Après l’échec commercial de Valérian : La Cité Aux Mille Planètes, Luc Besson mise sur ce qui a fait son succès et son estime. Femme fatale et indépendante, scènes d’action et défauts récurrents de sa filmographie… Tout y est dans Anna, divertissement un peu daté, sorte de Nikita version URSS.
On a beau dire, la sortie d’un Luc Besson est un événement pour tout le monde. Les admirateurs défendront l’empire du cinéaste-businessman, ses ambitions et son glorieux passé. Et puis les détracteurs ressortiront tous les défauts qu’il accumule. C’est de bonne guerre.
Ils ont, là encore, de quoi s’amuser : son 18e long-métrage s’inscrit dans la lignée Besson tout crachée. Après Nikita, Jeanne D’Arc ou Lucy, voici la petite dernière, une russe, ANNA. Flingues et porte-jarretelles, regard de tueuse et physique de bombe atomique, la jeune femme est une ancienne abusée et une nouvelle enragée. Dans ce milieu peuplé de mâles dominants, les scènes de baise et l’intrigue sous fond d’émancipation féminine façon Besson font partie du jeu. La jeune russe (Sasha Luss) est repérée en pleine rue, devient mannequin à Paris. Très vite le top model se transforme en agent secret. Elle doit enchainer les missions musclées pour retrouver, un jour, la liberté.
Dans la lignée toujours, ANNA est un film par-balles qui a les moyens. L’oeuvre de Besson dégoupille et met tous les efforts de son côté pour tenir en haleine. Comment ? Par l’utilisation faussement maligne des flashbacks et des ellipses. Ça tient la route, Anna est sauvé par son montage. Le spectateur suit le cheminement sans déplaisir.
Mais derrière les guns et ce côté polar si cher au cinéma français traditionnel, un Besson ne serait pas un vrai Besson sans ses lourdeurs, ses clichés, son écriture pas toujours inspirée, et ses invraisemblances qui empêchent de prendre le max de plaisir. ANNA ne déroge pas à la règle, lignée oblige (vous commencez à comprendre)… Le parallèle entre le personnage d’Anna et les matriochkas (poupées russes qui s’emboitent, tout autant que les facettes de l’héroïne se dévoilent) ainsi que l’allusion au jeu d’échec ne semblent qu’être le prétexte d’une narration pas aussi musclée que la plupart des scènes d’action, souvent très réussies. Ce film d’espionnage a donc tout du paradoxe Besson, bon et moins bon à la fois.
On peut, surtout, difficilement s’empêcher de voir en Anna le symbole d’une période difficile pour Luc Besson. Sa société EuropaCorp se porte très mal depuis l’échec commercial de Valérian. L’auteur du Grand Bleu doit maintenir la boutique et ne semble avoir trouvé qu’un seul remède, celui de ressortir les ingrédients qui ont fait son succès et ses vieux lauriers. Pourquoi pas. Il n’est pas le premier cinéaste à faire cela, et souvent le procédé paye.
Pas ici. Luc Besson prend plaisir à faire du Besson mais il sous-estime la vétusté de ce cinéma très années 90. Le style n’a plus de vigueur, le propos peu en phase avec l’air du temps, et certains procédés techniques vus et revus (non, sérieux, les courses poursuite à la Besson, c’est pas toujours la même chose ?). Le réalisateur copie-colle les films actuels (les similitudes avec Red Sparrow et les autres films du genre sont nombreuses) et s’auto-parodie ! ANNA est une machine à remonter le temps : retour 30 ans en arrière, pour revoir à travers le personnage principal celui d’Anne Parillaud. Nikita est une jeune femme repérée par des agents secrets, quand Anna est une jeune femme repérée par des agents secrets.
Seule différence dans ce faux-remake, les renseignements français sont remplacés par le KGB. Ajoutez à cela des airs de Milla Jovovich par-ci, des allures de Scarlett Johansson par-là… et voilà un Besson qui rassemble les vieux morceaux dans l’espoir que son nouveau produit de la marque EuropaCorp fonctionne. A moins qu’il n’essaye de faire d’ANNA l’aboutissement de son cinéma ? Une synthèse de son œuvre ? Quoi qu’il en soit, le spectacle perd en qualité, gagne en prévisibilité, n’a de réelle authenticité.
Alors, comment faut-il définir ce ANNA ? Un divertissement d’action qui remplit le cahier des charges sans atteindre les sommets. Un film qui, au final, parle surtout aux admirateurs : l’essentiel est sauvé.
Yohann Sed
• Réalisation : Luc Besson
• Scénario : Luc Besson
• Acteurs principaux : Sasha Luss, Cillian Murphy, Luke Evans, Helen Mirren
• Date de sortie : 10 juillet 2019
• Durée : 1h58min