Les reproches faits à Hollywood sur le manque d’inventivité en matière de blockbuster sont réguliers. Sans juger de la qualité des films, on note une fâcheuse habitude à aller chercher depuis plusieurs années du côté des vieilles sagas à rebooter (Jurassic World, Terminator Genisys), des œuvres littéraires à succès (Hunger Games, Divergente, Le Labyrinthe) et des innombrables super-héros issus de comics (à venir Les 4 Fantastiques, Ant-Man). A LA POURSUITE DE DEMAIN se démarque alors au moins par son scénario original.
Un scénario tout de même imaginé à partir d’une des sections du parc Disneyland, Tomorrowland (titre original du film), qui consiste à présenter une vision du futur au public. Une idée de base relativement mince dont les scénaristes Brad Bird (aussi réalisateur du film), Damon Lindelof et Jeff Jensen (collaborateur sur le scénario) ont su tirer une histoire passionnante et créer une grande aventure cinématographique.
Casey (Britt Robertson), une adolescente brillante et optimiste, douée d’une grande curiosité scientifique et Frank (George Clooney), un homme qui fut autrefois un jeune inventeur de génie avant de perdre ses illusions, s’embarquent pour une périlleuse mission. Leur but : découvrir les secrets d’un lieu mystérieux du nom de Tomorrowland, un endroit situé quelque part dans le temps et l’espace, qui ne semble exister que dans leur mémoire commune… Ce qu’ils y feront changera à jamais la face du monde… et leur propre destin !
Le premier pari osé, et réussi, de Brad Bird est d’assumer entièrement les origines de son projet. En effet le réalisateur s’est réapproprié l’un des parcs Disneyland pour y tourner plusieurs séquences. Allant même jusqu’à faire, dans son film, de l’attraction It’s A Small World l’un des lieux permettant de voyager dans un futur qu’on pourrait supposer parallèle. Faire donc du parc Disney lui-même un lieu magique que les visiteurs ne soupçonnent pas. Allant ainsi au-delà du simple clin d’œil, le réalisateur réinjecte tout au long de son film des éléments d’un imaginaire collectif, donnant le sentiment au spectateur de voyager à travers le temps, l’espace, mais aussi le cinéma. Car l’univers Disney est loin d’être l’unique référence qui vient à l’esprit. Avec des robots tueurs, un futur annoncé en danger, une quête vers un monde meilleur et l’importance de garder espoir, on voit Brad Bird piocher (volontairement pour certaines, peut-être moins pour d’autres) du côté de Terminator et Matrix, d’A.I. Intelligence Artificielle et de Minority Report, voir même de Toy Story et bien d‘autres.
Sans oublier une musique parfaitement composée par Michael Gioacchino (Star Trek Into Darkness, Jupiter : Le Destin de l’univers, Vice Versa) qui évoque autant Star Wars, dont Brad Bird refusa de réaliser l’épisode sept à venir en raison de son engagement sur A LA POURSUITE DE DEMAIN, qu’Indiana Jones. Deux autres références qui constituent l’âme du film.
D’une mise en avant de décors issus de l’univers de Star Wars dans un magasin le temps d’une séquence, à l’évocation constante du chapeau d’Indiana Jones par la casquette portée fièrement par Casey, sans oublier le sauvetage d’une explosion à l’aide d’une baignoire histoire de taquiner Indy et son frigo (Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal). Les hommages à ces deux sagas sont nombreux et jouissifs. Le film les réutilise pour nous (se) faire plaisir mais sans tomber dans la facilité ou le clin d’œil bateau. Car l’esprit d’aventure et de découverte est avant tout la base du scénario, dont l’héroïne Casey, incarne le goût du risque. L’ambiance générale et l’univers créés deviennent ainsi parfaitement cohérents, formant un tout fascinant.
À LA POURSUITE DE DEMAIN porte vers l’optimisme, l’enthousiasme et le rêve. Une belle surprise, une vraie réussite.
Pour porter cette aventure, la jeune Britt Robertson se révèle au grand public avec brio. L’actrice capte l’attention par son naturel délicieux d’adolescente constamment surprise par le cours des événements, avec des mimiques et une expression corporelle hilarantes. La jeune fille apporte un vent de fraîcheur. Tout en étant l’héroïne, Casey ne fait pas pour autant d’ombre au reste de ses compagnons. Chose surprenante mais pour le moins agréable et notable. C’est là que Brad Bird se montre malin. En prêtant suffisamment d’attention à chaque personnage il crée tour à tour des duos efficaces. Des personnages riches et plus complexes qu’on ne l’imaginait permettant aux acteurs d’offrir davantage. Il y a Casey et Athena (dont on ne révélera pas le rôle dans l’histoire) qui passeront de la violence et la peur à la tendresse et la compréhension. Frank et Casey, les deux fortes têtes, qui amusent par leurs joutes de dialogues qu’ils se renvoient façon ping-pong. Mais surtout entre Athena et Frank, il y a une relation étonnante et pleine d’émotion dans laquelle George Clooney offre beaucoup de lui-même. Quant à la très jeune Raffey Cassidy (Athena), elle impressionne, parvenant à attendrir et à transpercer l’écran d’un simple regard. La complicité entre nos trois héros se ressent à l’image et fait en grande partie la force d’A LA POURSUITE DE DEMAIN.
A cela s’ajoute un rythme excellent, jonglant entre séquences dynamiques et scènes d’actions maîtrisées, notamment grâce à une esthétique impeccable et des décors imaginatifs, et des passages calmes et explicatifs où l’humour prend place (encore une fois en grande partie grâce à la géniale Britt Robertson). A LA POURSUITE DE DEMAIN convainc en tous points. Evidemment l’aspect grand public est indéniable mais on ne bascule pas pour autant dans une œuvre enfantine. Le film aurait également pu finir en vulgaire outil publicitaire voué à promouvoir les parcs de l’empire Disney en invitant le public à y poursuivre l’aventure. Seulement Brad Bird a su aller au-delà de cela en y mettant sa personnalité et en incluant son regard sur le monde de notre époque. Un aspect écologique sur l’avenir de la Terre en trame de fond plutôt pertinent. Jusqu’au bout le réalisateur nous porte vers l’optimisme, l’enthousiasme et le rêve et fait d’A LA POURSUITE DE DEMAIN une belle surprise, une vraie réussite.
Pierre Siclier