Henry Barthes est un professeur remplaçant. Il est assigné pendant trois semaines dans un lycée difficile de la banlieue new-yorkaise. Lui qui s’efforce de toujours prendre ses distances va voir sa vie bouleversée par son passage dans cet établissement…
Note de l’Auteur
[rating:5/10]
• Date de sortie : 1 février 2012
• Réalisé par Tony Kaye
• Film américain
• Avec Adrien Brody, Marcia Gay Harden, James Caan
• Durée : 1h37min
• Titre original : Detachment
• Bande-Annonce :
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=baY_IHefWhI[/youtube]
Avec Detachment, Tony Kaye s’empare d’un sujet colossal et épineux tel que celui de l’éducation scolaire aux Etats-Unis. Le film, dont l’action se déroule dans un lycée difficile de la banlieue new-yorkaise, brosse un portrait alarmant du système éducatif. S’emparer de cette question sociale n’est pour le moins pas négligeable quand on sait que 90% des élèves américains sont scolarisés dans des établissements publics.
Bienvenue dans le monde des horreurs, un monde inversé où les élèves font la loi et tyrannisent leurs professeurs. Adrien Brody (Henry Barthes dans le film) se fraie un chemin dans les couloirs d’un lycée désenchanté. Ce mystérieux remplaçant porte un regard à la fois triste et bienveillant sur ses élèves, auxquels il ne saurait s’attacher puisqu’il passe d’établissement en établissement, sans jamais s’y arrêter plus de trois semaines.
C’est pourtant dans son regard que les adolescents trouvent du réconfort, une vérité. Car, même s’il refuse de s’attacher, Henry Barthes ne manque pas de compassion. Le cœur a ses raisons que la raison ignore (ou refoule…). En effet, l’insertion de flashbacks dévoile au spectateur l’enfance douloureuse d’un garçon dont la mère s’est suicidée sous ses yeux. Ce n’est donc pas un hasard si la souffrance des lycéens en détresse trouve un écho chez Henry Barthes.
Cet homme perdu et inquiet va donc se laisser entraîner dans différentes relations affectives. Celle avec la jeune Sami Gayle (Erica dans le film), enfant prostituée qu’il va recueillir chez lui est la plus intéressante, car elle permet au personnage de s’immiscer dans un questionnement sur la parentalité et sur la famille. Ce croisement de destins multi-générationnel (professeurs passionnés mais impuissants, élèves à la dérive) explose à l’écran sous la forme d’un enchaînement de situations chocs. De toute évidence, Tony Kaye veut tirer la sonnette d’alarme. Cris, coups, pleurs déferlent et viennent à bout des résistances nerveuses du spectateur.
[pullquote]On ne peut qu’être touché par ces images choquantes lesquelles, même si l’on préfèrerait les mettre de côté, exigent pourtant de nous réflexion et réponse.[/pullquote] Detachment pulvérise le cynisme que l’on serait tenté d’adopter pour faire face à l’angoissant magma du système éducatif américain, lequel n’est pas sans rappeler les problèmes que rencontre l’Education Nationale en France. Bref, on ne peut qu’être touché par ces images choquantes lesquelles, même si l’on préfèrerait les mettre de côté, exigent pourtant de nous réflexion et réponse. Un film qui donnerait à penser plus qu’il ne cherche à divertir ? Pas sûr.
En effet, impossible de ne pas s’agacer d’un discours qui délaisse le champ du rationnel pour faire appel aux seules pulsions émotionnelles du spectateur. Notons que les situations et les personnages sont stéréotypés à l’extrême et que rien ni personne ne vient s’opposer à ce chorus du désespoir. L’ensemble manque donc de subtilité et d’ambivalence. La scène de fin, trop spectaculaire pour être crédible, déçoit par sa simplicité. Et soudain, le détachement a lieu et le film nous apparaît comme un catalogue de clichés sur fond de musique mélodramatique. La trop grande multiplicité des relations qui se nouent au cours de l’histoire nous empêche de sonder véritablement le cœur du problème. De ces histoires, on ne retient qu’un parfum de scandale.
En bref, Tony Kaye touche à tout mais rien n’est exploré en profondeur. Sa visée critique ne se cantonne-t-elle pas à un consensus démagogique, le constat (pour ne pas dire la célébration) d’une impuissance ? Son point de vue manque, hélas, de hauteur. Finalement, à quoi est due cette déchéance de l’école ? S’agit-il d’une simple mode si les élèves ne se sentent plus concernés par leur avenir, si les professeurs manquent de reconnaissance et les écoles, d’argent ? Ce film aux prétendues allures « coup de poing » ne se risque pourtant pas à une remise en cause politique. Et c’est dommage, car la matière ne manque pas… Le regard porté sur l’école à travers la subjectivité d’un antihéros dépressif s’avère stérile. Aucune voix de sortie n’est proposée, on étouffe. Néanmoins, la qualité du jeu d’acteur vaut le déplacement.