writing on the city

WRITING ON THE CITY, l’Histoire de l’Iran à travers ses murs – Critique

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WRITING ON THE CITY synthétise à travers son approche du graffiti à Téhéran l’histoire contemporaine de la société iranienne. Keywan Karimi apparaît comme un archéologue de l’image qui filme les façades des immeubles tels des vestiges oubliés. S’il est dit que les murs ont des oreilles, on peut aisément affirmer dans le cas de WRITING ON THE CITY qu’ils ont aussi une parole.

Le documentaire s’ouvre sur des images de la révolution de 1979, événement fondateur de l’actuelle république islamique d’Iran. C’est dans ce contexte de révolte populaire que le graffiti apparaît comme un outil majeur de contre-pouvoir, de communication et d’information dans le processus démocratique revendiqué par le peuple iranien. La parole citoyenne s’exprime dans la rue, sur les façades des bâtiments, le débat public et politique prend vie sur les murs de la cité. En exhumant ces images d’archives, Keywan Karimi ressuscite l’histoire populaire et réactive les rêves d’un peuple qui se soulève.

Après la chute du Shah et l’instauration de la république islamique d’Iran, le gouvernement se réapproprie les murs de Téhéran pour y diffuser sa propagande patriotique. A partir de la guerre Iran-Irak (1980-1988) de gigantesques fresques à la gloire des martyrs sont érigées sur les façades des bâtiments. La voix du peuple est très vite étouffée par l’imposante présence de ces peintures teintées de nationalisme exalté sur fond d’iconographie religieuse. Le cinéaste filme les murs de la ville, aujourd’hui envahis par les enseignes publicitaires de la société de consommation qui font de l’ombre aux façades du régime, et fait ressortir dans un jeu de montage certaines contradictions de la société iranienne. Désormais les seuls artistes habilités à peindre les murs de la ville sont des peintres agréés par l’Etat. Et l’on voit fleurir des fresques à la figuration naïve qui renvoie à une représentation d’une société iranienne idéalisée, un imaginaire qui plonge la population dans un dangereux sommeil.

Photo du documentaire Writing on the City

La bouffée d’air du film arrive avec la seconde vague d’images d’archives, celles des mouvements populaires de 2009 alors que le peuple semble se réveiller de longues années de léthargie. La réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad insuffle un renouveau insurrectionnel que le gouvernement s’empresse de réprimer avec une extrême violence. En superposant, dans un jeu de miroir, ces deux événements clés de l’histoire contemporaine du pays, Keywan Karimi met en perspective les aspirations démocratiques du peuple iranien.

Le cinéaste se fait le témoin d’une nouvelle génération qui se réapproprie l’espace public pour délivrer son message. La reconquête s’effectue d’abord par le bas, en réinvestissant les ruines de la vieille ville et les espaces en friche. C’est une image forte, celle d’une jeunesse qui fait naître un nouvel élan politique et démocratique sur les vestiges d’une lutte passée. L’histoire du graffiti à Téhéran c’est l’histoire du rapport de force entre le peuple et le pouvoir en place. Keywan Karimi rappelle à ses concitoyens que celui qui contrôle la parole des murs détient le pouvoir sur la cité.

Photo du documentaire Writing on the City

WRITING ON THE CITY est le devoir de mémoire d’un artiste désireux de regarder en face l’histoire de son pays. En plus d’être ce document d’histoire inédit d’un processus bien trop méconnu, le film est chargé d’une forte fonction politique et sociale. Il y a dans ce documentaire une urgence, une nécessité pour le cinéma d’être le garant de la mémoire. WRITING ON THE CITY nous rappelle, par certains aspects, ce qu’a pu être le cinéma de Chris Marker, Jean-Luc Godard ou encore Alain Resnais. Un cinéma à la visée éducative, comptable de son passé, qui met en mouvement le peuple dans sa société, révolutionnaire.

Hadrien Salducci

L’édition double DVD comprenant Drum et Writing on the City est disponible chez Blaq out.

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Titre original: Neveshtan bar Shahr : Writing on the City
Réalisation : Keywan Karimi
Scénario : Amin Bozorgian
Date de sortie : 2016
Durée : 1h
4
nécessaire

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