Dans son second long métrage, CAS DE CONSCIENCE, le réalisateur Vahid Jalilvand décortique les ressorts de la conscience de deux hommes face au décès d’un petit garçon.
Dans le film CAS DE CONSCIENCE, l’expression “être taraudé par sa conscience” prend tout son sens. Le réalisateur iranien Vahid Jalilvand met en parallèle le parcours et la mauvaise conscience de deux hommes, dont on ne sait, de l’un ou de l’autre, qui est à l’origine de la mort d’un petit garçon, Amirali. Est-il mort suite à l’accident causé la veille par la voiture du médecin légiste, le docteur Nariman (Amir Aghaei), qui a heurté le scooter familial? Ou suite à une intoxication alimentaire, causé par l’achat de viande avariée et bon marché par son père Moussa (Navid Mohammadzadeh, prix du Meilleur acteur de la sélection Orizzonti à la Mostra de Venise) ?
CAS DE CONSCIENCE montre très bien, et sans fioriture aucune -ni musique, ni effusion- l’évolution du regard. D’abord le regard que chacun porte sur lui-même. Mais aussi le regard accusateur et navré que leurs épouses portent sur les deux hommes. Moussa est un homme pauvre, orgueilleux au point de ne jamais demander de l’aide à personne. Il traite mal son épouse Leïla, femme soumise et le drame intime qu’ils traversent les éloigne encore plus l’un de l’autre. Car Leïla voit en lui le responsable de la mort de leur fils et ne lui pardonne pas. Le docteur Nariman est un homme respecté, bien plus haut sur l’échelle sociale. Son épouse Sayeh (Hediyeh Tehrani) est aussi médecin légiste. Ils travaillent ensemble et se respectent mutuellement.
« CAS DE CONSCIENCE est un film qui bouleverse par les questionnements moraux introduits grâce à l’émotion. »
Bien que Moussa et le médecin évoluent dans deux mondes très différents, leurs comportements par rapport à cet événement se révèlent assez similaires. Car chacun des deux hommes va vivre les jours qui suivent avec des questionnements, des doutes, le poids de la responsabilité, puis celui de la culpabilité qui lui tient compagnie. Et surtout la honte silencieuse, qui enrobe tous ces sentiments. La honte masculine est souvent abordée dans le cinéma iranien, comme dans Le Client de Asghar Farhadi, ou plus récemment dans Un homme intègre de Mohammad Rasoulof. Cet état de souffrance et de fragilité de la part de ces hommes forts, proche du vacillement, émeut le spectateur empathique, traversé par de très nombreuses émotions.
Mais trop lourde à porter et impossible à partager, la honte ressentie provoque des réactions disproportionnées et parfois violentes. Aucun des proches n’est en capacité de les comprendre et l’écart avec eux se creuse encore plus. Ainsi, Moussa cherchera à tout prix à faire payer le vendeur de la viande. Quand le médecin, en pleine contradiction avec son éthique, deviendra obsessionnel par rapport à sa quête de vérité.
Malgré quelques longueurs, une mise en scène très épurée et de trop nombreux trajets des personnages en voiture, CAS DE CONSCIENCE permet de mieux comprendre la société iranienne à travers ce drame intime. Le film bouleverse aussi par les questionnements moraux introduits grâce à l’émotion. Ainsi, combien de temps faut-il pour que la conscience trouve son chemin ? Comment un homme peut-il se regarder en face lorsque ses actes ne sont pas en accord avec sa conscience ? Reconnaître sa part de responsabilité permet-il enfin de soulager complètement sa conscience ?
Sylvie-Noëlle
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• Réalisation : Vahid Jalilvand
• Scénario : Vahid Jalilvand, Ali Zarnegar
• Acteurs principaux : Navid Mohammadzadeh, Amir Aghaei, Hediyeh Tehrani
• Date de sortie : 21 février 2018
• Durée : 1h44 min