Un enfant séquestré dans un sous-sol communique avec des esprits via un téléphone hors d’usage. Dans ce huis clos palpitant, le réalisateur de Sinister réaffirme son talent pour l’horreur.
Si la carrière de Scott Derrickson compte des projets variés, comme le remake du Jour où la terre s’arrêta en 2008, voire le blockbuster Doctor Strange en 2016, le réalisateur s’est avant tout illustré dans le cinéma d’horreur, avec notamment Sinister et Délivre-nous du mal. Attendu sur ce terrain depuis plusieurs années, 2022 marque son grand retour avec BLACK PHONE. Le film se base sur une nouvelle de Joe Hill, fils cadet de Stephen King, auteur déjà adapté en 2008 par Alexandre Aja dans Horns et en 2019 par Vincenzo Natali dans Dans les hautes herbes.
Summer of 2022
Adapter BLACK PHONE au cinéma n’était pas nécessairement chose aisée, puisque le récit comprend de nombreuses phases où Finney, l’enfant séquestré au sous-sol par un tortionnaire, se trouve seul sans agir dans cet endroit sombre et humide. Toutefois, malgré une première partie quelque peu longuette, le film décolle et nous plonge dans un état de stress latent où les jumpscares s’enchaînent, mais non sans talent. Bien que l’intrigue manque parfois d’enjeux… Car les esprits au bout du fil offrent au protagoniste l’opportunité de déjouer les pièges tendus par son bourreau.
BLACK PHONE fait tout de même preuve d’audace et ose nous confronter à des images d’enfants saignés, frappés ou torturés – un tabou pourtant bien hollywoodien. Le film emploie malgré tout la violence avec parcimonie et parvient ainsi à la rendre d’autant plus frontale. Situé à la jonction entre les années 70 et 80, l’univers déployé se distingue de l’ambiance nostalgique d’un Stranger Things pour référer à un contexte de banlieue pavillonnaire plus réaliste – à la manière d’un Summer of 84. Auquel on ne peut s’empêcher de penser, tant les thématiques explorées s’avèrent effectivement proches.
Nostalgique… Ou pas
Sur ce point, le film est d’autant plus intéressant qu’il n’idéalise pas cette époque révolue. En effet, la violence n’est pas l’apanage de l’antagoniste principal, interprété par un Ethan Hawke plus terrifiant que jamais. Au contraire, les scènes les plus sanglantes et les plus brutales surgissent entre les enfants eux-mêmes, dans leur quotidien, à l’école, comme au sein de la cellule familiale. Car, puisqu’il est nécessaire de le rappeler, au début des années 80, la brutalité était davantage banalisée et les services sociaux, moins alertes quant aux violences sur mineurs. Il faut dire aussi que l’époque était moins prompte au sensibilisme qu’aujourd’hui – pour le meilleur, comme pour le pire.
BLACK PHONE se distingue ainsi par son ambiance. Bien qu’il surfe sur la vague rétro-nostalgique actuelle, il en nourrit un autre versant, moins usité et plus sombre. Au sous-sol, les murs sont austères, l’air sensiblement humide et ce fameux téléphone noir, qui sonne sans être relié au courant, glace nos sangs à chacun de ses appels d’outre-tombe. Si la photo semble commune à bon nombre des productions actuelles de Blumhouse, BLACK PHONE se détache néanmoins du lot et constitue ainsi le parfait film d’horreur estival. D’autant plus rafraîchissant qu’il offre à Ethan Hawke l’un de ses meilleurs rôles dans l’exercice du genre.
King junior
Le film n’en devient pas un chef-d’œuvre pour autant. Il ne s’agit aucunement de l’œuvre la plus marquante de son réalisateur, ni même d’une adaptation remarquable. En effet, le scénario se contente de reprendre stricto sensu le déroulé de la nouvelle. Laquelle ne figure d’ailleurs pas parmi les plus grandes fulgurances de son auteur. D’une manière générale, Joe Hill souffre inéluctablement d’être le fils de son père et de s’illustrer dans le même genre littéraire – quitte parfois à singer le style de son aîné. Toutefois, malgré ses ficelles apparentes, BLACK PHONE demeure appréciable et ravira les amateurs de films d’horreur, comme de thriller.
Lily Nelson
• Réalisation : Scott Derrickson
• Scénario : Scott Derrickson, Joe Hill
• Acteurs principaux : Mason Thames, Madeleine McGraw, Ethan Hawke
• Date de sortie : 22 juin 2022
• Durée : 1h43min