Go home

[CRITIQUE] GO HOME

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GO HOME
• Sortie : 7 décembre 2016
• Réalisation :Jihane Chouaib
• Acteurs principaux : Golshifteh Farahani, Maximilien Seweryn, François Nour
• Durée : 1h38min
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3
Note du Rédacteur

Une bouche qui sourit, un regard lunaire, une larme qui coule le long d’une joue et une posture droite, ancrée dans la terre… C’est ainsi, consumée par un conflit entre sa force et sa fragilité intérieur, que Golshifteh Farahani porte GO HOME, le second long-métrage de Jihane Chouaib. GO HOME est un portrait de femme mais c’est avant tout la déclaration d’amour d’une réalisatrice à son pays, le Liban, qu’elle avait déjà mis en scène dans son premier documentaire Pays rêvé et qu’elle revisite aujourd’hui dans une fiction à travers le chemin de Nada, une jeune Libanaise qui revient sur ses terres natales ravagées par la guerre civile.

Plongée dans le passé, plongée en elle-même, plongée dans les secrets des murs de la maison familiale recelant des secrets inavouables, GO HOME est un voyage intérieur sondant les souvenirs, les refoulements et les spéculations autour de la mystérieuse disparition d’un grand-père. Jihane Chouaib choisit de suivre le destin de deux personnages en résonance perpétuelle, Nada et la maison de son enfance, deux intériorités à huis clos qui vont tenter de se reconstruire ou plus exactement de se reconstituer. Il s’agit de l’évolution en miroir d’une maison dont on dépèce les murs et le jardin souillé d’ordures qui l’ankylosent comme l’obscurité opaque des événements passés, et de sa réhabilitation. Alors que Nada s’enfonce dans son obsession de faire renaître ce lieu telle un chemin de croix, elle plonge à l’intérieur d’elle même pour y atteindre la vérité enfouie.

Photo du film GO HOME
Nada revient sur sa terre natale , le Liban meurtri…

Dans GO HOME, il y a d’abord une peinture subtile de la société Libanaise, le portrait d’un pays marqué par la guerre et ses ravages architecturaux, ses milices et son organisation civile parallèle qui octroient au film une texture authentique à double emploi. Tout d’abord l’ode de Jihane Chouaib à son pays apporte une épaisseur naturaliste et affective prégnante au récit, mais cette toile de fond témoigne de la construction très habile et aboutie du scénario. En effet au-delà de son sujet propre, la véritable singularité du film émane de son traitement et du choix de Jihane Chouaib de mettre en scène son propos dans une sorte d’entonnoir sensoriel, un échelonnement régulier vers l’intime, comme un zoom par lequel on pénètre de plus en plus « au cœur » des personnages et de l’action. Du portrait général de la société libanaise, la réalisatrice focusse sur la guerre des clans familiaux, puis se penche sur l’histoire intergénérationnelle d’une famille, se rapproche au plus près du lien entre un frère et une sœur avant de se concentrer uniquement sur Nada. Le film s’auréole alors d’une esthétique organique qui lui apporte tout son intérêt et toute sa force.

« La véritable singularité du film émane de son traitement et du choix de Jihane Chouaib de mettre en scène son propos dans une sorte d’entonnoir sensoriel, un échelonnement régulier vers l’intime, comme un zoom par lequel on pénètre de plus en plus « au cœur » des personnages et de l’action. »

GO HOME révèle un travail minutieux des sonorités et de la matière allant à chaque instant sublimer l’introspection de Nada. Ainsi les scènes les plus visuelles sont propulsées dans une dimension pluri-sensorielle, à l’instar de celle où Nada cherche à effacer des inscriptions sur les murs; on y entend sa paume qui frotte et frappe le crépi en ruine, sa peau qui s’y blesse, et ses ongles qui arrachent le papier. Il y a également ce moment lorsque Nada étend le linge en plein vent et que la scène prend une ampleur saisissante à l’écoute des draps qui se plissent et de la brise qui fait voler le tissu. Tout le film joue sur cette dimension « de matière » omnipotente de l’image – on va jusqu’à sentir le poids de la laine tricotée et son âpre douceur. Ainsi, GO HOME ne se perd pas dans les dialogues – rares et fonctionnels -, et nous délivre son histoire et ses protagonistes de manière sensorielle, véritable gage de la beauté qu’on se doit de lui reconnaître.

Photo du film GO HOME
Nada et son frère de retour dans la maison de leur enfance.

Golshifteh Farahani, que nous avions adorée dans Les deux amis de Louis Garrel, prouve une nouvelle fois son charisme lumineux et porte le film avec grâce. Mais les rôles secondaires ne sont pas en reste, notamment Maximilien Seweryn qui incarne Sam (le frère de Nada) dont il semble que ce soit le premier rôle dans un long métrage, et qui fait preuve d’une belle présence. Les performances tout en intériorité des comédiens sont d’autant plus à souligner puisqu’ils réussissent à marquer les esprits alors qu’ils ont certainement eut à s’effacer derrière la force d’incarnation de la mise en scène.

GO HOME est un film dont l’aspect technique et cinématographique est à saluer, de la lumière au son, il est quasiment impossible de ne pas être happé par le flot de sensations via lequel la réalisatrice nous invite à lire (ressentir) son film. La photo est superbe, mais s’il fallait pourtant trouver à GO HOME une faiblesse, ce serait celle-la… Celle d’avoir excellé dans la forme mais d’avoir peut-être, un peu délaissé le fond. Car on aura malgré tout du mal à s’attacher au personnage et à sa quête qui restent paradoxalement désincarnés. Le voyage sensoriel, psychologique et initiatique est une réussite totale mais il manque à GO HOME du tissu émotionnel pour être le grand film qu’il a tout pour être.

Sarah Benzazon

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