GEMMA BOVERY raconte l’histoire de Martin Joubert, ex éditeur littéraire/ex parisien bobo reconverti en boulanger, venu s’exiler dans un petit village de Normandie avec sa femme et son fils lycéen. Sa vie va être pas mal chamboulée par l’arrivée d’un couple d’anglais, Gemma Bovery et son mari Charles.
Joubert lui, est un homme de lettres, à l’image de Fabrice Luchini ; en tout cas, l’image publique de Fabrice Luchini. La première réussite du film est de jouer énormément dessus, d’opposer sa réflexion constamment littéraire, à la simplicité de Gemma, à la superficialité du monde.
Réflexions, car Martin Joubert, est un personnage extrêmement passif. C’est son esprit, son imagination qui parle, construit et déconstruit ce petit microcosme, façonne le réel en un roman dont la littéralité se mélange à celle du cinéma.
Son regard se mixe avec celui de la réalisatrice Anne Fontaine, et avec celui du spectateur : cela fait de lui un personnage voyeur et marionnettiste, philosophe et légèrement cruel. Un des éléments les plus intéressant du film concerne son aptitude à commenter avec finesse et toujours en voif-off les divers évènements , via des dialogues particulièrement croustillants, autant littéraires que vulgaires et crus. Cela, associé au jeu parfait de Luchini, tout en mono-expressivité et en émotions refoulées !
Le seul dommage, c’est que ce point de vue principal nous gratifie également de visions sur le monde, la jeunesse, la politique, la superficialité de l’Homme… Visions parfois éclairées, mais souvent trop égocentrées, trop auto-satisfaites. Typique d’une certaine classe bobo parisienne – à laquelle s’adresse spécialement le film d’ailleurs.
L’autre gros atout du film, c’est évidemment Gemma Arterton.
L’actrice y est tour à tour sexy, charmante, d’une légèreté phénoménale, d’une fraîcheur sans nom. Son accent français, sa moue boudeuse ou ses petits gémissements sont la définition même de sensualité… La mise en scène d’Anne Fontaine ne cesse de magnifier l’actrice et, dans une moindre mesure, son amant et pendant masculin Niels Schneider. Parfois au risque d’assombrir le reste du cast, pourtant assez bon, mais forcément moins pimpant – maris anglais complètement transparents (Jason Flemyng et Pip Torrens), femme à la superficialité navrante (Elsa Zylberstein, parfaite), ou femme à la banalité navrante (Isabelle Candelier, très bien aussi).
Tous ces personnages servent surtout de faire valoir aux émotions des protagonistes principaux. Sensualité refoulée puis explosive pour Gemma, réflexions existentielles et misanthropes pour Joubert. Gemma Bovery s’oppose donc complètement à Martin Joubert et à son univers terne et banal (sa femme, son gosse « jeune et con »).
Justement, Joubert se persuade que c’est elle et pas lui qui vit dans la banalité, en l’imaginant en Emma Bovary. Ce rapport aux choses est assez intéressant. Joubert manipule ce petit monde pour alimenter son propre désir, combler un manque de romanesque dans son propre quotidien.
Une comédie légère, charmante et pas si bête, bien que prévisible.
Évidemment, Gemma Arterton oblige la comparaison avec l’excellent Tamara Drewe, ou elle avait peu ou prou le même rôle : celui de la jeune et jolie femme venant bouleverser l’équilibre tout en frustrations d’un petit village. Le film de Stephen Frears excellait par son rythme, sa galerie de personnages brossés avec cynisme (Tamara drewe y compris), leurs confrontations savoureuses… Anne Fontaine, elle, s’amuse à établir des parallèles avec l’oeuvre de Flaubert, en n’hésitant pas à constamment citer verbalement ou par certaines situations, Madame Bovary. Cependant, GEMMA BOVERY cherche assez binairement à représenter l’opposition entre féminité libérée dans la superficialité, et frustration masculine nageant dans une culture influençant beaucoup trop sa perception des choses. Tout cela, non sans correspondre à une certaine tradition théâtrale vaudevillesque, malheureusement.
Cela provoque une prévisibilité assez préjudiciable au rythme du film, un manque d’intérêt dans sa dernière partie – relevé assez artificiellement par un effet de narration trop tardif.
Au rayon des griefs, notons également la photographie du film, absolument triste et terne, un comble pour un paysage aussi chatoyant que celui du village ou se place l’action. Elle n’arrive pas non plus à rendre compte de la beauté des acteurs, par ailleurs mis en avant par la mise en scène.
La musique de Bruno Coulais se fond totalement dans l’univers du film, même si quelques morceaux appuient un peu trop les situations tout en étant hors sujet (Jimmy de Moriarty)
Au final, GEMMA BOVERY est le sympathique portrait d’un homme trop littéraire pour son propre bien, qui cherche à re-modeler son petit monde pour pimenter son quotidien morne. Le film l’oppose à la fraîche Gemma Bovary dont la légèreté et la superficialité sont les ingrédients parfaits pour raviver en lui l’émotion depuis longtemps disparue.
Soit une comédie légère, charmante et pas si bête bien que prévisible, emmenée par deux comédiens au top : Gemma Arterton et Fabrice Luchini.
Georgelechameau