Jackie Cogan est engagé par un gangster pour enquêter sur un hold-up ayant eu lieu au cours d’une partie de poker…
Note de l’Auteur
[rating:8/10]
• Date de sortie : 5 décembre 2012
• Réalisé par Andrew Dominik
• Film américain
• Avec Brad Pitt, Scoot McNairy, James Gandolfini, Richard Jenkins, Ray Liotta
• Durée : 1h37min
• Titre original : Killing Them Softly
• Bande-Annonce :
Il n’est pas rare de nos jours de voir de plus en plus de « film de genre » dont les réalisateurs se réapproprient les codes : Animal Kingdom, Drive, Django Unchained, etc. Cogan – Killing Them Softly n’échappe pas à cette mode. Mais ne voyez ici aucune dépréciation de la qualité de l’œuvre par l’utilisation du mot mode. Bien au contraire, Andrew Dominik livre une agréable relecture du polar peuplé de gangsters.
Depuis tout petit, je baigne dans les grandes fresques criminelles. Mes parents ont toujours su dégoter la cassette d’un Scorsese que mon frère et moi n’avions toujours pas eu le plaisir de voir. Le film de gangster a été, et reste, un rituel familial. Pourquoi ? Sûrement parce qu’il est toujours question de valeur collective et d’entourage ; que la famille se délite ou se soutienne, ces films possèdent la caractéristique d’être extrêmement cathartique. Alors quoi de mieux qu’une séance groupée pour souder la famille ?
Bref, arrêtons là les ineptes digressions personnelles. Parce que justement ici, le film prend à revers tous les éléments classiques du genre. Et c’est tant mieux. Cogan – Killing Them Softly est un diamant brut fait de la quintessence la plus pure du film de gangster. Pas d’artifices, pas de grandes actions, le film repose simplement sur ce qui constitue son existence même : une tranche de vie de malfrats. Mais là où le film surprend, c’est dans la manière qu’il a de traiter cette vie. Ici, chacun vit esseulé. On se parle, on ne s’écoute pas, on ne se comprend pas. Quelques noms circulent mais tout reste brumeux. La classique représentation d’une organisation générale et unie est explosée par cette plongée dans le milieu qui nous montre le parcours de quelques gangsters singuliers. Une mise en parallèle avec les discours de campagne présidentielle de 2008, traitant de « groupe uni » et de « population soudée », file tout le long du film, créant ainsi un permanent décalage plutôt amusant entre les discours rassembleurs et la vie quotidienne solitaire des protagonistes. Et une formidable réplique finale de Brad Pitt viendra parachever l’ensemble de la démonstration.
Cogan – Killing Them Softly, un diamant brut fait de la quintessence la plus pure du film de gangster.
Pour en revenir aux quelques frasques humoristiques du film, il est important de signaler que ce n’est pas non plus un film hilarant. Il s’agit de la manière de traiter certaines scènes qui apporte un sourire au coin des lèvres. Et cette remarque me permet de faire une douce transition vers la mise en scène. Implacable, rugueuse, tendue, sèche, elle est parfaite. Les plans sont toujours précis, efficaces et brutalement séduisant. En témoigne l’hallucinante séquence du braquage où une tension et un stress oppressants se dégagent des longs plans séquences fiévreux qui inscrivent l’action dans une dynamique réelle étouffante. La violence, quant à elle, sait se faire juste, inévitable et amortie. Dominik trouve en effet la distance nécessaire pour ne pas en faire la pierre angulaire du film, et pour la montrer comme une conséquence obligatoire du milieu.
Efficace polar brisant les règles, surfant sur la vague de coolitude de Brad Pitt, assumant un faux rythme basé sur plus de paroles que d’actes, Cogan – Killing Them Softly est assurément un objet propre, aux aspérités assumées, qui souffre l’ambivalence d’un bijou mal poli : unique mais pas parfait.