Il y a trois ans, les frères Spierig nous délivraient une bonne surprise avec Prédestination qui ne manquait ni d’originalité ni de poésie. Dommage que le duo australien n’ait pas fait montre d’autant d’inspiration pour LA MALÉDICTION WINCHESTER.
Il fallait bien que ça arrive un jour ou l’autre ; La maison Winchester, l’une des demeures les plus fascinantes au monde se devait de constituer l’argument d’un film d’épouvante. C’est chose faite à présent que Michael et Peter Spierig ont exploré le mystère dans LA MALÉDICTION WINCHESTER, conscients que le décor de la demeure constituait le principal point fort de leur film. Malgré quelques plans numériques hasardeux pour les extérieurs, il faut reconnaître que nous avons là une fort belle représentation de la maison, enrichie qui plus est, par une direction artistique soignée. Ce décor s’imposant comme une excroissance de la psyché torturée de Sarah Winchester, toute la question est donc de savoir si l’atmosphère des lieux contamine l’esprit humain, ou si ce sont les angoisses et les obsessions des résidents qui déteignent sur les lieux. Voilà bien une thématique typiquement gothique, justement trop consciente de l’esthétique qu’elle doit investir, au point d’accumuler de manière convenue les motifs de la nomenclature habituelle (lampe à pétrole, escaliers grinçants, enfant au teint blafard).
Si d’ordinaire ce type de récit gothique se focalise sur le petit univers clos de la noblesse ou de la grande bourgeoise anglo-saxonne, circonscrit à la propriété familiale, LA MALÉDICTION WINCHESTER prend en compte le monde extérieur quand la problématique des armes à feu vient se mêler au drame clanique. Accompagnant l’histoire américaine, la question des armes à feu devient l’argument principal des culpabilités et des traumatismes, et réussit presque, au détour d’un dialogue ou d’une scène réveillant les vieux démons de L’Oncle Sam, à transporter l’exercice de style trop sage vers des territoires nouveaux. Mais hélas ces éléments empruntés à la réalité ne suffisent pas à faire dérailler le train fantôme paresseux, qui bien qu’il ait préféré un protagoniste psychiatre à un médium, ne s’attarde jamais sur la dimension de drame psychologique de l’histoire.
Dès la première confrontation entre la veuve Winchester et le psychiatre, le parti pris est énoncé. Le temps de présenter la vénérable Helen Mirren sous un voile noir et d’accueillir Jason Clarke à sa table par une pique élégamment tournée, que la scène est déjà terminée. Les conversations suivantes semblent presque autant expédiées, pour ne délivrer que les informations nécessaires à l’intrigue, sans permettre aux personnages d’apparaître réellement touchants, sans laisser le temps à une poésie macabre de s’installer. Le duo de cinéastes australiens se contente de livrer un produit vite consommable et aussi vite oubliable, cantonnant son ambiance et ses idées scénaristiques à un traitement trop convenu et boursouflé d’effets horrifiques des plus éculés.
La maison Winchester fascine les amateurs de lieux insolites depuis plus d’un siècle à cause de son architecture improbable, laissant à penser qu’elle ne sera jamais totalement achevée. L’idée que sa propriétaire ait fait construire des pièces sous l’influence de fantômes, fournissait un argument fantastique des plus prometteurs. Au décor et à l’ambiance globale de la demeure, pouvaient ainsi se superposer des traumatismes divers en fonction des pièces arpentées au fil du récit. La scène du jardin d’hiver investissant le traumatisme du psychiatre, aurait ainsi pu receler la tension et l’émotion culminante du récit, si les Frères Spierig avait fait preuve de subtilité dans leur mise en scène, et s’ils avaient davantage veillé à la structure de leur scénario.
Car LA MALÉDICTION WINCHESTER a beau être un film court, il n’empêche pas pour autant la lassitude du spectateur, surtout dans le dernier quart d’heure où la nature de la malédiction a déjà été dévoilée, où l’intérêt dramaturgique est déjà retombé. Ce final ne consiste qu’au déchaînement spectaculaire de la force démoniaque, donnant dans l’épouvante explicite et numérique sans pour autant afficher la même ambition qu’un James Wan (The Conjuring). On aurait préféré être troublé, apeuré voire mal à l’aise face à une tension psychologique, au lieu d’être constamment chahuté des esprits frappeurs.
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• Réalisation : Michael et Peter Spierig
• Scénario :Tom Vaughan, Michael et Peter Spierig
• Acteurs principaux :Jason Clarke, Helen Mirren et Sarah Snook
• Date de sortie :le 10 mai 2018 en VOD
• Durée : 1h35min