Mis en ligne il y a moins d’une semaine par Netflix, 365 DNI est le nouveau phénomène de la plateforme. Et clairement, on aurait préféré que ce film ne voit jamais le jour.
365 DNI est l’adaptation d’un roman érotique qui raconte l’histoire d’amour et de sexe entre Laura (Anne Maria Sieklucka) et Massimo (Michele Morrone), un riche mafieux Sicilien. Si jusque là le long-métrage ne présente aucune originalité, c’était sans compter sur un détail scénaristique — et problématique — puisque Massimo a en réalité kidnappé Laura et la séquestre pendant 365 jours. Si après cette période la jeune femme n’éprouve aucun sentiment pour lui, elle sera libre de retrouver ses proches. Dès lors, 365 DNI se positionne à mille lieux de Fifty Shades of Grey en proposant un film à la gloire de la culture du viol dont l’intrigue est basée sur une relation non consentie. En plus d’offrir des dialogues de qualité médiocre et une réalisation pitoyable, 365 DNI n’a rien d’érotique et pose surtout des problèmes d’un point de vue moral et social.
Le ton est ainsi donné dès les quinze premières minutes du film pendant lesquelles Massimo a déjà forcé une hôtesse de l’air à satisfaire ses besoins sexuels avant de kidnapper Laura. Cinq minutes plus tard, lorsque celle-ci essaie de s’échapper, elle tombe sur Massimo exécutant un criminel qui a fait des affaires dans le trafic humain de jeunes filles mineures — une tentative pitoyable pour tenter de faire paraître Massimo comme une bonne âme. Ainsi, dès que le Sicilien commet une action très clairement répréhensible, le film atténue sa dangerosité en la justifiant moralement. Ce mécanisme illustre une érotisation dangereuse du prédateur sexuel dont le procédé est déjà aidé par le physique avantageux du jeune homme — comme en témoigne les nombreux messages sur les réseaux sociaux de jeunes filles le suppliant pour se faire enlever.
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Car oui, derrière ce scénario lamentable, il ne faut oublier qu’il s’agit ici d’une histoire d’enlèvement, de séquestration et de viol. Dès le départ, Massimo démontre sa domination sur la jeune femme en lui susurrant à l’oreille « qu’il ne fera jamais rien sans sa permission« … une attention délicate qui aurait sûrement pu être plus efficace si au même moment il ne lui touchait pas le sein tout en l’immobilisant. Ainsi, en plus de marquer sa supériorité en l’infantilisant avec un surnom ridicule (« baby girl« ), il n’hésite pas à montrer sa possessivité tel un enfant de cinq ans. Il contrôle ainsi l’apparence de Laura en lui offrant une session shopping dans des magasins de Sicile avant de critiquer les tenues qu’elle porte. Dès lors, chacun des gestes de Laura devient une forme de provocation à ses yeux. Il l’empoigne alors régulièrement mais surtout violemment par le cou ou les cheveux en lui expliquant que ses « pulsions masculines » ne sont que le résultat de ses provocations à elle. Ainsi, comme lui explique Massimo, « quand toute ta vie on t’a appris à tout prendre par la force, il est difficile de réagir autrement. » Illustration parfaite de la culture du viol, ce passage montre surtout le manque d’intérêt total du film.
Avec autant de maturité qu’un enfant encore au stade œdipien tiraillé entre désir libidinal et besoin de possession, Massimo illustre à la perfection les problèmes que pose l’érotisation des prédateurs sexuels au cinéma.
Mais il ne faut néanmoins pas oublier que malgré toutes les qualités précédemment évoquées, le héros va réussir à faire fondre le cœur de Laura. Cet exploit aura peut-être été facilité avec les cadeaux luxueux qu’il lui a fait, car tout le monde sait que les femmes ne sont que des êtres vénaux dont l’amour s’achète avec des Louboutin. Mais cet érotisation du prédateur sexuel et ce syndrome de Stockholm ne posent au fond aucun problème puisque Massimo sauve plusieurs fois la vie de Laura jusqu’à ce qu’un des sauvetages initie une scène de sexe de sept minutes qui ne vaut pas mieux qu’un porno de seconde zone. Et c’est bien là, encore un défaut de 365 DNI car s’il a été vendu comme un film érotique, il n’en est clairement pas un. Les scènes de sexe sont d’un ennui épouvantable et la seule domination présente est celle de l’emprise psychologique de Massimo sur Laura. D’autant plus, que certaines règles régissent le BDSM, à savoir : le consentement et la sécurité.
Ainsi, sous prétexte de réaliser un film érotique/BDSM, les réalisateurs justifient la domination d’un prédateur sexuel et érotisent encore une fois la culture du viol. Il serait facile de critiquer les commentaires précédents en rappelant que ce film n’est qu’une fiction adapté d’un livre érotique. Il est là pour émoustiller les spectateurs et leur faire vivre des sensations fortes… Néanmoins, il n’en est pas moins critiquable, car d’une façon ou d’une autre, 365 DNI reflète une certaine réalité dans laquelle la culture du viol imprègne chaque aspect de notre société et où la domination et la violence sont omniprésentes. Le pouvoir de ces images est d’autant plus important qu’il ne s’agit ici à aucun moment d’un film érotique ou d’un porno mais simplement d’un film psychologiquement violent et manipulateur.
À aucun moment, il est question de consentement. Et encore moins d’un environnement sécuritaire et sain.
Alors qu’un tiers des femmes ont eu mal lors de leur dernier rapport sexuel, qu’est-ce que les jeunes filles vont-elles tirer de ce long-métrage ? Ces actes de soumission et de domination vont-ils être considérés comme des fantasmes d’une sexualité accomplie auxquels elles devront se soumettre ? Et que penser des jeunes hommes qui vont ainsi continuer à apprendre que la violence et le consentement sont négligeables ? Il ne reste plus qu’à souhaiter que les parents et la société fassent leur travail d’éducation afin de sensibiliser un public à la réalité de la sexualité à l’instar de cette fantastique publicité néo-zélandaise :
Sarah Cerange
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• Réalisation : Barbara Bialowas & Tomasz Mandes
• Acteurs : Michele Morrone, Anna Maria Sieklucka
•Date de sortie : 9 juin 2020
• Durée : 114 min