INSOUMIS
Insoumis (Corbo) © Océan Films

[CRITIQUE] INSOUMIS

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Mise en scène
7.8
Scénario
7.5
Casting / direction d'acteurs
8.8
Perspective historique
6
Universalité du propos
8.5
Montage / Photographie / Son
8.5
Note des lecteurs0 Note
0
7.9
Note du rédacteur

[dropcap size=small]J[/dropcap]ean Corbo (Anthony Therrien), à peine 16 ans dans les années 60 au Québec, va épouser totalement la cause de l’indépendance.

Dans INSOUMIS, Mathieu Denis a l’intelligence de ne jamais traiter la question de l’identité de manière frontale, mais en interrogeant ce qui lie l’exclusion avec le sentiment d’appartenance. Fils d’immigrés italiens, le père et grand-père de Jean Corbo ont été traité comme des parias durant la seconde guerre mondiale. En 1966, Jean Corbo subit toujours cette stigmatisation, mais ne cherche pas forcément à renier entièrement son « italianité » ou se fondre complètement dans cette seule identité.

La première partie fascine grâce à ses personnages secondaires, le grand-père de la famille Corbo en tête (Dino Tavarone). La scène du dîner puis celle de la conversation entre le vieil homme et son petit-fils font parties des plus fortes, alors qu’elles semblent a priori très éloignées du récit historique dans lequel le film s’inscrit. Presque sans aucun artifice de mise en scène, ces dialogues sont de pures performances d’acteurs qui redéfinissent avec subtilité le thème proposé par le scénario. La quête identitaire du Québec en 1966 s’incarne dans la crise d’adolescence de Jean Corbo, éclairant à la fois la fin de l’innocence pour le protagoniste et le passage à l’âge adulte de tout un peuple.
Parfois donneurs de leçons, parfois victimes, les personnages secondaires donnent à Jean Corbo toute son épaisseur. Les relations familiales tendues ou ses difficultés avec ses camarades québécois « de souche », complexifient la logique simpliste dominant/dominé que les indépendantistes québécois voudraient calquer sur toute problématique sociale.
Jean finit par rejoindre les indépendantistes radicaux du Québec, partisans d’une francophonie absolue et de l’abolition des privilèges des anglo-saxons dans le commerce et l’administration fédérale. Les textes théoriques lus en voix-off (Frantz Fanon) n’apparaissent jamais comme de la propagande pour renouer avec l’action violente aujourd’hui en 2015, mais comme un échappatoire au dilemme du personnage principal.

Le repas de famille réunit trois génération, la scène phare du film.
Le repas de famille réunit trois génération, la scène phare du film.

Jean, bien que fils d’italiens stigmatisés, vient d’une famille aisée de Mont-Royal, au contraire des Québécois militants au FLP originaires des quartiers ouvriers comme St Henri. Certes, l’attirance que ce groupe exerce sur Jean Corbo vient en partie de la jolie militante (Karelle Tremblay) qu’il croise au début du film et dont il ne cessera vouloir se rapprocher. Mais Jean voit surtout le FLQ comme enfin le moyen de s’intégrer dans un groupe, ne plus être le mouton noir du reste de la communauté.
Dans son dernier tiers, le film s’éloigne de ce thème pour rejoindre le traitement plus froid des faits historiques. C’est là paradoxalement son point le plus faible, car en ne refermant pas la question ouverte par la trajectoire de ce personnage atypique, le réalisateur nous met face à la fatalité d’un destin.

Sorti au Canada il y a un an sous le titre « Corbo« , le film de Mathieu Denis (déjà auteur d’un premier film sur l’identité québécoise, Laurentie) compte évidemment davantage sur les connaissances du public national et québécois des évènements qui ont précédé et suivi l’histoire de Jean Corbo. Le film résonne directement au près du public québécois, toujours partagé entre le refus de l’indépendance (à deux reprises par référendum), et la volonté de ne pas se fondre dans une identité canadienne homogénéisée. Quatre ans après les faits relatés par le film, le FLQ intensifiera sa lutte armée en enlevant le ministre du travail. Le 16 Octobre le gouvernement applique l’équivalent de « l’état d’urgence » conférant de nouvelles prérogatives à l’armée et à la police. Peu de temps après le ministre est retrouvé mort, ce qui retourne l’opinion publique contre le FLQ.

« La quête identitaire du Québec en 1966 s’incarne dans la crise d’adolescence de Jean Corbo, éclairant à la fois la fin de l’innocence pour le protagoniste et le passage à l’âge adulte de tout un peuple. »

Le public français ne connaissant que très mal l’Histoire du Québec sera sans doute un peu déboussolé pour remettre en perspective la trajectoire singulière de Jean Corbo dans cette période mouvementée. Toutefois, l’essentiel du film étant ailleurs, chacun pourra replacer la problématique de l’exclusion et de l’appartenance identitaire à des milieux qui lui sont plus proches. Plutôt que de stigmatiser les individus marginaux qui versent dans la violence, le film de Mathieu Denis taraude les raisons qui les poussent à se radicaliser.

Le film dit en substance qu’on peut condamner l’usage de la violence, mais on doit avant tout mettre fin à l’injustice et à l’humiliation qui l’encouragent. Bien que très éloigné de notre époque et de nos obsessions nationales, ce film québécois entre tout de même en résonance avec notre actualité. Impossible par exemple de ne pas penser à la radicalisation islamiste de certains jeunes français excédés d’être mis au banc de la société.

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[divider]INFORMATIONS[/divider]

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corbo affiche

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Titre original : Corbo
Réalisation : Mathieu Denis
Scénario : Mathieu Denis
Acteurs principaux : Anthony Therrien, Antoine l’Ecuyer, Karelle Tremblay, Tony Nardi
Pays d’origine : Canada (Québec)
Sortie : 02 septembre 2015
Durée : 1h59
Distributeur : Océan Films
Synopsis : Stigmatisé comme fils d’Italiens, Jean Corbo croit trouver une nouvelle famille parmi les indépendantistes québécois. Bien que beaucoup de choses les séparent, Jean se reconnaît dans leur discours anti-colonial et leurs méthodes musclées.

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