Photo du film BABYGIRL
Crédits : A24

BABYGIRL, le sadomasochisme pour s’émanciper – Critique

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Tailleur rose, chignon impeccable, joues botoxées… L’apparence de Romy Mathis est à l’image de sa vie : tirée à quatre épingles. Cette PDG accomplie mène sa vie d’une main de fer. Un contrôle qui semble lui échapper face à Samuel, le nouveau stagiaire. Il est séduisant… et terriblement sûr de lui.

La néerlandaise Halina Reijn s’empare du genre stigmatisé de l’érotisme, signant une œuvre sur le désir féminin. Et la difficulté de l’exprimer dans une société qui exige une certaine perfection. C’est encore pire pour notre héroïne, supposée être un modèle pour ses pairs. Elle est la femme qui a réussi, celle qui a su s’imposer dans le milieu si masculin de la robotique. Mère de famille attentionnée, brillante cheffe d’entreprise, épouse aimante… Son excellence lui colle à la peau. Tout va pour le mieux. Alors pourquoi ces pensées sombres ne la quittent pas ?

Prisonnière de sa perfection

Voilà comment Romy perçoit ses fantasmes : comme des parasites qui envahissent son esprit. Elle n’a jamais su se laisser aller. Son contrôle s’exerce jusque dans le lit conjugal, où elle se couvre le visage par peur d’être vue en train de gémir. Idem quand elle énonce ses désirs à son mari, enfouie sous la couette.

Nicole Kidman livre une performance d’une rare intensité. L’actrice impressionne jusque dans ses orgasmes, joués dans une palette d’émotions nuancées. Le spectateur peut ainsi reconnaître ceux qui relèvent de la feinte ou du réel plaisir. Culpabilité et extase se mêlent dans ses cris rauques, presque bestiaux, quand elle atteint le nirvana pour la première fois. Un rôle qui lui a valu la Coupe Volpi à la dernière Mostra de Venise.

Aussi tendre que torride

Face à elle, Harris Dickinson excelle en stagiaire aussi innocent que dangereux. « Vous aimez que l’on vous dise quoi faire », lance-t-il lors d’un rendez-vous strictement professionnel. Les seuls gestes de Samuel suffisent à montrer son ascendance : sa manie de couper la parole, d’être celui qui initie les conversations, de mâchouiller son chewing-gum sans gêne… Ce n’est pas tant son corps que ce qu’il représente qui fait soupirer notre héroïne. Le jeune homme incarne la prise de risque. Coucher avec un stagiaire pourrait bien ruiner la carrière de Romy. C’est cet enjeu-là qui fait frémir notre PDG.

Le pouvoir que Romy lui remet est immense. Le garçon se prend rapidement au jeu, comme en témoigne son sourire en la voyant se soumettre pour la première fois. Pourtant, Samuel ne semble pas vouloir en abuser. Encore moins lui faire du mal. L’ambiguïté sur ses intentions est cultivée jusqu’au bout.

Pas question d’en faire un Christian Grey, encore moins un Casanova. Il est jeune, et ça se voit ! Lui-même semble aller à tâtons dans cette relation. Comme lorsqu’il propose à Romy de se mettre à genoux, avant d’éclater de rire. Le sadomasochisme, ils n’y connaissent rien. Alors ils essaient, quitte à se mettre dans des situations parfois incongrues. Une maladresse aussi drôle que touchante.

Un rythme effréné

Halina Reijn reflète le chaos intérieur de Romy par un montage effréné. Une femme insaisissable, dont la silhouette parfaite traverse les couloirs à grandes enjambées – toujours un rendez-vous ou un mail auquel répondre. Les scènes courtes – dîner en famille, réunions, ébats – s’enchaînent dans un rythme frénétique, brouillant les lignes entre privé et professionnel.

Des scènes de vie accompagnées d’une bande originale sulfureuse, semblables à des râles ou des gémissements. Des morceaux qui ne sont pas seulement associés aux moments de plaisir, mais aussi aux gestes banals, comme une preuve de l’omniprésence de la sexualité dans sa vie. Et, plus généralement, du lâcher prise. Car BABYGIRL n’est pas la romance érotique annoncée. C’est avant tout l’histoire d’une femme qui se libère des carcans. Qui apprend à danser, à jouir, à vivre… comme elle l’entend.

Lisa FAROU

Auteur·rice

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