Le réalisateur colombien Jhonny Hendrix Hinestroza raconte dans le tendre et lumineux CANDALERIA les tribulations d’un vieux couple pendant la période spéciale à Cuba.
Dès les premières minutes de CANDELARIA, on est plongé dans la vie quotidienne des deux magnifiques personnages qui forment le plus délicieux des vieux couples: Candela, dite Candelaria (Veronica Lynn) et Victor Hugo (Charles Alden Knight James). Dès lors, le regard empathique du spectateur ne lâchera plus leur complicité, leurs rires, leurs chamailleries, leurs espoirs de survie. Et on aura alors la conviction, s’il en était encore besoin, que l’amour rend décidément la misère supportable.Pourtant, qui n’a jamais mis les pieds à Cuba risque de passer à côté de bien des sujets et d’allusions historiques, économiques et révolutionnaires évoquées par le réalisateur colombien Jhonny Hendrix Hinestroza. Car on ne peut pas saisir la substantifique moelle de CANDELARIA sans connaître un tant soit peu le contexte évoqué dans le film. On est à La Havane, le 4 août 1994, au cœur de la “Période spéciale en temps de paix”, que Fidel Castro, alors au pouvoir depuis 30 ans, a déclarée après la Chute du Mur de Berlin et l’effondrement du bloc soviétique. Jusqu’alors dépendant de l’URSS, l’Île de Cuba est entrée dans une période de crise et de grande pénurie sans précédent. Sous embargo, les cubains vivent dans la misère et sont obligés de recourir au marché noir pour survivre.
Candela et Victor Hugo crèvent de faim, subissent les coupures de courant, ont plusieurs petits boulots et font preuve d’une grande ingéniosité pour survivre. Victor Hugo chaparde parfois des cigares dans son usine et les revend à un jeune homme, qui ne rêve que de partir pour la Floride. Il met au clou une vieille montre chez un receleur qui tient, lui aussi, des discours sur la crise cubaine. Tous vivent aussi dans un climat de suspicion et la peur d’être dénoncés par un informateur des fameux CDR (Comités de Défense de la Révolution, véritables courroies de transmission du pouvoir).
« Véritable ode aux cubains et à la beauté de leur île, CANDELARIA est un beau film émouvant où la dure réalité se mêle à la tendresse, la poésie et la nostalgie d’un temps qui n’est plus. »
Mais à l’image de nombreux cubains, ils ont un double échappatoire pour leur permettre de mieux endurer leurs tourments: la musique pour Candela, qui chante aussi dans un bar, et le rire, la dérision, l’autodérision même. Leur vie, la dégradation de l’île, le pouvoir même, tout est prétexte à rire. Ce rire presque enfantin, cristallin, spontané, sans filtre. Celui qui créé indéniablement le ciment d’un couple qui dure.
Les émeutes de la première manifestation de protestation depuis la Révolution ont lieu le 5 août sur le Malecon, le grand boulevard du front de mer. Elles ne sont pas montrées, mais le réalisateur évoque le trouble provoqué dans l’hôtel où travaille Candela. Dans le tumulte, elle trouve le caméscope d’un touriste dans sa panière de linge. Avec ce caméscope, c’est le monde étranger qui pénètre alors, symboliquement et physiquement, dans leur espace vital avec tout ce qu’il comporte de fantasmes et de possibilités pour toucher du doigt une plus grande liberté.Tout en s’interrogeant sur l’obligation de ramener le camescope à l’hôtel ou de le vendre, les deux protagonistes de CANDELARIA vont aussi prendre le temps de s’amuser un peu avec. Ils filment leur environnement, puis se filment mutuellement. Surtout, un véritable miracle se produit par l’intermédiaire de cet objectif: le regard du Victor âgé redécouvre le regard que le jeune Victor portait alors sur sa femme. Le caméscope devient l’objet transitionnel de leur amour, ravivant leur désir. La caméra pudique du réalisateur n’épargne pas la vieillesse des deux amoureux, ni leur lenteur ou leur déchéance physique. L’intrigue est surprenante et même assez audacieuse, et riche en rebondissements.
Véritable ode aux cubains et à la beauté de leur île, CANDELARIA est un beau film émouvant où la dure réalité se mêle subtilement à la tendresse, la poésie et la nostalgie d’un temps qui n’est plus.
Sylvie-Noëlle
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• Réalisation : Jhonny Hendrix Hinestroza
• Scénario : Jhonny Hendrix Hinestroza ,Maria Camila Arias
• Acteurs principaux : Charles Alden Knight James, Veronica Lynn
• Date de sortie : 4 avril 2018
• Durée : 1h27 min