Photo (1) du film CONG BIHN - LA LONGUE NUIT INDOCHINOISE

[critique] Công Binh – La Longue Nuit Indochinoise

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Affiche du film CONG BIHN - LA LONGUE NUIT INDOCHINOISE

A la veille de la 2nd Guerre Mondiale, 20 000 Vietnamiens étaient recrutés de force dans l’Indochine française pour venir suppléer dans les usines d’armement les ouvriers français partis sur le front allemand. Pris à tort pour des soldats, bloqués en France après la défaite de 1940, livrés à la merci des occupants allemands et des patrons collabos, ces ouvriers civils appelés Cong Binh menaient une vie de parias sous l’Occupation. Ils étaient les pionniers de la culture du riz en Camargue. Considérés injustement comme des traîtres au Viet Nam, ils étaient pourtant tous derrière Ho Chi Minh pour l’Indépendance du pays en 1945.
Le film a retrouvé une vingtaine de survivants au Viet Nam et en France. Cinq sont décédés pendant le montage du film. Ils racontent aujourd’hui le colonialisme vécu au quotidien et témoignent de l’opprobe qui a touché même leurs enfants. Une page de l’histoire entre la France et le Viet Nam honteusement occultée de la mémoire collective.

Note de l’Auteur

[rating:8/10]

Date de sortie : 30 janvier 2013
Réalisé par Lam Lê
Durée : 1h51min
Titre original : Công Binh
Bande-Annonce :

Lam Lê l’a dit lui-même, il ne recherche ni à faire un documentaire pur et dur, ni à faire une complète fiction. Il recherche juste à faire un film destiné à être projeté sur grand écran. Il précisa aussi qu’il n’est pas un fils de Công Binh, il est simplement un cinéaste qui a fait des recherches très approfondies dont il a sorti un avis et une vision personnels du sujet.

Il y a aussi eu le fait que les télévisions de voulaient pas de son histoire, jugée trop politiquement incorrectte. Mais un producteur a cru en ce récit et a porté l’idée de vouloir le mettre dans les salles obscures. Ce film est présenté simultanément dans les festivals d’Amiens et d’Amsterdam, qui sont donc les deux villes à voir en premier ce film.

Alors déjà, quand on prend un sujet tel que celui-là, on sait que les protagonistes qui vont nous raconter leur histoire vont nous toucher. Et on ne sent pas les deux heures de film passer tant nous sommes embarqués par ce récit incroyable, et pourtant vrai, qui fait partie de l’Histoire de France et du Viêtnam.

Mais ce documentaire n’est pas là à des fins pédagogiques, il n’a pas été fait afin de montrer quelques chose. Il est là pour faire prendre conscience d’une vérité trop bien oubliée en France. Le plus fort, c’est qu’en recherchant la vérité, ce film ne passe jamais par la complainte.

Il s’agit juste de révéler une vérité qu’on ne trouvera nul part ailleurs que dans ce film. Un documentaire qui nous ouvre les yeux sur une triste page de l’Histoire de la France : la colonisation. Qui est devenu un sujet tabou en France. C’est pour cela que ce genre d’histoire n’est pas racontée. Et tant que la France ne reconnaîtra pas ses erreurs avec la colonisation, la France n’avancera pas et on perd une chose essentielle envers les hommes.

On perd la reconnaissance qu’ils méritent. S’être battus pour la France et être maltraités ainsi (je ne vais pas tout raconter) et tomber dans l’indifférence la plus totale, c’est tout simplement monstreux. Et c’est ceci que le film de Lam Lê dénonce : une reconnaissance que ces Công Binh méritent mais qu’ils n’auront probablement jamais. En espérant que ce très beau et très grand film fasse bouger les choses.

Il faut noter à côté de ce récit une mise en scène digne des plus grands cinéastes. Alors que c’est le premier documentaire du réalisateur Lam Lê. Sa mise en scène qui mêle les formes, les époques et qui connectent toutes les langues et les générations pour qu’on se remémore tous ce passage malheureux de l’Histoire. Une mise en scène incroyable qui ne peut que graver ce film dans nos mémoires.

