falstaff003 e1437378044451 - [CRITIQUE] FALSTAFF
Orson Welles et Jeanne Moreau dans Falstaff, © Films sans Frontières

[CRITIQUE] FALSTAFF

Mise en scène
9
Direction d'acteurs
9.5
Adaptation / Scénario
9.5
Photographie / Découpage
8
Montage
8.5
Fascination
10
Note des lecteurs2 Notes
9.6
9.1

[dropcap size=small]O[/dropcap]rson Welles fait preuve d’une grande originalité comme d’un courage immense en adaptant non pas une, mais plusieurs pièces de théâtre de William Shakespeare, au travers du personnage secondaire Falstaff.

Le dramaturge revisite ainsi les pièces de Richard II, Henri IV, Henri V, et Les commères de Windsore.
Les événements couverts par Orson Welles lui permettent de dresser des parallèles entre les registres comiques et tragiques, réunissant grâce au montage ce que plusieurs scènes, voire actes, séparaient dans la suite de pièces. C’est une œuvre titanesque, rendue simple grâce au génie d’Orson Welles. Se montrer en bouffon obèse, témoigne de l’humour qu’Orson Welles avait de sa personne. Falstaff est d’autant plus attachant que ses défauts sont ceux de l’homme ordinaire, malmené par une situation extraordinaire.

Adulé par le prince et détesté par le roi, Falstaff invente sa légende pour survivre à la périphérie de la cour. Un moment paré de tous les honneurs, il doit se cacher le jour suivant comme un vulgaire voleur. FALSTAFF est un film double dans le moindre de ses aspects.

Si l’ogre interprété par Orson Welles provoque du dégoût chez Jeanne Moreau, cette dernière peut également éprouver du désir pour l’ours mal léché qu’est aussi Falstaff. Le prince est tout à la fois fasciné par les tours d’illusionniste de ce père adoptif, que méfiant vis à vis des mensonges d’acteur qu’il lui enseigne. Falstaff est un modèle autant qu’un objet de moquerie.

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© Films sans Frontières

Orson Welles est parfaitement conscient de l’ambivalence de son personnage, au point de contaminer le récit lui-même, voire le montage. A la parodie d’un couronnement, scène d’anthologie dans une taverne où un coussin sert de couronne, succède immédiatement la véritable cérémonie. Prisonnier de cette fantaisie Falsaff finit par ne plus en distinguer le vrai du faux, au contraire du prince, qu’il juge un peu trop vite comme un fils adoptif. Le dénouement du film n’en sera que plus tragique, car le prince se sera évadé de cette rêverie pour de plus hautes aspirations.
La grande Histoire ainsi comptée au travers du fantasque Falstaff pourrait être bien sage si la fin du film ne venait éclairer sa forme entière d’un nouveau regard. Le spectateur comprend alors le tragique et le comique, l’inextricable alchimie que le cinéaste a trouvé pour nous donner l’illusion de la vie. Falstaff fascine, Orson Welles hypnotise.

« Adulé par le prince et détesté par le roi, Falstaff invente sa légende pour survivre à la périphérie de la cour. »

FALSTAFF se contemple avec naturel, dans un style fluide qui nous ferait presque oublier que les mots sont de William Shakespeare. Les visages en noir et blanc de rois mégalomanes ou les farces de courtisans égarés évoquent autant le moyen-âge que notre modernité. Orson Welles est bien loin des innovations de cadrage ou de montage de Citizen Kane ou même Othello (autre adaptation d’une pièce unique de William Shakespeare). L’expressionnisme s’est estompé au profit d’une caméra-témoin, venue capturer de grands moments de cinéma : la bataille, le duel ou les monologues des protagonistes.

Cet effacement du style au profit du récit sert complètement le propos d’Orson Welles, bien plus proche de F for Fake (Vérités et mensonges) et plus tard Une histoire immortelle (avec encore une fois Jeanne Moreau, toute aussi excellente). Au travers de ces films, comme avec FALSTAFF, Orson Welles  conduit le spectateur à douter jusqu’à l’ivresse, détruisant la séparation entre le vrai et le faux, l’Histoire et la Légende, la vie et le cinéma.

Cette critique de FALSTAFF a été réalisée à l’occasion de la ressortie du film en salles, le 22 juillet 2015.
Elle est également partie de notre rétrospective consacrée à Orson Welles.

author twitter - [CRITIQUE] FALSTAFF@Thomas_Coispel

[divider]INFORMATIONS[/divider]

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Falstaff © Films sans Frontières
Falstaff © Films sans Frontières

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[column size=one_half position=last ]Rétrospective ORSON WELLES

Titre original : Falstaff
Réalisation : Orson Welles
Scénario : Orson Welles et Raphael Holinshed, d’après les pièces de William Shakespeare
Acteurs principaux : Orson Welles, Jeanne Moreau, Keith Baxter et  John Gielgud
Pays d’origine : Espagne, Suisse
Sortie : 1965 – ressortie 22/07/2015
Durée : 115 mn
Distributeur : Films Sans Frontières
Synopsis : Ami du prince mais détesté du roi, FALSTAFF fabrique sa légende. 

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[divider]BANDE-ANNONCE[/divider]

https://youtu.be/1qRoyUcOi4E

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