassion pour ces soldats voués au sacrifice le plus délirant et dérisoire. D’une sagesse et d’une universalité qui faisait parfois défaut au premier volet, plus éclaté aussi, le film rejoint les œuvres de Samuel Fuller dans une forme de requiem humaniste. La maîtrise est totale. Le propos n’épargne aucun camp. Qu’importe la barrière de la culture, la gravité et la sobriété l’emportent.

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2008 – L’ÉCHANGE

Titre original : Changeling
Avec : Angelina Jolie, John Malkovich, Michael Kelly
Genre : Drame
Durée : 2h21

 

 

L’ÉCHANGE est un film imbroglio. D’abords parce qu’il repartit bredouille du Festival de Cannes 2008 alors que le Président du Jury, Sean Penn (oscarisé deux ans plus tôt pour Mystic River), n’aura pas su, ou voulu, lui décerner la Palme d’Or, préférant inventer un prix que le récipiendaire ne viendra finalement pas chercher. De fait, si le film reste une œuvre hollywoodienne de très haut niveau, d’une facture irréprochable, avec sa magnifique reconstitution des années 30, sa photographie splendide et son interprétation sans faille (Angelina Jolie, John Malkovitch etc.), le classicisme de l’ensemble pouvait effectivement freiner les ardeurs. Pourtant, en filmant cette histoire si improbable, cette trajectoire vers l’horreur d’une mère courage dont on préféra remplacer l’enfant plutôt que d’avouer son enlèvement, il faut oser plonger dans la noirceur la plus totale. Les pieds devant. En expliquant encore une fois le monde d’aujourd’hui à l’ombre d’un passé peu reluisant que l’Amérique peine aujourd’hui encore à regarder en face, Eastwood peint cette tragédie avec une puissance et une sincérité absolue. Sans en rajouter dans le pathos, le réalisateur se laisse aller à quelques longueurs mais sa mise en scène reste d’une grande efficacité. Cri de colère face à une administration inhumaine, le mélodrame se mélange au thriller avec une admirable fluidité. L’apanage des grands maîtres.

 » Il vous est jamais arrivé de tomber sur un mec qui fallait pas faire chier ? C’est moi. » (Gran Torino)

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2009 – GRAN TORINO

Titre original : Gran Torino
Avec : Clint Eastwood, Bee Vang, Ahney Her
Genre : Drame
Durée : 1h51

 

 

Dernier film remarquable en date avec Clint Eastwood acteur (on exceptera donc Une Nouvelle Chance qu’il tournera par amitié pour son ami producteur Robert Lorenz et qui s’avèrera plus une coda qu’un vrai prolongement), GRAN TORINO pouvait à juste titre être perçu comme l’adieu définitif de l’icône sur grand écran. Après avoir fait disparaître son avatar western dans Impitoyable (1992), il lui restait en effet à sortir du champ son pendant urbain, mélange ici de Dirty Harry (les rumeurs évoquaient d’ailleurs que ce film en serait le dernier épisode) et du Sergent Highway échappé du Maître de Guerre. Un héros  raciste, réactionnaire, voire facho. En jouant le rôle de Walt Kowalski, ancien combattant de la guerre de Corée, Clint Eastwood triture ainsi sa légende, marche en funambule sur l’ambiguïté (une spécialité) et articule la narration du film sur une carrière de plus de cinquante ans, avec quelques a priori solidement accrochés aux groles de ses détracteurs. Véritable kaléidoscope thématique, le film eut été moins fascinant avec un autre comédien. Forcément. Dans les mains de Clint Eastwood, il gagne en profondeur, en non dits, en liberté de ton qui le fait passer de la comédie au tragique sans hésiter ni craindre quoi que ce soit. Formellement sec, impressionnant de densité. En levant un voile de pudeur sur lui-même, il nous montre les nouvelles facettes d’une légende que l’on croyait pourtant connaître par cœur. Avec son personnage de misanthrope à la trajectoire plus complexe que purement hollywoodienne, Clint Eastwood signe une interprétation faisant de chaque moment un plaisir immédiat dans sa relecture filmographique. Si GRAN TORINO tourne autour de lui, comme une psychanalyse en direct, il lui donne également l’occasion d’appuyer sur les thèmes de l’héritage avec un sens de l’artisanat simple et un goût du film testamentaire jamais démenti. Inspiré de bout en bout, GRAN TORINO demeure un requiem bouleversant.

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2009 – INVICTUS

Titre original : Invictus
Avec : Morgan Freeman, Matt Damon, Tony Kgoroge
Genre : Drame, Biopic
Durée : 2h12

 

 

INVICTUS sera souvent raillé pour ses contours un poil naïfs, sa vision trop généreuse des événements contés. En choisissant d’être humaniste sur une mise en scène toujours classique, Clint Eastwood offre le rôle de sa vie à Morgan Freeman, qui compose un Nelson Mandela subtile, ample, d’une émotion à fleur de peau. Pourtant, ce qui passionne le réalisateur reste cette rencontre entre les peuples, ce retour de la sagesse avec un goût de la victoire pour essayer d’enterrer définitivement un apartheid encore tiède. Le sport a ceci qu’il permet de dépasser les simples convictions avec une foi pouvant frôler la folie. Le travail collectif, la ferveur, le rassemblement derrière son équipe qui, partie non favorite, atteindra les sommets avec la conviction d’aller au-delà de l’exploit sportif, vers la reconstruction d’une nation. Dans la réalité tout ne fut pas si simple évidemment. Mais cette histoire, Clint Eastwood nous la montre avec une sobriété, une classe inébranlable. Celui qui doute depuis toujours de la communauté, fait ici un pas de côté. Pour filmer le rugby, c’est une autre affaire. Moins à l’aise, moins intéressé aussi, il ne parvient pas à lui donner le poids dramatique nécessaire. En ressort un film à deux étages, un peu bancal, mais si plein de lumière après des années de suie qu’on lui pardonne beaucoup.

Cyrille DELANLSSAYS

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