Perdu depuis quelques années, Spike Lee fait son retour par la grande porte avec une présence en Compétition Officielle au 71ème Festival de Cannes.
BLACKKKLANSMAN raconte l’histoire vraie et folle de Ron Stallworth (John David Washington, une révélation), un policier afro-américain ayant réussi à infiltrer une cellule du Ku Klux Klan avec l’aide de son coéquipier juif, Flip Zimmerman (Adam Driver, excellent). Le plan voulait que le deux ne forment qu’une seule et même personne. Pendant que Ron communiquait avec eux au téléphone, Flip était sur le terrain pour prendre la relève. Le but de cette enquête était de savoir ce que pouvait préparer ce groupuscule.
Engagé depuis toujours contre le racisme anti-noir, Spike Lee trouve un nouveau sujet pour continuer son combat. Il le fait via le prisme de la comédie dans un buddy movie qui passe son temps à se moquer des suprémacistes blancs. Spike Lee les montre sous leur pire jour, caricaturés au possible, débiles. Ce qui donne lieu, il est vrai, à quelques moments efficaces comme lorsque le vrai Ron est chargé d’assurer la sécurité de David Duke, grand manitou de la secte. Mais cet aspect comique semble ne pas suffire à un Spike Lee qui ne peut s’empêcher de surenchérir avec des phases totalement premier degré où il expose clairement ses revendications de manière pas très fine. La grosse scène qui met en parallèle une réunion suprémaciste et une autre menée par un leader noir est un procédé un peu trop irrécusable pour nous satisfaire cinématographiquement. Spike Lee emprunte une voie tellement évidente que l’on se demande s’il est toujours aussi vigoureux pour porter ses contestations à l’écran.Il avait pourtant sous la main une conclusion habilement pessimiste, où l’équipe de choc se voit retirer de l’affaire malgré leur réussite, parce que les hautes autorités l’ordonnent. Spike Lee avait tout dans cette scène pour nous faire comprendre que cette petite bataille n’était qu’une étape minime du grand combat à mener contre l’implantation massive de suprémacistes dans toutes les sphères de la société américaine. Mais, voilà, encore une fois, pour être sûr que son message passe, il se sent obligé d’en remettre une couche avec des images d’archives de notre époque, montrant que le combat est encore en cours. Comme s’il ne nous faisait pas confiance pour comprendre la gravité du problème, pour faire le lien avec notre époque. On avait déjà bien saisi durant tout ce qui précédait, et en particulier avec son introduction qui se joue de Trump, que BLACKKKLANSMAN faisait écho à bon nombre d’événements contemporains.
Visiblement en manque d’inspiration et d’inventivité pour servir la noble cause qu’il défend, Spike Lee tombe dans le piège de la facilité. Ni à fond une comédie (tout ce qui entoure les moments drôles est guère intéressant), ni très stimulant sur le plan formel, BLACKKKLANSMAN fait passer son message en force et empêche au sujet de déployer toute sa puissance cinématographique.
Critique publiée le 17 mai 2018 lors de la projection au Festival de Cannes
Maxime Bedini
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• Réalisation : Spike Lee
• Scénario : Spike Lee, Charlie Wachtel, David Rabinowitz, Kevin Willmont, d'après l'œuvre de Ron Stallworth
• Acteurs principaux : John David Washington, Adam Driver, Laura Harrier
• Date de sortie : 22 août 2018
• Durée : 2h08min