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© Weltkino Filmverleih GmbH

BLACK COAL – Critique

Après s’être fait remarquer à Cannes pour Train de Nuit, Yi’nan Diao s’essaye au polar dans son troisième film : Black Coal.

Issu d’une nouvelle génération de cinéastes chinois qui monte doucement (son homologue Zhang-Ke en figure de proue), le réalisateur semble se faire définitivement une place dans le milieu avec ce « charbon noir » sorti grand lauréat du festival de Berlin. Plus qu’un simple thriller, c’est un petit portait d’une Chine en plein changement.

Pour résumer Black Coal : un ex-flic devenu alcoolique revient trinquer des années après pour une nouvelle enquête, celle-ci faisant écho à une affaire similaire du passé. Le genre de synopsis idéal pour un film policier. Pas forcément original mais entre de bonnes mains, on peut s’attendre à quelque chose d’intéressant. Cela tombe bien car le réalisateur s’avère être un virtuose de la caméra et sa mise en scène regorge d’idées intéressantes pour nous plonger dans cette sombre histoire.

Il n’y a qu’à voir l’impressionnante aisance de l’auteur à filmer des plans séquences pour se rendre compte de son talent. Pour n’en citer que deux, retenons cette rencontre avec un homme ivre sur la route donnant l’impression de l’épier à travers la fenêtre d’une voiture, ou encore cette arrestation musclée au déroulement inattendu dans un salon de coiffure kitch grâce à une judicieuse distance d’un plan immobile et bien établi de la scène. Bluffant. Le film s’offre même quelques moments de grâce mémorables, comme cette magnifique partie de patins qui donne l’impression de flotter grâce à une parfaite calibration des éléments (personnages, musique, décor, mouvement de la caméra, etc.). L’auteur, sûr de lui n’a pas peur de prendre son temps, ce qui ne plaira pas forcément à tout le monde, il faut le dire. On ne pourra pas lui reprocher d’avoir le sens du détail qui justifie ce rythme: la froideur de certaines rencontres, avares en dialogues, nécessite un savoir-faire évident de la part du réalisateur qui n’hésite pas à filmer plus longuement une main, un regard. Pas besoin de parler pour comprendre.

Photo du film BLACK COAL
© Weltkino Filmverleih GmbH

Avec cette lenteur, le film nous propose de faire état des lieux d’une nouvelle chine, froide, glaçante. Un dépaysement complet, d’autant plus que la photographie très épurée rend bien compte de l’atmosphère qui se dégage des quartiers malfamés chinois ; une ambiance qui trottera encore dans votre tête après la séance. Pour savoir qui se cache derrière le meurtrier qui dissémine des bouts de cadavres à travers des wagons remplis de charbon, on passe autant par les endroits industriels que les lieux de plaisirs et de détente pour finir dans la petite laverie du coin de rue. Une véritable découverte sociale et culturelle s’en émane. On découvre une chine sous bien des aspects, les bons et surtout les mauvais. Le constat est brut, réaliste et l’on ressent une sourde révolte du cinéaste à travers cette réalité qu’il dépeint en montrant les habitudes et façons d’être du peuple chinois qui semble en plein essor et déstabilisé. Une plongée au cœur de la Mandchourie pas si innocente que ça.

Ce thriller folklorique mérite tout de même le détour, rien que pour sa mise en scène ou tout simplement pour voyager à travers les ambiances qu’il propose.

Quand à l’intrigue, bien que les ficelles se délient assez vite presque volontairement, elle n’hésite pas à rebondir grâce à l’ambiguïté des situations (violente dans des endroits de détente) et des personnages ; tout repose sur la romance naissante entre le protagoniste et l’une des éléments de l’affaire. Doucement imprégnée de l’hiver, leur relation nous plonge peu à peu dans les faux-semblants grâce à une très bonne interprétation des comédiens. Fan Liao fut d’ailleurs récompensé d’un Ours d’argent mais Lun-mei Gwei n’est pas en reste pour autant. Black Coal ne serait pas si saisissant sans elle : menant un parfait double jeu, elle apporte la touche de charme essentielle au film comme un feu d’artifice en plein jour… Sans sa présence, le film aurait sûrement moins de saveur.

D’ailleurs en parlant de saveur, le film est bien oriental et semble arborer un humour typique du pays. Pour ma part j’ai trouvé ça un poil trop déluré par moments. Black Coal pourra en rebuter plus d’un par un excès de loufoqueries douteuses ou difficile d’accès. C’est peut-être par différence de culture mais ça semble lourd et hors contexte par moments surtout que cela n’apporte pas grand-chose à l’intrigue (un début de viol bizarre, un cheval par là et un geek qui pète un câble dans un cybercafé entre autres). Un défaut qui reste néanmoins de l’ordre du détail et plutôt subjectif.

Photo du film BLACK COAL
© Weltkino Filmverleih GmbH

Pour les amateurs de gore qui s’attendaient peut-être à retrouver un peu de cette nouvelle brutalité asiatique « sud-coréenne », ils ne seront pas forcément rassasiés par ce long métrage chinois qui s’y prête malgré tout par rares occasions. La violence est dosée, on montre plus qu’on ne suggère, juste ce qu’il faut. Le film réserve néanmoins sa part de moments étranges et malsains en particulier une troublante scène d’amour dans une fête foraine.

En laissant le spectateur cogiter sur une dernière scène assez déconcertante, le film semble assez insaisissable. Comme cette Chine moderne que nous montre du doigt le réalisateur à travers cette enquête glauque ancrée dans le froid de l’hiver. Même si l’allure du film ainsi que certaines extravagances pourront gêner ou perdre en cours de route la plupart des spectateurs, ce thriller folklorique mérite tout de même le détour, rien que pour sa mise en scène ou tout simplement pour voyager à travers les ambiances qu’il propose. C’est chaud à l’intérieur, froid à l’extérieur.

Mise en scène
Scénario
Casting
Photographie
Musique
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3.4
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