Photo (1) du film CONG BIHN - LA LONGUE NUIT INDOCHINOISE

Công Binh – La Longue Nuit Indochinoise est un film qui donne des frissons et fait couler des larmes. Pourtant, ce n’est qu’un documentaire.

Mais ce film n’est pas que cela, ce film dénonce ce passage de l’Histoire de France mais il rend quand même un très bel hommage aux Công Binh. Une admiration pour leur courage et leur tenacité peut se créer après le visionnage du film. Et c’est rare qu’un documentaire procure autant d’émotions dans une salle, au point de faire couler des larmes et de donner des frissons aux spectateurs.

J’aimerais croire que le monde changera et que ce film en sera une icône mais je crois que je suis en plein rêve. Le monde ne fait qu’empirer et le film le démontre bien. Il nous place dans les coulisses du monde tel qu’il est devenu, qui se résume en un seul mot, cruel. Et même si la tension, l’émotion et l’étonnemment (ainsi que la découverte) sont présents, les protagonistes réussissent à ajouter des pointes d’humour.

Car au fond, c’étaient aussi des hommes, comme nous et comme les français à côté de qui ils étaient. Ces français qui les tabassaient alors que ces Công Binh était là pour les aider. Je pense aussi à cette prison des Beaumettes, l’un des passages les plus marquants du film, tellement choquant qu’on n’arrive pas totalement à réaliser que cela s’est vraiment produit.

Enfin, ces braves Công Binh qu’il faut féliciter et admirer, ils ne demandaient et demandent encore pas grand chose. Ils ne veulent pas d’argent, ils ne veulent pas de médaille. Ils veulent juste de la reconnaissance afin que leur présence en France pendant et après la Seconde Guerre ne tombent pas dans l’oubli et dans l’indifférence. Car s’ils n’auraient pas été présents, il me semble qu’on aurait été dans un sacré pétrin.

Finalement, Công Binh – La Longue Nuit Indochinoise est un film qui donne des frissons et fait couler des larmes. Pourtant, ce n’est qu’un documentaire. Ca veut dire que c’est plus qu’un bon film, que c’est un excellent film à découvrir dès que possible. Ces admirables et courageux Công Binh tombés dans l’indifférence de l’Histoire de France à cause du sujet tabou qu’est la colonisation. C’est malheureux mais il ne faut pas l’oublier car le monde ne risque pas de changer de si tôt.

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Cléa Gonay
Cléa Gonay
Invité.e
12 février 2013 21 h 28 min

Malheureusement je ne peux que dénoter des erreurs d’analyse, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de revendication dans ce film. Un passage très poignant certes mais très peu objectif nous montre un des protagonistes en train de pleurer dans une sorte de mémorial. Entre émotion véritable et mise en scène il n’y a qu’un pas et rien ne nous permet de dire qu’ici cela est naturel. Si encore cet argument ne pourrait être admis, à la fin du film le fils du plus âgé des công binh ne demande-t-il pas de l’argent, l’argent qu’il aurait certes du gagner pendant la guerre, (où personne ne pouvait manger et où rappelons que toute une population se faisait décimer par discrimination raciale?..) et qui aurait du servir pour son actuelle retraite ? Néanmoins il ne faut pas interpréter mes propos comme une critique du film que j’ai adoré ( malgré cette lourdeur des citations anti-colonialistes ) et qui nous rappelle que l’ego surdimensionné de l’occidental ferait bien de garder en mémoire les atrocités qui on fait son histoire. Voire de le mettre de côté, cet ego, et de reconnaître qu’elle a en tous cas des dettes énormes envers les pays tel que le Viêt Nam.

