Le pitch : Ingrid vient de perdre la vue. Elle quitte rarement son appartement mais se rappelle encore à quoi ressemble l’extérieur. Les images qui étaient autrefois si claires se remplacent lentement par des visions plus obscures… En parallèle, évoluent Elin, jeune mère célibataire, Einar, solitaire exclu et Morten, son mari…
Le réalisateur/auteur Eskil Vogt cherche à retranscrire via ces quatre personnages la disparition d’un sens (la vue), aborder des sujets de société comme la solitude ou la sexualité, et lier le tout par la sensibilité. Chaque aspect en soi est réussi; le réalisateur a par exemple, travaillé sur le sound-design de façon à proposer des sons mais sans en montrer la source, fusionnant la perception du spectateur et celle de ses personnages. C’est très réussi. BLIND est un film très sensoriel, hypnotisant.
La sensibilité du réalisateur s’exprime quant à elle, pleinement dans la mise-en-scène : Eskil Vogt préfère raconter l’histoire par les personnages et les nombreux détails qui les façonnent, ainsi que leur quotidien. L’intelligence de sa narration provient justement de ce « point de vue » d’aveugle, qui nécessite d’avoir recours aux souvenirs pour représenter quoi que ce soit. Cela se traduit donc à l’image, d’abord dans la description des protagonistes, modifiée d’une scène à l’autre, puis à travers les décors dans lesquels ils évoluent. Eskil Vogt manipule notre perception du réel, autant que celle de ses personnages-marionnettes, entremêlant, progressivement, plusieurs réalités (comme dans Réalité, mais en moins ludique) jusqu’à obtenir un véritable maelström dans le dernier acte !
Ce qui peut bien sur, en fonction de son humeur, déstabiliser autant que stimuler.
L’ambition se ressent également du point de vue de l’écriture;
Le propre des auteurs, par rapport au cinéma commercial, est d’exprimer quelque chose de très personnel sur pellicule… C’est cette impression qui se dégage de BLIND ; Ingrid semble ainsi être un double de l’auteur Eskil Vogt, lui permettant d’exprimer ses peurs les plus profondes, comme la solitude et ce rapport à l’autre, forcément influencé par le sexe et ses propres pré-conceptions du monde. L’affiche à ce titre, traduit bien le souhait du réalisateur: se mettre a nu via « un des quatrième murs » et le personnage d’Ingrid…
Le parallèle entre l’auteur et son protagoniste féminin s’étend ainsi à un peut plus que l’image: dans un élan assez masochiste, Ingrid/Eskil transvase les extrêmes de sa personnalité en Elin, Einar et Morten. Spontanéité/jeunesse, exclusion, et routine les caractérisent; leurs interactions symbolisent ainsi une multitude d’émotions inhérentes à la solitude, rendant BLIND un peu plus universel que le pitch réducteur (un film sur des aveugles) pourrait le laisser penser.
La représentation cinématographique de ce genre de thématiques peut rappeler les tout derniers films de Lars Von Trier… En moins misanthrope/dépressif, toutefois.
« Par la mise-en-scène et la sensibilité, Blind matérialise et personnifie les peurs inhérentes à la solitude à travers la vision métaphorique d’une aveugle… »
Au final, BLIND peut paraître très cryptique car très (trop?) personnel… Ce film est clairement une catharsis pour son auteur, un passage vers la compréhension/acceptation du monde, de ses relations avec ceux qui l’entoure. Cela peut être perçu comme passionnant, mais peut aussi laisser froid.
Les autres sorties du 29 avril 2015
CONNASSE – LE FILM, BLIND, UN PIGEON PERCHÉ SUR UNE BRANCHE PHILOSOPHAIT SUR L’EXISTENCE, L’ÉCHAPPÉ: À LA POURSUITE D’ANNIE LE BRUN, LE LABYRINTHE DU SILENCE, OUIJA, LE TOURNOI, THE BIG LEBOWSKI (ressortie), NOS FEMMES, LES OPTIMISTES, etc.
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• Réalisation : Eskil Vogt
• Scénario : Eskil Vogt
• Acteurs principaux : Ellen Dorrit Petersen, Henrik Rafaelsen, Vera Vitali
• Pays d’origine : Norvège
• Sortie : 29 avril 2015
• Durée : 1h31min
• Distributeur : KMBO
• Synopsis : Ingrid vient de perdre la vue. Elle quitte rarement son appartement mais se rappelle encore à quoi ressemble l’extérieur. Les images qui étaient autrefois si claires se remplacent lentement par des
visions plus obscures. Elle soupçonne son mari Morten de mentir quand il dit aller travailler. Est-il dans l’appartement avec elle à se cacher et l’observer en silence ? Ecrit-il à son amante quand il prétend envoyer des emails à ses collègues ?
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