En cette semaine du mois d’Octobre 2019 vient de sortir directement en vidéo le dernier film de Brian De Palma, cinéaste que l’on ne présente plus, en fin de carrière et contraint de rechercher des financements du côté de co-productions européennes pour continuer de faire du cinéma. Domino représente sa dernière bataille de perdue envers une industrie qui ne compte plus vraiment sur lui depuis de bien longues années, malgré sa volonté toujours intacte de nous raconter des histoires à travers son atypique point de vue.
Avant de se lancer dans la chronique de l’échec filmique qu’est Domino, inutilement sous-titré « La guerre silencieuse » après avoir été repris en main par les pires instances marketing, il convient de rappeler certains faits qui ont heurté de plein fouet De Palma et son équipe lors de la production du film. Le réalisateur a tout simplement été abandonné par sa production, qui n’a pas su tenir ses promesses de financement, aurait arrêté de payer certains de ses collaborateurs artistiques à mi-chemin, ce qui a eu pour conséquence le retrait d’une éventuelle programmation en festival ou en salles. Il se murmurait que Domino aurait pu atterrir à Cannes ou à Berlin, tout comme le fait que Brian De Palma, désavouant son œuvre, serait parti entre la fin du tournage et le début de la post-production. Ce qui est étrange aujourd’hui, c’est que le film d’une durée de 1h30, comporte une construction classique avec un début, un milieu et une conclusion pour rester prosaïque, et que le nom de son réalisateur est présent partout jusqu’au générique de fin.
Domino ressemble en tout point à un téléfilm. L’image ne convainc pas, certains plans portent encore les stigmates d’une post-production capricieuse (ce qui doit être un euphémisme), la direction d’acteurs est en roue libre totale, aucun comédiens ne parvenant à croire en leurs personnages et le scénario se prend les pieds dans le tapis à causes de facilités aberrantes pour un film qui sort en 2019. On ne peut pas faire la guerre aux terroristes de nos jours en oubliant son arme de service dans sa chambre à coucher.
Domino s’apparente à un téléfilm étrange et souffreteux néanmoins marqué par la patte de son auteur, qui s’auto-parodie malgré lui. Reste quelques fulgurances très De Palmiennes, en surnage au milieu d’une entreprise sabordée.
Oui, mais à un film de De Palma malade. Si les scénarios qu’il filmait dans les années 80-90, souvent faibles, passaient encore à l’époque, c’est parce que le monsieur ne s’en servait que comme d’un prétexte pour que sa mise en scène se déploie et prenne le dessus sur tout le reste. Dès lors qu’il pouvait financer ses propres films, De Palma avait les pleins pouvoirs, d’où un carton « Produced and directed by » au lieu du traditionnel « Written and directed by » sur ses génériques. Aujourd’hui, la faiblesse du script de Domino n’est pas vraiment compensée par l’aspect formel, assez poussif et peu maîtrisé dans l’ensemble. Le grotesque n’est jamais bien loin, à cause des antagonistes caractérisés de manière bien simpliste et cliché et certaines actions se montrent involontairement comiques, à l’image de ce qui va se passer lors d’un grand final qui marque le retour de la séquence « DePalmienne » par excellence, à savoir un ralenti opératique et chorégraphique à suspense.
Quoi qu’il en soit, cette époque où les médias réagissaient avec véhémence à son cinéma est désormais révolue, Domino – La guerre silencieuse étant sorti en DVD et Blu-Ray dans une indifférence et un silence probablement anticipés par son mauvais sous-titre.
Loris Colecchia
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• Réalisation : Brian De Palma
• Scénario : Peter Skavlan
• Acteurs principaux : Nikolaj Coster-Waldau, Søren Malling, Carice Van Houten, Eriq Ebouaney, Guy Pearce
• Date de sortie : 12 Octobre 2019
• Durée : 1h29min



