Nous chroniquons LA CÉRÉMONIE, dans le cadre d’une rétrospective consacrée à Nagisa Ôshima par l’Institut Lumière de Lyon, du 28 avril au 3 mai 2015.
Même si Nagisa Ôshima semble se réinventer à chaque long-métrage, on retrouve de nombreuses constantes au sein de sa filmographie. L’une d’elle est le fameux code du bushido, et son implantation dans la sphère familiale japonaise. Comme Journal d’un Voleur de Shinjuku dans un registre plus burlesque, LA CÉRÉMONIE est typiquement un film post-68, imprégné d’un fort esprit de révolte contre la tradition sociétale nippone.
On retrouve tout la subversion dont a toujours fait preuve le réalisateur. Cette relation étroite avec l’acte sexuel, évidemment, mais aussi et surtout une banalisation de ce dernier, au travers des tabous brisés, des scènes chocs, d’une dérangeante ambiguïté qui est vraiment au cœur de la narration – avec une place importante laissée à l’inceste, par exemple. Mais là où LA CÉRÉMONIE surprend, se marginalise, c’est dans cette fatalité. Cette lente tragédie relationnelle dévastatrice, oppressante et terrifiante. La froideur du cadre complète cette morbide procession filmique, composée de corps presque inertes, de monstres, de visages effrayants, dénuée de toute émotion, de tout espoir.
LA CÉRÉMONIE est un enterrement. L’enterrement de la lumière, de la beauté, du magnifique. Tout est terrible et repoussant, et pourtant le film d’Ôshima est un sommet. Obscur et pourtant si sublime, dégoûtant et pourtant si pudique dans sa démonstration. Si on reproche souvent à Oshima d’être un cinéaste très provocateur, LA CÉRÉMONIE en est l’aboutissement. Le cri de révolte se métamorphose en poésie macabre, l’insolence devient une moralité, les sauts dans le temps se muent en une linéarité d’une dramatique logique.
Une œuvre complexe, décadente, fascinante et destructrice. Dans cet exercice à la frontière du lourdingue, sans aucune subtilité ni forme de recul, Nagisa Ôshima se fond à merveille dans le décor. Son talent pour filmer les bêtes humaines, pour faire du contre-emploi une finalité, sa signature visuelle si remarquable : LA CÉRÉMONIE se bâtît sur les pièces détachées d’un artiste définitivement singulier.
« Une œuvre complexe, décadente, fascinante et destructrice. »
Plusieurs décennies avant le décès de son réalisateur, LA CÉRÉMONIE est étrangement déjà un film testament – et ce quelques années avant le succès du pourtant bien plus célèbre L’EMPIRE DES SENS. Nagisa Ôshima déconstruit son monde, ses mœurs, ses pères et ses voisins. Le Japon féodal n’est plus qu’un tas de cendres, ingrat, honteux, désuet. Le metteur en scène, le sourire goguenard, balaie allègrement ses lointaines racines, les souille, les tourne en ridicule, en fait une farce glaciale qui fait rire jaune. En résulte cette imparfaite et sordide fresque insulaire dont la gravité du ton n’a d’égal que l’ironie du propos. Exigeant, et pourtant jubilatoire.
Le film sera présenté en salles à L’Institut Lumière, le 29 avril 2015 à 19h et le 3 mai 2015 à 14h30
[divider]INFORMATIONS[/divider]
[column size=one_half position=first ]
[/column][column size=one_half position=last ]NAGISA ÔSHIMA
– Le Petit Garçon
– La Pendaison
– La cérémonie
À l’Institut Lumière du 28 avril au 3 mai 2015
• Réalisation : Nagisa Ôshima
• Scénario : Nagisa Ôshima
• Acteurs principaux : Kenzo Kawarazaki, Atsuo Nakamura, Nobuko Otowa, Kei Sato
• Pays d’origine : Japon
• Sortie : 1972; réédition DVD, le 11 mars 2015
• Durée : 2h02min
• Distributeur : Carlotta Films
• Synopsis : Après réception d’un télégramme leur apprenant le décès de leur cousin Terumichi, Masuo Sakurada et sa cousine Ritsuko partent le retrouver sur une île du sud du Japon. L’occasion pour Masuo de se remémorer sa vie au sein d’une famille traditionnelle et rigide…
[/column][divider]BANDE-ANNONCE[/divider]