Cyril Bonnelles
Cyril Bonnelles
Invité.e
2 décembre 2012 9 h 06 min

J’ai vu ce film lors de sa diffusion au festival du film d’Histoire de Pessac, dont il a également remporté le premier prix. Ce film à la mise en scène riche et stylisée, qui lève le voile sur un épisode de l’histoire de deux pays qui n’apparait pas dans les manuels scolaires, est taillé pour les salles obscures. Il n’y a en effet que sur grand écran que le réalisateur pouvait nous laisser entrevoir la grandeur d’âme et la dignité de ces hommes, aujourd’hui parfois centenaires, quand la vie les a épargnés, brutalement bousculés par la colonisation, le choc des cultures, les bouleversements politiques, la seconde guerre mondiale, le travail forcé, la faim, la maladie. On passe plus de deux heures intenses en émotions et riches d’enseignements. Les images d’archives, les « face caméra », le théâtre traditionnel vietnamien de marionnettes sur eau, la musique, le bruit de l’eau, du vent, les silences poignants forment un tout cohérent et portent cette Histoire, lui conférant une dimension universelle.

simon 34
simon 34
Invité.e
20 novembre 2012 18 h 27 min

j’ai eu le bonheur de voir ce film en avant première lors de l’hommage (bien tardif, mais c’est tout de même tout à son honneur) de la ville de Sorgues aux travailleurs indochinois. Je ne prétends pas à l’objectivité, car mon père fit partie de ces 20 000 ONS. Mais ce film est magnifique par les témoignages bouleversants des survivants, jamais dans la rancune, toujours dans la dignité, racontant avec simplicité et dépassement ce qui a été.

Cléa Gonay
Cléa Gonay
Invité.e
12 février 2013 21 h 28 min

Malheureusement je ne peux que dénoter des erreurs d’analyse, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de revendication dans ce film. Un passage très poignant certes mais très peu objectif nous montre un des protagonistes en train de pleurer dans une sorte de mémorial. Entre émotion véritable et mise en scène il n’y a qu’un pas et rien ne nous permet de dire qu’ici cela est naturel. Si encore cet argument ne pourrait être admis, à la fin du film le fils du plus âgé des công binh ne demande-t-il pas de l’argent, l’argent qu’il aurait certes du gagner pendant la guerre, (où personne ne pouvait manger et où rappelons que toute une population se faisait décimer par discrimination raciale?..) et qui aurait du servir pour son actuelle retraite ? Néanmoins il ne faut pas interpréter mes propos comme une critique du film que j’ai adoré ( malgré cette lourdeur des citations anti-colonialistes ) et qui nous rappelle que l’ego surdimensionné de l’occidental ferait bien de garder en mémoire les atrocités qui on fait son histoire. Voire de le mettre de côté, cet ego, et de reconnaître qu’elle a en tous cas des dettes énormes envers les pays tel que le Viêt Nam.

Cyril Bonnelles
Cyril Bonnelles
Invité.e
2 décembre 2012 9 h 06 min

J’ai vu ce film lors de sa diffusion au festival du film d’Histoire de Pessac, dont il a également remporté le premier prix. Ce film à la mise en scène riche et stylisée, qui lève le voile sur un épisode de l’histoire de deux pays qui n’apparait pas dans les manuels scolaires, est taillé pour les salles obscures. Il n’y a en effet que sur grand écran que le réalisateur pouvait nous laisser entrevoir la grandeur d’âme et la dignité de ces hommes, aujourd’hui parfois centenaires, quand la vie les a épargnés, brutalement bousculés par la colonisation, le choc des cultures, les bouleversements politiques, la seconde guerre mondiale, le travail forcé, la faim, la maladie. On passe plus de heures intenses en émotions et riches d’enseignements. Les images d’archives, les « face caméra », le théâtre traditionnel vietnamien de marionnettes sur eau, la musique, le bruit de l’eau, du vent, les silences poignants forment un tout cohérent et portent cette Histoire, lui conférant une dimension universelle.

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