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CAMILLE, au cœur du conflit – Critique

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Le long métrage de Boris Lojkine, CAMILLE, est à voir absolument. Pour son sujet et pour l’interprétation remarquable de Nina Meurisse, qui a gagné le Valois de l’actrice – ex-aequo – au Festival du Film Francophone d’Angoulême.

On a pris une sacrée claque avec CAMILLE, le quatrième long métrage de Boris Lojkine, coécrit avec Bojina Panayotova. Le réalisateur s’est brillamment emparé de l’histoire de Camille Lepage, jeune femme photojournaliste morte en 2014. Il plonge d’emblée le spectateur dans la zone de conflit et de guerre civile de Centrafrique, entre 2013 et 2014. La première scène commence par la découverte par des soldats français à l’arrière d’un pick-up de cinq corps sous des bâches, d’où dépassent les pieds. Un corps blanc parmi quatre corps noirs. Un corps de femme aux ongles vernis de rouge parmi quatre corps d’hommes. Cette scène d’ouverture est symbolique de ce que fût vraisemblablement cette jeune femme intrépide, présentée comme autant éprise d’idéal qu’inconsciente d’avoir voulu approcher de trop près son sujet.

Photo du film CAMILLE
Crédits : Pyramide Distribution

Le réalisateur évite avec adresse l’écueil du simple hommage, d’autant qu’il a reçu, comme il l’a expliqué lors de la présentation de son film en présence de la mère de Camille, la totale confiance de la famille. Boris Lojkine met donc en scène une jeune femme qui, grâce à ses photos, veut témoigner de la guerre civile dans un pays qu’elle s’est prise à aimer de toute son âme. Car Camille ne peut s’empêcher de s’attacher à ses sujets, de créer des liens d’amitié. Elle est incapable de prendre de la distance émotionnelle, comme le lui conseillent pourtant ses collègues journalistes masculins sur le terrain (Bruno Todeschini, Grégoire Colin, Augustin Legrand).

L’objectif de l’appareil photo devrait être une barrière, une protection face à la violence et la mort. Mais pas pour Camille. Car elle a compris que son travail et ses photos, qui sont d’ailleurs les originales insérées dans le film, n’en sont meilleurs que si elle est au cœur de son sujet et qu’elle y met tout son cœur.

Grâce à Nina Meurisse qui incarne Camille de façon remarquable, Camille est un film rare d’une grande force, dont le curseur d’émotions est au maximum.

Car CAMILLE, c’est une magnifique histoire de cœur dans laquelle le spectateur est embarqué, sous tension du début à la fin. D’autant que le réalisateur, par ailleurs documentariste qui connait très bien l’Afrique, a réussi une reconstitution d’une grande qualité des faits, des manifestations, du foisonnement et des exactions, mêlant judicieusement des images d’archives.

Rarement un film traitant de ce sujet en Afrique nous a plongé à ce point dans l’horreur, les corps, la mort, le sang, les mouches, l’odeur. Il rend la peur palpable. En abordant l’éthique du journaliste et du bon dosage entre témoignage objectif et implication et prise de position personnelles, CAMILLE rappelle à bien des égards le travail et les errements du journaliste en zone de guerre dans les deux films d’animation Another Day of life et Chris the Swiss.

Photo du film CAMILLE
Crédits : Pyramide Distribution

Le film ne fait aucunement l’impasse sur le fait que la jeune femme, qui n’avait décidément pas froid aux yeux, a pris des risques inconsidérés. Notamment dans une scène surréaliste au milieu de tous les combattants. Peut-être par ego ? peut-être pour prouver à ses collègues masculins qu’elle était, comme eux, légitimes et à la hauteur ? peut-être pour pousser les africains à dépasser leurs préjugés sur le fait qu’elle soit blanche ? peut-être pour l’adrénaline ? En raison des liens forts créés avec les protagonistes, elle s’est retrouvée, presque malgré elle, manipulée et poussée à choisir un camp et à perdre de fait l’objectivité indispensable à son travail.

Le film montre parfaitement ce moment de prise de conscience de son basculement, mais il est trop tard. Tête brûlée jusqu’au bout, dépassée par ce qu’elle voit, elle assiste impuissante aux meurtres par balle ou machette. Devenue presque malgré elle l’une des leurs, elle en a payé le prix. Grâce à Nina Meurisse qui incarne Camille de façon remarquable – on lui prédit une nomination aux César- CAMILLE est un film rare d’une grande force, dont le curseur d’émotions est au maximum.

Sylvie-Noëlle

Note des lecteurs6 Notes
Titre original : Camille
Réalisation : Boris Lojkine
Scénario : Boris Lojkine, Bojina Panayotova
Acteurs principaux : Nina Meurisse, Grégoire Colin, Bruno Todeschini
Date de sortie : 16 octobre 2019
Durée : 1h30min

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FARIALA RAFIKI
FARIALA RAFIKI
Invité.e
27 août 2019 20 h 08 min

Bravo au réalisateur, qui part son courage, son humilié, son amour pour L’Afrique est venu tourner ce film loin de chez lui et surtout sous soleil dans un pays qui vient de sortir de la crise. Merci pour ces images que nous Centrafricains, nous nous identifions. Toutes mes félicitations encore et encore, que le film remporte encore des prix et des prix pour son travail.

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