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3 JOURS À QUIBERON, la femme derrière le mythe Romy Schneider – Critique

Dans 3 JOURS À QUIBERON, Emily Atef évoque un moment bouleversant de la vie compliquée de Romy Schneider, dans lequel la fiction côtoie la réalité, mais crée aussi la polémique.

Une cure de thalassothérapie n’a pas toujours un effet apaisant et revitalisant. Celle qu’effectue l’actrice Romy Schneider en 1981, quelques mois avant sa mort, intervient à un moment critique de sa vie. Épuisée par son travail, endettée, elle est en instance de divorce avec le père de sa fille et son fils ne veut plus vivre avec elle. La réalisatrice allemande Emily Atef, rencontrée à Bordeaux lors de la présentation de son film, dit que « tous ses films parlent de femmes en crise existentielle« .

3 JOURS À QUIBERON ne fait donc pas exception à ce fil rouge cinématographique, si ce n’est qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle femme, mais de la plus grande star européenne de son époque. Forte d’une quarantaine de films, on ne peut oublier son talent dans La piscine, César et Rosalie, Les choses de la vie, Le vieux fusil ou encore dans son dernier film La passante du Sans-Souci. C’est l’actrice allemande Marie Bäumer, à l’origine du projet en raison de sa ressemblance frappante, qui incarne Romy. La réalisatrice reconnaît d’ailleurs que le tournage n’a pas été de tout repos pour son interprète, qui « a beaucoup souffert émotionnellement tant elle avait peur de ne pas traverser le mythe et de ne pas arriver à toucher cette femme« .Photo du film 3 JOURS À QUIBERON
Le film n’est en aucun cas un biopic. Il relate l’interview que Romy Schneider a accordée pendant sa cure à Michael Jürgs, journaliste du magazine allemand Stern, introduit par son ami photographe Robert Lebeck. Ce dernier a pris 600 photographies à Quiberon, dont une vingtaine a été publiée. Ces photos ont beaucoup touché Emily Atef, car « très intimes, elles ne correspondaient pas du tout aux photos d’une icône avec du maquillage et qui pose, mais montraient une femme qui semble traverser une crise et qui fait tout pour s’en sortir« .

La réalisatrice revendique avoir fait un film « sur la vision de la presse allemande sur Romy, qui voulait être vue en Allemagne pour qui elle est, et son désir de dire une fois pour toutes: Je ne suis pas Sissi, je ne suis pas cette impératrice de 15 ans, je suis une femme de 42 ans, malheureuse et je m’appelle Romy Schneider ». Ce que le film apprend au spectateur, c’est qu’avant cette interview, le public et les journalistes allemands n’avaient pas pardonné à Romy d’avoir quitté son pays après les Sissi Impératrice, qui ont fait d’elle une star. 3 JOURS À QUIBERON montre très bien les différentes approches de l’interview, depuis la méfiance jusqu’à la relation de confiance qui se crée, sans faire l’impasse sur la possible manipulation de la part du journaliste (Robert Gwisdek) pour obtenir les confessions de l’artiste.

Un huis clos passionnant et bouleversant.

La réalisatrice Emily Atef qualifie son film « non de documentaire ou de docu-fiction, mais d’œuvre de fiction honnête et sincère, quintessence de ce qu’on lui a donné« . Et elle s’est en effet inspirée de nombreux matériaux: véritable interview, rencontres avec le photographe -qui lui a donné tous ses clichés- et avec le journaliste -devenu rédacteur en chef du Stern grâce à cette interview.

Pourtant, qui dit œuvre de fiction basée sur des faits réels, dit aussi certaine prise de liberté de la part de la réalisatrice. Car un auteur, pour créer une dramaturgie, ménager un suspense et des rebondissements, est souvent amené à inventer des situations et des dialogues, voire des personnages. Ainsi, la véritable amie de Romy ayant refusé de figurer dans le projet, Emily Atef a créé de toutes pièces le personnage fictif de Hilde (Birgit Minichmayr), amie de sa Romy. Elle la montre protectrice envers Romy, méfiante envers le journaliste, telle son Jiminy Cricket qui ne fait pas partie du show biz. De même, Emily Atef a « rendu le journaliste beaucoup plus antagoniste dans le film, même s’il n’était pas un enfant de cœur ».Photo du film 3 JOURS À QUIBERON
Si 3 JOURS À QUIBERON a très bien été accueilli en Allemagne, récompensé par 7 Lola -l’équivalent des César- le film est pourtant sujet à polémique en France de la part des proches de Romy Schneider, qui s’érigent en gardiens du temple de sa mémoire. Car il donne à voir une femme très vulnérable, sous l’emprise de l’alcool et des médicaments, ce que conteste absolument sa fille l’actrice Sarah Biasini. Cette dernière accuse même le film d’être « malsain et opportuniste avec des choses très mensongères et une volonté de dégrader l’image de sa mère » (Source France Inter).

