« Les vivants ne peuvent rien apprendre aux morts; les morts, au contraire, instruisent les vivants », disait Chateaubriand admirant l’écume blanche sur les rochers de Saint Malo. Dans le dernier film de Clint Eastwood il est question de la mort, la notre, celle des être chers et plus précisément du rapport des vivants avec l’au-delà. Alors lorsque le cinéaste américain octogénaire fait un film sur ces thèmes, on pourrait penser à une sorte de film testament. Mais c’est vraisemblablement loin de ses préoccupations. Le film reprend les thèmes de la mort et de la vieillesse présents dans Gran Torino, même déjà dans Impitoyable, traversant en fait son œuvre depuis toujours.
L’intrigue se découpe en trois parties: l’une à Paris auprès d’une journaliste française survivante du tsunami en Thaïlande, l’autre dans un quartier défavorisé de Londres où le jeune Marcus perd son frère jumeau et enfin la dernière à San Francisco avec George qui est capable de communiquer avec les morts. Clint Eastwood ne s’intéresse au fond que très peu à l’au-delà, on voit quelques images avec des spectres, lumières blanches et chuchotements dont on se serait aisément passé. Il ne s’agit pas non plus de convaincre de l’existence d’une vie après la mort ou de s’orienter vers le mysticisme mais simplement de montrer les fantômes intérieurs de chacun.
Ces trois destins sont tous en marge de la société, coupés des relations familiales, amoureuses, ou professionnelles. Nous faisons connaissance avec ces gens à mesure qu’ils interviennent et rapidement se détache le personnage de Matt Damon. C’est sans aucun doute la partie la plus réussie car la plus eastwoodienne. L’idée est très belle de montrer cet homme, vivant son don comme une malédiction et se refusant au monde, passant ses soirées à écouter Charles Dickens. Les décors reflètent les sentiments intérieurs des personnages et l’appartement de George, sobre et un tantinet austère est la métaphore de son esprit prisonnier et inquiet. Le cinéaste porte toujours beaucoup d’attention à la lumière, et l’on retrouve une atmosphère étrange et sombre même si l’on n’atteint pas la perfection de Mystic River.
La partie parisienne est moins réussie car peu crédible, surtout le passage où Cécile de France propose à ses éditeurs l’écriture d’un roman sur Mitterrand. On sent des faiblesses du scénario, mais la mise en scène fait parfois contrepoids, notamment grâce à l’ouverture impressionnante du tsunami ou encore avec une séquence de drague savoureuse.
Au-Delà n’est pas le meilleur ni le pire film d’Eastwood, supérieur à Invictus qui était empreint d’un sentimentalisme trop consensuel, il manque depuis quelques temps à « L’homme de nulle part » cette cruauté qui lui va si bien. Alors on espère que la prochaine fois, il sera plus radical et que l’on retrouvera enfin l’auteur de Minuit Dans Le Jardin Du Bien Et Du Mal.
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