Ouvrez les yeux. Vous êtes dans un espace clos, sous 1 tonne de terre irakienne avec 90 minutes d’oxygène et pour seule connexion vers l’extérieur un téléphone portable à moitié rechargé. Tel est le destin de Paul, entrepreneur Américain pris en otage et enfermé dans une boîte. Le temps file et chaque seconde qui passe le rapproche d’une morte certaine…
Note de l’auteur
[rating:10/10]
• Date de sortie : 3 novembre 2010
• Réalisé par Rodrigo Cortés
• Film espagnol
• Avec Ryan Reynolds
• Durée : 1h34min
• Titre original : Buried
• Bande-Annonce :
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=0qWRg-VzcNc[/youtube]
Question : quels sont les points communs entre Cube, Saw, Devil, Frozen et Exam ? Ce sont tous des films à petit budget, dont le titre tient en un seul mot, et qui tournent autour du même concept : des personnages sont coincés quelque part, et ils doivent s’en sortir, même s’ils ne savent pas comment faire. Ils donnent dans le mystère, le fantastique, l’horreur ou le thriller, mais ils sont réunis par une constatation commune de leurs réalisateurs respectifs : quand on ne peut pas gratter de thune, on se gratte la tête pour trouver un concept.
Un concept, ça ne coûte rien, et ça peut rapporter gros. Maintenant, si vous voulez ressortir cette courte liste pour briller en société, n’hésitez pas à l’enrichir de vos propres références et, surtout, n’oubliez pas d’y ajouter le dernier en date, Buried.
Il y a des chances pour que Buried devienne un cas d’école dans l’histoire du cinéma, tant il représente un magistral tour de force : tourné en 17 jours pour trois fois rien, il se déroule en temps réel, avec un seul personnage, et dans un seul décor. Le coup de maître réside dans le fait qu’on ne se fait pas chier une seule seconde.
Il y a du suspense, un peu d’action, et même quelques grands moments d’émotion. En matière de simplicité, le pitch se pose là : Paul Conroy est dans un cercueil avec un zippo, un bic et un blackberry. Une situation délicate, quand on n’est pas McGyver. Qu’est-ce qu’il fout là ? Qui est-ce qu’il va bien pouvoir appeler pour s’en sortir ? Voilà de quoi nous occuper pendant 1h30.
Inutile de dire que si vous êtes claustro, il va mieux falloir vous abstenir, d’autant que ce cher Rodrigo Cortés, réalisateur, a eu le courage de mettre le spectateur à la même enseigne que son personnage, en refusant obstinément de nous laisser sortir une seule fois de ce putain de cercueil. Pas un flashback, pas un plan sur l’extérieur, rien. Paul Conroy suffoque, et on suffoque avec lui. Ses espoirs, ses crises de panique et ses accès de rage sont les péripéties qui rythment la narration, et, l’identification s’effectuant impeccablement, elles sont d’une efficacité aussi redoutable que surprenante. On ressort du film avec une envie farouche d’étriper ces personnes absentes dont les voix métalliques résonnent dans les répondeurs téléphoniques, et de brûler toutes ces chiennes sans cœur qui nous mettent en attente avec de la musique classique ; on passe les dernières minutes en apnée, les mains crispées sur les accoudoirs de nos sièges et les jointures blanches.
Mais c’est bon signe, très bon signe, même. Ca veut dire qu’on vient de vivre un moment cinématographique d’une intensité et d’une puissance rares, et ce genre de choses ne s’achète pas (spéciale dédicace à James Cameron). On peut donc remercier Rodrigo, mais aussi, bien entendu, Ryan Reynolds, vu que le film repose sur lui. S’il jouait mal, c’était foutu. S’il avait une gueule de petite frappe, c’était foutu, et s’il avait eu une gueule de gros dur, c’était foutu aussi.
Au final, le pari est gagné, et c’est tout bénéf pour lui. Avant, il était ce petit jeunot qu’on remarquait à peine dans Blade III vu qu’il ne faisait le poids ni face aux courbes de Wesley Snipes ni face à celles de Jessica Biel ; en l’espace de 90 minutes, il est devenu un grand acteur. Et il le mérite.
Buried est une grande leçon de cinéma, une leçon de suspense, et une leçon de jeu. A une époque où les images de synthèse et les écrans verts deviennent des supports et non plus des compléments, et où les gros pontes vénaux d’Hollywood cherchent à battre des records de budget au lieu de chercher à battre des records de qualité, ça fait un bien fou de voir qu’il reste encore des artistes, qu’ils soient acteurs ou réalisateurs, pour faire du vrai cinéma avec des tripes, des couilles et du cœur.
Buried remet les points sur les i et se creuse une belle place dans l’histoire : si les effets spéciaux sont en constante évolution et deviennent vite ringards, vous pouvez être sûr que tant qu’il y aura des cercueils, on flippera de se retrouver à l’intérieur…