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JUSQU’À LA GARDE, thriller conjugal à couper le souffle – Critique

Entre déchirement, peur et manipulation,  JUSQU’À LA GARDE raconte la violence ordinaire, celle trop souvent subie et tue, avec un réalisme rarement égalé. Suite logique de son court archi-primé Avant que de tout perdre, JUSQU’À LA GARDE est le premier long de l’acteur-réalisateur Xavier Legrand et déjà un grand film de genre.

Le film démarre sur un huis clos chez la juge des affaires familiales. Un homme et une femme chacun accompagné de son avocat viennent défendre la garde de leur fils Julien. L’une demande la garde exclusive, l’autre le droit de voir son fils quand ce dernier le refuse pourtant. La juge tranche : ce sera droit de visite pour le père. Impossible de récuser une décision de justice, aussi mauvaise soit-elle. Julien est pris en otage dans ce conflit parental et devient l’enjeu malgré lui de la relation de conjugalité de ses parents. Antoine Besson veut tout faire pour récupérer sa femme Miriam et Julien n’est que le vecteur lui permettant d’atteindre sa cible.

Miriam avait pourtant tiré la sonnette d’alarme mais la juge est restée sourde préférant créditer un père prêt à déménager pour se rapprocher de ses enfants et ne semblant pas comprendre leur réticence à le voir. Le film pose en cela la question de la justice. Comment délibérer en quelques minutes le sort d’une famille dont on ne connait ni la réalité ni les coulisses ? Quelle place donner à la parole des enfants qui n’ont pas souvent leur mot à dire ? La juge conclut d’ailleurs par cette interrogation : « je me demande lequel de vous deux ment le plus ». De son côté, leur fille Joséphine bientôt majeure, échappe à ce conflit de garde et voit en Samuel, son amoureux, un possible renouveau. Mais s’éloigner de cet enfer familial pour reconstruire sa propre vie peut-il être un exutoire ?

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Très vite Antoine va se révéler le père et le mari qu’il a toujours été. Possessif, jaloux, manipulateur et dangereux. Filmé comme un thriller, JUSQU’À LA GARDE raconte l’indicible, la peur au ventre, montre ce que personne ne perçoit de l’extérieur et étonne par sa maitrise, tant dans sa mise en scène que dans son écriture détaillée. « Dès le scénario tout était en place, le crescendo, la tension dramatique, les personnages qui se dessinent au fur et à mesure, les  gestes, l’anxiété, le travail sur les sons. J’attendais un scénario comme ça depuis 15 ans », avoue Denis Ménochet lors de notre rencontre.

La force du film réside entre autre, comme dans tout grand film de genre, à placer le spectateur au centre du film, à le bousculer au fil de l’histoire, à le surprendre et à le faire passer par toutes les émotions qui habitent les personnages. On se projette en chacun d’eux et ainsi passe-t-on de la colère à la peur, de la tristesse à la confusion, de la tétanie à l’envie de fuir. On ne s’étonne pas d’apprendre le travail colossal de recherche qu’a effectué Xavier Legrand pour son film afin de lui donner la tonalité la plus juste, de rendre compte sans caricature d’une pathologie (celle des pervers narcissiques malheureusement assez courante), de la difficulté que représente le verdict des juges, comme du comportement des femmes victimes. Tout est nuancé, intériorisé, remarquablement narré et aucune grosse ficelle ne vient ternir le tableau.

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Si JUSQU’À LA GARDE doit beaucoup à la force de son scénario et de sa mise en scène minimaliste mais efficace, il repose aussi bien sûr sur l’interprétation de ses acteurs tous époustouflants, à commencer par le trop rare Denis Ménochet, absolument magistral en père et mari en proie à sa névrose. S’appuyant sur toute la complexité de son personnage, dans un jeu à la fois acéré et inspiré, Denis Ménochet campe un homme blessé, rattrapé par son histoire – une mère aimante et un père (toujours formidable Jean Marie Winling) dont on sent qu’il a du l’humilier – et ses démons. Il aimerait croire et faire croire qu’il a changé mais sa violence le dépasse.  Un rôle dont on espère qu’il soufflera l’idée à d’autres réalisateurs/rices de lui offrir des rôles de telle envergure. Léa Drucker et le tout jeune Thomas Giora dans sa première apparition au cinéma sont également tous les deux formidables dans des rôles pourtant éprouvants et « casse-gueule ».

Difficile d’en dire davantage sans trop dévoiler. Ajoutons seulement que Xavier Legrand s’est inspiré de cinéastes aussi immenses que Kubrick, Chabrol ou Hitchcock et qu’il ne trahit pas ses maitres avec ce premier long plus que prometteur.

Anne Laure Farges

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Titre original : Jusqu'à la garde
Réalisation : Xavier Legrand
Scénario : Xavier Legrand
Acteurs principaux : Denis Ménochet, Léa Drucker, Thomas Giora
Date de sortie : 7 février 2018
Durée : 1h33min
4.5
Saisissant

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