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brbr - [CRITIQUE] BROOKLYN VILLAGE

[CRITIQUE] BROOKLYN VILLAGE

LITTLE MEN
• Sortie : 21 septembre 2016
• Réalisation : Ira Sachs
• Acteurs principaux : Theo Taplitz, Michael Barbieri, Greg Kinnear
• Durée : 1h25min
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3
Note du rédacteur

Ira Sachs est de ceux auxquels on ne pense pas instinctivement mais dont chaque nouveau film attise notre curiosité. Homme discret et réalisateur sans esbroufes, il trace sa route, en tout modestie, depuis les années 90, dans la vaste galaxie du cinéma américain. Son nouveau film, BROOKLYN VILLAGE démarre sur un enterrement. Soit là où Love Is Strange, son précédent, se terminait. Ce malheureux événement va permettre à Jake et Tony de se rencontrer et de nouer à vitesse grand V une solide amitié. On reconnaît rapidement le style d’Ira Sachs dans cette façon qu’il a de nous montrer les choses avec simplicités (même lorsqu’elles sont compliquées), de nous faire passer des émotions en cherchant une mise en retrait plutôt qu’une explosion démonstrative. Il faut voir comment Brian (le père de Jake) s’effondre dans une cage d’escaliers suite au décès de son père pour se rendre compte que la pudeur est une des vertus du cinéma d’Ira Sachs. La caméra reste à distance, dans la pénombre, sans chercher à tout prix à cadrer son visage. La puissance des épreuves de la vie, dénominateur commun entre ces personnages de fiction et nous les spectateurs, suffit.

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Malgré le décès de son grand-père, tout commence fort bien pour le jeune Jake. Adolescent pas à l’aise avec sa génération, introverti et passionné d’arts, il trouve en Tony, son nouvel ami, à la fois son opposé et son complément. On se demande comment ces deux caractères peuvent à tel point se trouver et se rapprocher. C’est la secrète alchimie de l’amitié qui est décrite par Ira Sachs, celle qui consiste à prendre du plaisir en passant simplement du temps ensemble à naviguer en ville ou à jouer aux jeux vidéos. Leur opposition se retrouve également sur le plan social : les parents de Jake sont les propriétaires de l’emplacement du magasin que détient la mère de Tony. Ce qui est magnifique dans BROOKLYN VILLAGE, c’est que cette mise en place d’une hiérarchie sociale se refuse de contaminer le monde des enfants pour rester un souci d’adultes. Lorsque les rapports entre les grands se dégradent, ceux entre les deux deux jeunes garçons se renforcent. A tel point qu’ils entament d’un commun accord une grève de la parole pour essayer, avec leurs armes de combattre une future dissolution dont ils prennent la pleine mesure qu’à l’instant où elle survient fatalement. Le film avance avec latence vers cette issue inévitable, sans s’alarmer, afin de préserver la relation amicale telle une petite perle précieuse. Puis toute explose, en une scène, quand la réalité impose sa dure loi.

« La pudeur est une des vertus du cinéma d’Ira Sachs. »

L’ascenseur social semble en panne mais pour autant rien n’est perdu. Lorsque Jake voit, au loin, son ancien complice se balader avec ses nouvelle troupe d’amis, on se dit que les deux peuvent s’en sortir différemment et que le milieu d’où l’on vient n’est pas la seule donnée déterminante pour trouver un épanouissement personnel. Ce raccord sur le regard, bouleversant, tout en pudeur, ramène sur le devant de la scène toute la minutie du travail d’Ira Sachs qui à défaut d’être remarquable, sait déceler avec précision les besoins de sa mise en scène. On mentirait en disant que le réalisateur américain arrive à retrouver toute l’intensité de son précédent film. Et si bémol il devait y avoir, nul doute qu’on le situerait sur ce point. La délicatesse avec laquelle il cadre ses personnages ne peut se substituer à la puissance des émotions brutes. Ce qui n’empêche pas Ira Sachs de se poser en fin observateur des changements qui s’opèrent dans notre monde (la place des homosexuels hier, la gentrification aujourd’hui). Tout en portant en concordance un regard lucide sur la dureté de la vie et sur les maux qu’elle peut engendrer. Si Love Is Strange s’achevait sur une lumineuse note d’espoir, BROOKLYN VILLAGE nous laisse un goût des plus amer. Comme quoi d’un film à l’autre, à l’image de notre société, tout peut très vite changer.

Maxime Bedini

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