A l’origine de DANS LE NOIR (Lights Out en anglais, à ne pas confondre avec In the Dark, en salle le 16 septembre 2016) il y a un modeste court-métrage du même nom (à découvrir ici). Un petit film fauché qui, en moins de trois minutes, avec une actrice, une pièce et sans dialogue, parvenait à mettre en place un profond sentiment d’angoisse.
Le réalisateur suédois David F. Sandberg utilisant une des peurs enfantines les plus récurrentes ; à savoir la peur du noir. L’obscurité étant dans son film le lieu où se révèle une créature dangereuse. Cela semble simple, voire évident. Et pourtant tellement judicieux qu’on se demande pourquoi on n’y avait pas pensé avant.
Grâce à l’énorme succès de son court-métrage, c’est sans grande surprise que David F. Sandberg a décidé d’en faire une version longue. Evidemment, passer d’un format aussi court, qui fonctionne par son caractère resserré, à un film d’une heure vingt, il y a le risque de n’avoir rien d’autre à proposer et de tourner dans le vide. Mais avec James Wan (Saw, Insidious, Conjuring…), le maître du genre depuis une dizaine d’années, à la production, et Eric Heisserer (The Thing de 2011) pour l’accompagner à l’écriture du scénario, David F. Sandberg a été bien entouré pour pouvoir tirer de son œuvre d’origine un matériau suffisant et laisser libre court à sa mise en scène. Avec DANS LE NOIR, sans révolutionner le genre, il offre un vrai moment d’épouvante parfaitement maîtrisé.
DANS LE NOIR aurait pourtant pu être une de ces œuvres un peu faciles qui savent provoquer la peur par quelques bons effets mais sans avoir pour autant un fond (au hasard Annabelle). C’est peut-être là-dessus que DANS LE NOIR fait la différence. L’histoire du film commence avec Martin, un garçon d’une dizaine d’années qui vit avec sa mère, Sophie (Maria Bello), en dépression. La nuit, Sophie discute dans sa chambre avec une étrange créature du nom de Diana. Inquiet et sentant un danger, Martin trouve refuge chez sa sœur, Rebecca (Teresa Palmer), qui a connu la même chose à son âge, ce qui l’avait poussée à quitter la maison.
L’élément déterminant de ce résumé est évidemment la question de la santé mentale de la mère. En acceptant la présence de Diana, Sophie participe directement à la mise en danger de ses enfants. Mieux, elle se place à l’opposé de la figure maternelle et protectrice. En l’absence de figure parentale saine (et donc à valeur héroïque), le film en devient d’autant plus inquiétant, dès lors que l’on s’identifie à Martin, ou à Rebecca qui s’apprête à revivre le même cauchemar. Cette dernière, devenant l’unique adulte véritable aux yeux de Martin, n’en est pas moins fragile car soumise à son passé dont elle ne s’est jamais totalement défaite (représenté notamment par sa peur de l’engagement). Derrière le film d’épouvante se cache alors un drame familial concis mais pour le moins utile.
Sans révolutionner le genre, le film offre un vrai moment d’épouvante, parfaitement maîtrisé.
Evidemment, bien que ces éléments scénaristiques offrent une qualité supplémentaire au film, DANS LE NOIR parvient surtout à flanquer la frousse grâce à sa réalisation en adéquation avec son idée première. A savoir l’apparition de Diana, dont on ne voit jamais que le nécessaire pour laisser la part à l’imaginaire, uniquement dans l’obscurité. David F. Sandberg sait parfaitement faire monter la pression. Par exemple dans l’appartement de Rebecca, éclairé de l’extérieur par une lumière rouge clignotante, faisant ainsi apparaître et disparaître la créature sous nos yeux, tandis que Rebacca se réveille. Une plongée dans ce moment, au réveil, quand rien n’est encore clair. Où la prise de conscience de la réalité est forcément longue, devenant ainsi d’autant plus inquiétante pour le spectateur qui presse l’héroïne à réagir.
Mais ayant conscience que ce même spectateur aura vite fait de voir dans chaque scène et décor les lieux où Diana est susceptible d’apparaître, le réalisateur sait comment jouer avec nos nerfs. Éclairant quasiment toutes les pièces au minimum (une bougie, une petite lampe de chevet, une lampe torche, la lumière extérieure passant au travers d’un rideau…) et travaillant sur les ombres, on reste constamment sur le qui-vive. Ces différentes sources pouvant s’éteindre à n’importe quel moment.
Bien que l’ensemble de son casting (Maria Bello et Teresa Palmer en tête) n’apporte en soit pas grand-chose, mais se contente d’être juste et dans le ton, DANS LE NOIR est donc surtout d’une efficacité redoutable dans sa réalisation. Ne perdant jamais le rythme nécessaire, David F. Sandberg se permet même d’offrir une séquence finale mémorable, éclairée d’une lumière bleue (obtenue par une lampe à ultraviolets permettant de voir Diana), rappelant la scène mythique du Silence des agneaux.
En suivant Rebecca en caméra à l’épaule au fil des différentes pièces (bonne maîtrise du décor de la maison), les sentiments d’enfermement et d’étouffement se décuplent pour faire vivre au mieux le cauchemar. Jusqu’au bout DANS LE NOIR parvient à terrifier. Et il reste même ancré dans l’imaginaire après coup. Car c’est avec une appréhension certaine que l’on ira se coucher désormais, espérant que notre lampe de chevet, elle, restera allumée toute la nuit…
Pierre Siclier