Même si les années 80 renvoient à une autre époque, voir à l’écran Marie Bäumer en parfait double physique, postural et vocal de Romy Schneider, passer son temps à boire et fumer pourra troubler et même choquer les fans. La réalisatrice, pour qui « ce n’est pas la première fois qu’on voit Romy avec de l’alcool »  se défend pourtant d’avoir « fait un film à charge ou d’avoir manqué de respect à l’actrice et d’avoir eu pour intention de détruire son image« . Alors en effet, on reconnaît que ce n’est pas si facile de prendre de la distance avec certains choix de mise en scène. D’autant que la caméra filme amoureusement son interprète au plus près. On respire quasiment l’air respiré par Romy, on pleure avec elle, on rit avec elle, on souffre avec elle.

La réalisatrice Emily Atef se défend d’avoir « fait un film à charge ou d’avoir manqué de respect à l’actrice et d’avoir eu pour intention de détruire son image« .

Mais n’est-ce pas, après tout, le rôle du cinéma que de bousculer le spectateur, de le faire s’interroger sur la part de vérité et la part d’artifices et de faire naître le doute dans son esprit? Ce parti pris pose même très bien la question de la frontière entre la femme et la femme publique, entre la vie réelle et le mythe. Tous ceux qui la connaissent savent bien que la vie de Romy Schneider a été traversée par de nombreuses tragédies. Et au fond, peu importe de savoir si cette femme meurtrie a vraiment bu plus que de raison. On peut même se demander, 36 ans après sa mort, dans quelle mesure ces révélations désagréables, supposées ou réelles, sont susceptibles d’entacher la réputation de la star et de reconsidérer la valeur de ses rôles ? Ce choix de montrer cette fragilité ne permet-il pas au contraire d’expliquer sa sensibilité de jeu et de la faire descendre de son piédestal, l’humanisant encore plus?Photo du film 3 JOURS À QUIBERON
Cette polémique mise de côté, 3 JOURS À QUIBERON en noir et blanc et en grande partie en allemand est un huis clos passionnant et très émouvant. Le seul moment d’ennui, et même un peu gênant, provient de la trop longue scène du bar, avec Denis Lavant en poète breton éméché qui danse avec l’actrice. Pour le coup, la volonté de la réalisatrice de montrer une Romy généreuse et attachante est un peu exagérée. Quant aux scènes au restaurant avec le serveur qui fait des blagues à Hilde, elles n’amènent pas grand-chose à l’intrigue, si ce n’est faire exister Hilde en dehors de sa relation avec Romy.

Enfin, ce qui rend 3 JOURS À QUIBERON particulièrement intéressant, c’est la façon dont les trois autres protagonistes du film  se retrouvent également transformés à la fin du séjour avec Romy. Hilde parce que Romy et elles ont eu l’occasion de faire le point sur ce qui fonde leur amitié. Robert (Charly Hübner) parce que sa relation de confiance avec Romy est encore plus forte. Et enfin Jürgs, parce que sa rencontre avec Romy lui permet de juguler son opportunisme et de définir son éthique professionnelle. 3 JOURS À QUIBERON est donc un film bouleversant qui rapprochera les spectateurs de cette merveilleuse actrice disparue trop tôt et donnera sans nul doute aux jeunes générations l’envie de découvrir les films de Romy Schneider.

Sylvie-Noëlle

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Affiche 3 jours à Quiberon - 3 JOURS À QUIBERON, la femme derrière le mythe Romy Schneider - Critique
Titre original : 3 Jours à Quiberon
Réalisation : Emily Atef
Scénario : Emily Atef
Acteurs principaux : Marie Bäumer, Birgit Minichmayr, Charly Hübner, Robert Gwisdek
Date de sortie : 13 juin 2018
Durée : 1h55 min
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