Un parrain de la pègre est assassiné par un homme en cape noire. Le nouveau procureur Arthur Reeves accuse Batman. Désormais traqué, Batman enquête pour retrouver le véritable meurtrier. Mais dans le même temps, Bruce Wayne retrouve aussi une ancienne petite-amie, Andréa Beaumont, dont le père fut autrefois mêlé aux affaires des gangsters tués. L’occasion pour le chevalier noir de replonger dans son passé, à l’époque où il faillit renoncer à devenir un justicier…
Note de l’Auteur
[rating:8/10]
• Date de sortie : 25 décembre 1993
• Réalisé par Eric Randomski et Bruce Timm
• Film Américain
• Avec Kevin Conroy, Mark Hamill, Dana Delany, Hart Bochner, Abe Vigoda, Stacey Keach
• Durée : 1h16min
• Titre original : Batman : Mask of the Phantasm
• Bande-Annonce :
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=8Wv2FitL0Aw[/youtube]
Si vous êtes un mec et que vous avez entre 20 et 30 ans, vous avez forcément déjà pris votre goûter en regardant Batman pendant votre jeunesse. Probablement sans comprendre tout ce que les scénaristes y avaient mis, mais ça c’est normal. En revanche, il y a des chances pour que vous soyez passés à côté du long-métrage que la Warner a produit en réaction au succès public et critique énorme de la série.
Parce que ce qu’on a trop souvent tendance à oublier, c’est que si les épisodes de Batman étaient destinés aux enfants, ils étaient écrits par des adultes, des gens qui avaient bien en tête la complexité du personnage qui était entre leurs mains et qui, surtout, n’ont jamais perdu de vue la profondeur que lui avaient insufflé leurs prédécesseurs. En effet, Batman : Mask of the Phantasm (je préfère le titre en VO) sort en 1993 et l’équipe à laquelle le projet est confiée a donc une pression monstre sur les épaules : elle passe après Alan Moore (The Killing Joke), Frank Miller (The Dark Knight Returns et Year One), Grant Morrison (Arkham Asylum) et Tim Burton (avec ses 2 films), le saint-quatuor qui a donné ses lettres de noblesses à l’homme chauve-souris et a façonné l’image sombre et torturée qu’on lui connaît aujourd’hui.
Coup de bol (ou de génie), le poids des responsabilités artistiques a été un stimulant efficace : même s’il dure moins de 80 minutes, Mask of the Phantasm est d’une densité incroyable, et il n’a rien d’un film pour enfants … ce qui explique son flop au box-office (à sa sortie ciné, il ne rentabilise même pas son budget). C’est bien simple : on a là le meilleur Bruce Wayne qu’on ait jamais vu au cinéma.
Sous le costume mythique, l’homme est plus fragile que jamais ; il passe des heures à parler à la tombe de ses parents, est rongé par les remords, se sent coupable de ne plus souffrir autant qu’aux premiers jours, et se retrouve déchiré par un choix cornélien : il doit choisir entre tenir la promesse faite à ses parents et vivre pleinement sa relation avec la femme qu’il aime car, il le sait, les deux sont incompatibles.
La trame narrative oscille entre le présent et le passé, en explorant avec pertinence les thématiques délicates de la vengeance, du passage du temps et de la complexité du sentiment amoureux. Loin de tous les clichés faciles et autres lieux communs, on découvre un Bruce Wayne terriblement humain, sorte de héros romantique à la psyché tortueuse, qui s’est trop souvent dans sa vie retrouvé confronté à des dilemmes dont il ne pouvait que sortir perdant.
Il s’absente au milieu de ses soirées pour se replonger dans ses souvenirs mélancoliques en regardant danser les flammes de sa cheminée, médite sous la pluie dans les anfractuosités de l’architecture gothique de Gotham, tout en tentant de faire la part des choses et de mettre ses soucis personnels de côté pour pouvoir stopper le « fantôme masqué », un nouveau-venu qui tue un à un les membres de la pègre et que tout le monde prend pour Batman.
Au moment où les producteurs ont décidé que le film sortirait en salles au lieu d’être un direct-to-video (c’était le projet initial), ils ont donné aux réalisateurs une deadline mortelle : la sortie ciné devrait pouvoir se faire dans 8 mois. Or, 8 mois pour réaliser un film d’animation, c’est trash, et en principe le résultat ne peut qu’être moyen. Et pourtant, le film s’en sort assez joliment sur ce point, grâce à des palliatifs ingénieux.
L’animation manque parfois de fluidité, les mouvements des personnages sont souvent raides, mais l’atmosphère envoûtante nous permet de faire facilement abstraction : l’action évolue dans un Gotham old school à souhait inspirée du New-York des années 50, et les buildings à gros grains de la ville sont littéralement hantés par une BO gothique à souhait.
Le seul vrai reproche qu’on puisse faire au film, c’est que sa durée le force à condenser son intrigue, à emprunter quelques raccourcis scénaristiques et à avoir un rythme trop soutenu, ce qui fait qu’on le trouve aussi génial qu’on reste sur notre faim après l’avoir vu. L’histoire et le traitement de la légende auraient mérité qu’on les approfondisse plus ; c’est d’autant plus regrettable que, 2 ans plus tard sortira Batman Forever, une infâme daube puérile soi-disant destinée aux adultes, ces mêmes adultes qui étaient passés à côté de Mask of the Phantasm parce qu’il était destiné aux enfants…
Mais croyez-moi : vous n’êtes pas trop vieux pour rattraper cette erreur de timing.