Après le sulfureux Dernier Tango A Paris, Bertolucci met une nouvelle fois tout son talent et sa culture cinématographique dans un film pluriculturel : Innocents – The Dreamers.
Autant le dire d’emblée avant de rentrer un peu plus dans les détails, le film est à la hauteur du personnage et tout en lui respire Bertolucci à plein nez. Que de bonheur en perspective pour les admirateurs de ce cinéaste audacieux, méticuleux et tendancieux.
Se déroulant juste avant l’épisode de Mai 68, The Dreamers met en scène une rencontre somme toute banale entre un américain venu étudier à Paris et un frère et une sœur. Tous les trois n’ont que pour seule et unique raison de vivre le cinéma et passent le plus clair de leur temps dans les salles obscures. En cela, la première partie de ce film est un délicieux hommage à La Nouvelle Vague et aux œuvres de l’époque. Chaque nouvelle scène est un nouveau clin d’œil à des films comme Scarface, Les 400 Coups, Pierrot Le Fou, A Bout De Souffle, Top Hat et j’en passe tellement la liste est longue. Néanmoins, si j’énumère brièvement ces différents clins d’œil, une chose est sûre, les amoureux de cinéma y trouveront forcément leurs comptes.
La seconde moitié du film est plus recentrée sur la relation ambigüe qui commence à se dessiner devant nos yeux de ce trio destructeur que Bertolucci a su parfaitement diriger de bout en bout. Le trio d’acteur Pitt/Green/Garrel fonctionne à merveille, nous donnant une véritable leçon de comédie à chaque nouvelle séquence avec cette interprétation à fleur de peau qui colle parfaitement à l’atmosphère érotique et à la BO électrisante de l’ensemble. Bertolucci s’affirme en maestro et dirige ses troupes avec une main de maître inébranlable.
A travers cette spirale infernale qui prend forme autour de nos protagonistes, Bertolucci en profite pour insister sur une notion récurrente de ses autres productions, une notion de vie clairement épicurienne : ne soyons pas qu’un simple figurant mais devenons un acteur de notre propre vie. Notion que nous retrouvons dans l’évolution des personnages du film : dans un premier temps, ces derniers passent le plus clair de leurs temps à imiter et à vénérer des stars de cinéma, ils n’ont pas de réelles personnalités. Dans un second temps, prenant conscience que la vie ne se résume pas exclusivement à des images sur un écran, ils commencent peu à peu à se découvrir et par là à découvrir le monde qui les entoure car même dans une salle obscure, Ils ne regardent plus l’écran. Bertolucci insiste ici sur une notion clé : le cinéma n’est qu’un divertissement et quelque soit l’amour que vous lui portez, n’oubliez pas l’essentiel, à savoir vivez votre propre vie.
Par là, Bertolucci insiste sur une autre notion en étroite relation avec celle citée plus haut : la famille. Le cercle familial, ce cocon hermétique qui peut s’avérer destructeur et étouffant, Bertolucci ne semble pas le portée dans son cœur et ne mâche pas ses mots quant à sa vision des choses. Mais habilement, ce dernier ne le fait pas de manière conventionnelle en s’attardant sur les relations enfants/parents mais oriente son objectif sur la relation presque incestueuse entre une sœur et un frère qui se détruisent à petit feu. C’est dérangeant, émouvant et d’une efficacité redoutable.
Au final, The Dreamers, très loin d’égaler des métrages comme 1900 et le Dernier Tango A Paris, se révèle au fil des minutes une véritable leçon de cinéma et de vie. Bertolucci connait son métier et nous le prouve de la plus belle des manières à travers ce récit centré sur trois âmes en détresse, trois âmes errantes qui ne comprennent pas aussi bien qu’ils le pensent le monde qui les entoure.
Avec un soupçon de politique, une touche de philosophie, une pointe d’érotisme et une pincée de clins d’œil, Bertolucci réussit le mélange parfait qui confère à The Dreamers cet arrière-goût de chef-d’œuvre. Chapeau bas.
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