[critique] Enter The Void

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Oscar et sa sœur Linda habitent depuis peu à Tokyo. Oscar survit de petits deals de drogue alors que Linda est stripteaseuse dans une boite de nuit. Un soir, lors d’une descente de police, Oscar est touché par une balle. Tandis qu’il agonise, son esprit, fidèle à la promesse faite à sa sœur de ne jamais l’abandonner, refuse de quitter le monde des vivants. Son esprit erre alors dans la ville et ses visions deviennent de plus en plus chaotiques et cauchemardesques. Passé, présent et futur se mélangent dans un maelstrom hallucinatoire.

Note de l’Auteur

[rating:9/10]

Date de sortie : 5 mai 2010
Réalisé par Gaspar Noé
Film français
Avec Nathaniel Brown, Paz de la Huerta, Cyril Roy
Durée : 2h30min
Bande-Annonce :

Troisième film et demi (après les deux longs Irréversible et Seul Contre Tous et le moyen métrage Carne) de l’OVNI Gaspar Noé dont chaque nouveau film avait jusque là repoussé les limites du montrable, on se demandait bien si on allait pouvoir regarder celui-là sans se trouver mal.

Sorti un an après la projection de Cannes (les voies de la distribution ciné sont décidément impénétrables), le film arrive donc précédé d’une cohorte de commentaires enflammés des festivaliers et des happy few ayant pu le voir avant nous, pauvres spectateurs lambda. Enflammés dans les deux sens, comme à son habitude, Noé ne laissant personne indifférent, ça allait du « pur génie » et du « trip visuel ultime » à un film « ridicule et kitsch » qui porte bien son nom ou qui dure « une heure de trop ».

Quitte à passer pour un normand (p’tet bien que oui, p’tet bien que non), je dois bien reconnaitre qu’il y a du vrai dans tout ça. Comme tout cinéphile normalement constitué, le réal est fan de Kubrick et comme tout réal raisonnablement doué, son ambition était de faire un jour son « 2001 : l’odyssée de l’espace », à savoir sa grande œuvre métaphysique, vision cosmique et retour à l’état de fœtus inclus. Afin de plonger le spectateur-cosmonaute dans le grand bain (ou le grand vide), le film démarre par un générique psychédélique qui marque la rétine durablement sur une musique hypnotique de Thomas Bangalter (moitié de Daft Punk déjà responsable de la BO troublante d’Irréversible).

On ne tarde pas à rentrer dans l’appart’ d’Oscar (et dans sa tête, la majorité du film étant tournée en caméra subjective) où il va se fumer tranquillement une pipe de DMT. La pipe au premier plan, le reste de l’écran se brouille à chaque taf pour simuler son état. Merde, on se remettait à peine du choc du générique et on est déjà défoncé ! Par la fenêtre, l’enseigne « ENTER » est devenue floue. Un peu plus tard, on ira faire un tour dans la boite « THE VOID »… on retrouve là le côté sursignifiant un peu potache de Noé (souvenez-vous du « Rectum » d’Irréversible !) que beaucoup lui reprochent.

Entre temps, on aura appris grâce à une discussion sur Le livre des morts tibétains (la seule piste que le réal consent à donner, on est ici dans un film qui se ressent plus qu’il ne s’explique) ce que va être la suite du film : une expérience de mort imminente. Suite à une bavure (autre thème récurrent de l’œuvre Noesque), l’âme d’Oscar plane au-dessus de Tokyo. C’est maintenant que vous serez enchanté par l’expérience inédite que procure le film ou saoulé par sa prétention, sa morbidité et sa vacuité.

Dans les deux cas, on est dérouté par la forme que prend le film et c’est tant mieux. Ça tranche nettement avec le reste de la production : entre les histoires de trentenaires germanopratins et les action movies avec surenchère d’explosions, Noé est un des rares metteurs en scène d’aujourd’hui qui cherche à réinventer le cinéma. Rien que ça. Et il y arrive souvent.

paz void

Finalement, c’est un peu comme une soirée trop arrosée : au début c’est l’euphorie, tout le monde trouve ça bien et puis au bout d’un moment ça dégénère, on a la tête qui tourne, on a des idées noires et on voudrait que ça s’arrête. Mais une soirée avec Paz de la Huerta, ça ne se refuse pas, tant l’actrice est capable de faire monter la température d’un film.

Même si Kounen avait déjà montré des visions semblables dans son Blueberry chamanique ou que certaines scènes sont discutables (le coït vu de l’intérieur – si, si- par exemple, qui a fait exploser la salle de rire), vous ne risquez pas d’oublier ce film avant longtemps. L’anti-Pirate des Caraïbes, en somme.

On pardonne à Noé ses quelques maladresses parce qu’on assiste ici au travail d’un passionné qui ressasse ses obsessions (le sexe, la mort, le fait divers qui fait basculer une vie…) seul contre tous dans le cinéma français, intègre et indépendant (tout le monde lui a dit que son film était trop long mais il l’a gardé tel quel, quitte à faire 3 entrées, autant ne faire aucune concession).

Radical et salvateur.

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