Photo du film BABYSITTER
Crédit : Bac Films

BABYSITTER, déconstruire et reconstruire – Critique

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Comédie grinçante dans un huis-clos familial poétique, BABYSITTER bouscule autant les codes de la narration que les représentations de la femme à l’écran.

Sélectionné au prestigieux festival de Sundance, primé au Monte-Carlo Film Festival… Le moins que l’on puisse dire, c’est que BABYSITTER était attendu au tournant. D’autant que Monia Chokri, sa réalisatrice, avait déjà remporté le prix Coup de cœur du jury dans la section Un certain regard à Cannes pour son premier long-métrage, La femme de mon frère, en 2019. Un profil prometteur, donc. Trois ans plus tard, Monia Chokri continue, avec BABYSITTER, de questionner la posture de la femme au sein de la société québécoise, sous l’angle de la comédie.

Photo du film BABYSITTER
Crédit : Bac Films

Adapté de la pièce éponyme de Catherine Léger, BABYSITTER raconte d’abord une blague devenue virale. Lorsqu’un jeune père de famille embrasse par surprise une journaliste sportive en direct à la télévision, tout le Québec s’emballe et partage la vidéo sur ses réseaux sociaux. Ce simple gag aurait pu passer pour anodin dans bon nombre de réalisations. Or, le principal intéressé se voit accusé d’agression et, acculé par sa hiérarchie, l’homme est mis à pied pour plusieurs semaines. Dès son introduction, BABYSITTER prend ainsi son spectateur à revers et le bouscule dans ses habitudes.

Comédie ou film noir ?

Soyons honnêtes. On les a vus, ces énergumènes éméchés, bousculer et embrasser des journalistes féminines. On en a ri. Longtemps, à chaque bêtisier. On a cru en rire encore. En fait, pas du tout. BABYSITTER installe une gêne dès la réaction de la journaliste. Elle s’exclame : « Non ! », choquée, une détresse réelle dans le regard. On le note, mais on pense rien n’en faire, puisque le personnage principal s’en esclaffe grassement avec ses collègues le lendemain. En réalité, non. Fini de rire. L’heure est à la déconstruction. Masculine, autant que stylistique. Car nombre d’éléments, dans BABYSITTER, tendent à questionner les attentes que l’on nourrit inconsciemment vis-à-vis des personnages féminins.

Photo du film BABYSITTER
Crédit : Bac Films

Pour ce faire, Monia Chokri se sert à dessein des codes de l’épouvante et du cinéma d’exploitation. En introduisant un élément perturbateur au sein de la cellule familiale, Amy, la babysitter du titre, elle fait écho à tout un vivier d’œuvres où ce jeune personnage peut se muer en un objet de désir, une victime ou un danger. Encore une fois, on s’y attend. On s’y attend d’autant plus que la mise en scène réfère tour à tour au thriller, au slasher, au film d’horreur fantastique, pour soudain rebasculer vers la comédie arty expérimentale. En réalité, Amy n’est ni un fantasme, ni de la chair à boogeyman, ni une sociopathe.

Conte de fée onirique

En effet, la babysitter vient ici servir, non pas l’enfant, mais la mère. Cette personne en toile de fond que l’on avait presque oubliée… Entre les agitations du père, occupé à se questionner sur sa misogynie intrinsèque, et celles du frère, en quête de gloire, et prêt à endosser n’importe quel combat pour susciter la sympathie. Contrairement à ce que nombre de récits paternalistes nous ont inculqués, ils ne sont pas les personnages principaux. Et Amy est une fée, introduite aussi par un visuel fantaisiste, un rien surréaliste, dans un film à l’esthétique léchée.

Photo du film BABYSITTER
Crédit : Bac Films

Car BABYSITTER se révèle effectivement sublime. La composition des plans y est si soignée, que l’on pourrait encadrer des dizaines de ses images pour les accrocher au mur. Le film emprunte également beaucoup aux représentations des contes de fée, toutes en couleurs tendres et halos de lumière. Mélangé au référentiel de l’horreur, BABYSITTER raconte ainsi un féminin plus complexe que d’ordinaire. Une douceur amère que finit par entrevoir l’homme. Qui comprend que tout ceci le dépasse et qu’il gagnera davantage à demeurer à sa place. Une inversion des genres subtilement amenée, dans une comédie grinçante et inventive, comme l’époque en avait cruellement besoin.

Lily Nelson

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Titre original : Babysitter
Réalisation : Monia Chokri
Scénario : Monia Chokri, Catherine Léger
Acteurs principaux : Patrick Hivon, Monia Chokri, Nadia Tereszkiewicz
Date de sortie : 27 avril 2022
Durée : 1h27min
3.5
Belle expérience

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